«Mind the Gap»

Chris Iggo, AXA Investment Managers

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Même si l’inflation s’équilibre à un niveau inférieur conformément aux objectifs des banques centrales, les rendements obligataires restent malgré tout faibles.

  • La différence entre l’inflation réalisée et le niveau des rendements obligataires n’a jamais été aussi grande.
  • Même si l’inflation s’équilibre à un niveau inférieur conformément aux objectifs des banques centrales, les rendements obligataires restent malgré tout faibles.
  • Un rendement de 2,5 pour cent pour les obligations souveraines des Etats-Unis sur dix ans n’est pas exclu si la FED réduit ses acquisitions et augmente les taux d’intérêt en 2022.
  • Ceci pourrait influencer aussi les actions.
Rendements plus élevés...

Les rendements des obligations devraient être plus élevés pour plusieurs bonnes raisons. Le fait qu’ils ne le sont pas, devrait être pris en compte. Ceci permet d’évaluer si les portefeuilles doivent être adaptés pour les protéger de rendements supérieurs et de déterminer les conséquences éventuelles que ceci pourrait avoir sur les primes de risque des obligations d’entreprise et les actions. La hausse des prix à la consommation aux Etats-Unis de 6,2 pour cent en Octobre se situait dans le 88e centile des taux de variation annuels enregistrés depuis 1953, alors que les rendements obligataires étaient de l’ordre du 2e centile, avec un taux directeur effectif encore plus bas. La ventilation entre l’inflation simultanée et les taux d’intérêt est comparable dans la zone euro et en Grande-Bretagne. L’histoire nous montre que les rendements obligataires devraient être plus élevés, avec un resserrement de la politique monétaire. Dans toutes les autres situations observées depuis les années 1950, caractérisées par une augmentation des prix à la consommation aux Etats-Unis de plus de six pour cent sur une période de douze mois, les rendements des obligations souveraines des Etats-Unis sur dix ans étaient de plus de sept pour cent au cours de la même période. Il existe un rapport fondamental entre les taux d’intérêt sur le long terme et l’inflation qui s’est effondrée au cours des dix dernières années et qui affiche maintenant un déséquilibre extrême.

…ou non

Ce n’est pas la même chose de constater où devraient se situer les rendements obligataires et de comprendre pourquoi ce n’est pas le cas. Les investisseurs qui affichent en général de bons résultats essaient d’expliquer les paramètres de la fonction de réaction et, ce qui est encore plus important, comment les investisseurs réagissent aux changements. La quadrature du cercle entre le taux d’inflation et le niveau actuel des rendements obligataires nominaux est formée par les rendements réels profondément négatifs. Selon les TIPS des Etats-Unis (Treasury Inflation Protected Securities, obligations (d’Etat) à taux variable indexé sur l’inflation), la valorisation des rendements réels sur dix ans au prix du marché est de -0,96 pour cent. Le rendement réel ex-post aux Etats-Unis (rendements nominaux de l’année précédente par rapport à l’inflation réalisée) était de -5,5 pour cent en octobre. Il ne s’agit pas d’un phénomène uniquement américain. En Allemagne, le rendement réel est de -1,9 pour cent (obligation souveraine allemande indexée sur l’inflation qui arrivera à échéance en 2033). Le rendement britannique réel pour les obligations souveraines sur dix ans et indexées sur l’inflation s’élève à -3,1 pour cent. Les investisseurs doivent prendre en compte la raison qui se cache derrière les rendements réels négatifs.

Facteurs techniques

Les «facteurs techniques» ont dominé de plus en plus les mouvements des rendements et des spreads, souvent par opposition aux signaux macroéconomiques. Toutefois, il est difficile de mesurer ces facteurs. En pratique, il s’agit de comprendre l’offre et la demande en s’appuyant sur des actifs à rémunération fixe étant donné que ceci influence les prix plus durablement que la réaction aux données économiques publiées ou aux commentaires émanant des collaborateurs des banques centrales. Au cours des dernières années, les achats d’obligations des banques centrales constituaient le facteur «technique» le plus important. Raisonnablement, ces achats doivent être terminés avant que nous puissions assister à une hausse mondiale des rendements réels et nominaux. Bien entendu, les rendements obligataires pourraient être si faibles car les investisseurs – d’un point de vue global – partent du principe que la hausse actuelle de l’inflation est limitée aux prochains trimestres. Ceci implique une attente, à savoir que le durcissement des conditions monétaires sera limité et que le monde est encore loin d’avoir entièrement surmonté la répression financière. Les informations actuelles sur le nouveau variant du coronavirus ont entraîné un important mouvement risk-off en l’attente d’éventuelles perturbations complémentaires dans le commerce international et l’activité économique. Une nouvelle vague de confinements et un ralentissement de l’activité économique auraient une influence particulièrement négative sur les rendements obligataires et engendrerait un retard dans l’analyse présentée ci-après.

