Ebauche de la nouvelle normalité

Christopher Smart, Barings

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Les premiers résultats trimestriels publiés laissent augurer d’un avenir moins austère que prévu.

©Keystone

Les marchés paraissent relativement impressionnés par les résultats trimestriels des entreprises publiés jusqu’à présent et les actifs à risque continuent d’évoluer à la hausse, même s’il faut compter avec une certaine volatilité induite par les échanges sur les forums de discussion. Les rapports concernant l’économie mondiale s’accumulent et tous sont plutôt optimistes, mais ils ne font que refléter les mesures de relance mises en place pour atténuer le choc causé par la pandémie. En revanche, les rapports publiés par les entreprises permettent de se faire une idée de ce qui nous attend et ils offrent des réponses provisoires à sept questions cruciales pour les investisseurs.

Encore une légère hausse?

La fin de la crise actuelle est-elle en vue? La réponse est clairement affirmative. Les rapports trimestriels actuels sont les premiers à être publiés depuis l’arrivée des vaccins. Ce sont également les premiers qui font état d’une croissance par rapport à l’an passé avant le confinement généralisé. Les campagnes de vaccination se heurtent à un certain nombre d’obstacles et les nouvelles souches sont susceptibles de présenter des risques, mais la trajectoire générale de l’économie reste incontestablement positive. Jusqu’à présent, les chiffres d’affaires et les bénéfices dépassent les attentes dans plus des trois quarts des rapports publiés jusqu’à présent. Et, plus important encore, les conférences téléphoniques témoignent d’un climat qui n’est guère moins optimiste.

Les établissements bancaires bénéficient-ils
d’une bonne santé? Fort heureusement, la réponse est oui.

Les cours des actions peuvent-ils encore progresser? Les spreads sont-ils susceptibles de se resserrer? A ces questions, la réponse est peut-être ou, en tout cas, légèrement. L’an passé, le rallye haussier des marchés actions s’expliquait par une expansion des multiples de valorisation dans un environnement caractérisé par des taux extraordinairement bas et la promesse des banques centrales de les maintenir à ce niveau. Envisager aujourd’hui une hausse des multiples semble tout aussi difficile que de penser que les taux pourraient encore aller plus bas ou que les différentiels de rendement de la dette d’entreprise puissent se contracter davantage. Par conséquent, la performance ne pourra venir que de la hausse des bénéfices.

Les établissements bancaires bénéficient-ils d’une bonne santé? Fort heureusement, la réponse est oui, car il n’y a guère pire cauchemar que celui d’une pandémie qui se serait déclarée en 2008 et qui aurait mis l’économie à l’arrêt alors que le système financier était sous-capitalisé. Les bénéfices des banques ont certes souffert l’an passé, mais d’un autre côté des établissements tels que J.P. Morgan ou Citigroup qui disposaient de capitaux abondants au début de la crise en sont déjà arrivés à dissoudre leurs réserves au fur et à mesure que s’estompent leurs craintes concernant les faillites dues au COVID.

La vie entre sofa et technologie

Allons-nous encore rester à la maison? La chose est pratiquement certaine. Amazon, qui a amené le monde à portée de notre canapé, a affiché pour la première fois 100 milliards de dollars de revenus trimestriels, démontrant à quel point l’achat en ligne est entré dans nos mœurs. Pinterest et Snap ont annoncé des revenus supérieurs d'environ deux tiers à ceux enregistrés à la même période l'an passé. Et pour ceux qui cherchent le divertissement après avoir fait leurs achats en ligne, Activision Blizzard, le créateur de la célèbre série de jeux vidéo «Call of Duty», a affiché une hausse de 24% de ses revenus.

La principale inquiétude aujourd’hui
est celle de la pénurie de semi-conducteurs.

La technologie continuera-t-elle à être un moteur du changement? Absolument. Apple a annoncé un trimestre exceptionnel, car l’engouement pour les iPhone ne se dément pas. Microsoft a dépassé les attentes en ce qui concerne les revenus de son département Azure dédié à l’informatique en nuage publique et Texas Instruments a fait état d'une forte demande pour ses produits d’électronique grand public. Reste à surveiller les chiffres de Zoom, mais le rythme de la transformation des modèles d’affaires et des habitudes de vie induite par les nouveaux outils issus de la technologie ne semble pas ralentir.

On roulera propre

Et le climat? Les efforts des entreprises pour encourager le passage aux énergies renouvelables et réduire l'empreinte carbone s’étaient intensifiés bien avant que les quarantaines ne mettent un terme aux voyages d'affaires ou que la nouvelle administration américaine n’annonce ses engagements en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. Si les bénéfices annoncés ce trimestre par Tesla ont déçu les attentes, l’entreprise prévoit néanmoins une croissance annuelle de 50% en moyenne ces prochaines années. Ford, qui a fait état d'une perte l'année passée, a annoncé qu’il allait doubler ses investissements dans les véhicules électriques pour les porter à 29 milliards de dollars (soit davantage que les 27 milliards annoncés par General Motors). Dans l’intervalle, l'effondrement du cours du pétrole l'an dernier et les perspectives peu réjouissantes de l'industrie automobile ont ravivé les discussions concernant la consolidation du secteur.

Où en sont les chaînes d'approvisionnement? Chaque choc et chaque reprise, même s’ils sont d’une ampleur nettement moindre que celles de l’an dernier, exercent une pression considérable sur les chaînes d’approvisionnement, alors que ces dernières doivent déjà composer avec les tensions géopolitiques et les conflits commerciaux. La principale inquiétude aujourd’hui est celle de la pénurie de semi-conducteurs. International Paper et Peloton ont fait état d’une augmentation des coûts d’approvisionnement, laquelle résulte d’une hausse de la demande. Les entreprises qui ne sont pas en mesure de gérer ces nouvelles contraintes risquent de souffrir l'année prochaine.

Le fait que les bénéfices trimestriels soient élevés ne suffit pas à garantir que les performances des marchés seront exceptionnelles cette année. La crise laissera des cicatrices qui n’ont pas encore été mises au grand jour et le risque d’une stagnation durable n’est pas écarté. Cependant, ces premiers résultats trimestriels donnent un aperçu de ce que pourrait être la nouvelle «normalité» et elle semble moins austère qu’on ne l’anticipait au début de l’hiver.

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