Un nouvel équilibre

Il faut également retenir un scénario dans lequel l’inflation diminuerait au cours de l’année prochaine et qui – aux Etats-Unis – s’équilibrerait entre deux et trois pour cent. En Europe, ce chiffre serait plus près de deux que de trois pour cent. D’un point de vue historique, une inflation de cet ordre serait associée à des rendements (ici l’obligation souveraine des Etats-Unis sur dix ans) compris entre deux et huit pour cent. Depuis les années 50, quand l’inflation de l’indice des prix à la consommation se situait entre deux et trois pour cent aux Etats-Unis, le rendement obligataire moyen était de 2,5 pour cent. Et en effet, l’évaluation actuelle de la Federal Reserve (Fed) indique exactement cette valeur pour le taux directeur neutre sur le long terme. Si l’on considère les données fondamentales, des rendements de 2,5 pour cent pour l’année prochaine ne sont pas excessifs. Si les facteurs techniques ne sont pas plus importants qu’attendu, les investisseurs devraient y être préparés.

Conséquence pour la stratégie d’investissement: protection active

La première conséquence pour la stratégie d’investissement est la gestion active des portefeuilles d’obligations. Une augmentation des rendements des obligations sur dix ans de 100 points de base signifierait pour l’obligation phare actuelle une correction négative du cours égale à environ neuf pour cent. Il est néanmoins peu probable que les rendements suivent une évolution verticale en ligne droite. Si les marchés font l’objet d’une évaluation ajustée, la gestion active de la duration, de la courbe de rendement, de l’inflation et des spreads croisés peut fournir des résultats nettement meilleurs.

Obligations d’entreprise performantes

Une hausse des rendements sans risque et une baisse de liquidité des banques centrales influenceront également les spreads de crédit. Les primes sur le risque devraient augmenter. Toutefois, le modèle historique n’est pas univoque. Aux Etats-Unis, la Fed a durci la politique monétaire entre 2004 et 2006. Toutefois, les écarts de rendement ont diminué pour les obligations Investment Grade. Entre 2015 et 2018, les spreads ont augmenté en l’attente d’un resserrement réalisé par la Fed et atteint leur pic quelques semaines après la première augmentation du taux d’intérêt. Cette période était suivie de huit augmentations du taux d’intérêt supplémentaires. Dans le même temps, les spreads ont diminué. Au final, les écarts créditeurs ne s’élargissent qu’en présence d’un choc de croissance ou de tout autre choc systémique. A l’heure actuelle, les données fondamentales continuent à être positives pour la plupart des types d’obligations d’entreprise.

Actions et taux d’intérêt supérieurs

Que signifie une hausse des rendements pour les actions? En décembre 2018, quand les rendements des Treasuries américains sont passés à 3,15 pour cent, le S&P 500 a affiché un ratio cours sur bénéfices (C/B) de 15,5. L’écart entre les rendements des bénéfices était donc de 3,3 pour cent. Aujourd’hui, il est de l’ordre d’environ trois pour cent. Une différence au niveau du rendement des bénéfices de trois pour cent et un rendement des obligations de 2,5 pour cent entraînent un ratio cours sur bénéfices (C/B) de 18,2. Sur la base du pronostic sur douze mois actuel pour le bénéfice par action (EPS) de 217 dollars des Etats-Unis, on obtient un objectif de cours pour le S&P de 3 950 points – 15 pour cent de moins que l’indice actuel. Mais comme pour les obligations d’entreprise, la croissance est le moteur des actions, et les investisseurs pourraient être satisfaits avec une moindre différence au niveau du rendement des bénéfices.

Les revenus restent décisifs

Les actions doivent faire face à une inflation plus élevée, à un taux d’escompte supérieur et à une moindre évaluation relative. Dans le passé, les multiples des actions ont diminué quand l’inflation a augmenté. Toutefois, le marché a fixé les plus hauts multiples de bénéfices avec une inflation comprise entre un et trois pour cent. Bien entendu, une inflation supérieure était accompagnée de rendements supérieurs sur les obligations et les bénéfices. Jusqu’à présent, des rendements bas et une forte croissance des revenus soutiennent les revenus des actions. Néanmoins, les investisseurs devraient miser sur une croissance qualitative.

Un regard vers l’Asie

Une reprise des marchés chinois et asiatiques pourrait constituer un autre thème intéressant. Les actions chinoises onshore se sont mieux développées que les actions H notées à Hong Kong, mais jusqu’à présent elles n’ont atteint qu’un rendement total de 6,3 pour cent (Shanghai Composite jusqu’au 23.11.2021), comparé à 23,6 pour cent pour l’indice MSCI World. Le soutien national des marques chinoises, les investissements dans l’infrastructure verte et un important appui politique pourraient constituer les plus importants moteurs pour ce marché. C’est pour cette raison que du côté des retraites, le marché asiatique aux taux élevés semble intéressant après une année turbulente. Le produit total était négatif (selon JP Morgan JACI Corporate Diversified High Yield Index) et le rendement actuel s’élève à 7,7 pour cent. Auparavant, des rendements si élevés étaient généralement associés à d’importants rendements globaux dans les six mois suivants. Bien entendu, il s’agit d’obligations d’entreprise financées amplement par des tiers. Une sélection est donc de mise. Mais il y a de bonnes chances que le marché repasse à un niveau supérieur.

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