Donald Trump n’a plus beaucoup de marge de manœuvre

François Savary, Prime Partners

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La tentation sera grande pour le président américain d’utiliser l’arme de l’intervention sur les changes, une des seules qui lui restent.

Le président américain a engagé sa campagne de réélection et l’état de l’économie américaine aura forcément un impact sur ses chances de succès. Dans ce contexte, force est de constater que la croissance de l’Oncle Sam est engagée sur la voie de la décélération depuis quelques trimestres. Certes, les chiffres de l’emploi demeurent tout à fait satisfaisants et il n’y a pas lieu de craindre qu’une récession pointe le bout de son nez à très brève échéance, il n’en demeure pas moins que l’on peut légitimement faire l’hypothèse que le président risque d’être tenté par l’«interventionnisme» afin de limiter davantage le risque de récession et de maximiser ses chances de triomphe. Dès lors, on peut se demander si Monsieur Trump dispose des «leviers nécessaires» pour engager un tel mouvement. 

Les négociations commerciales récentes entre la Chine et les Etats-Unis ont une nouvelle fois démontré qu’un accord global sur cette question n’est pas d’actualité et que les parties parviendront, au mieux, à un compromis partiel. Dans ce bras de fer sino-américain, il faut reconnaître que le président n’est pas en position de force. Il suffit pour s’en convaincre de voir que «Corporate America» a sanctionné la politique agressive de la Maison Blanche de manière claire en limitant ses investissements au cours des derniers trimestres. On le voit la marge de manœuvre dont dispose D. Trump est limitée, même si l’on peut considérer qu’un accord commercial partiel serait bienvenu pour la conjoncture. Il lui faudra donc trouver le moyen de «reculer» finement (si c’est possible) tout en pouvant affirmer que les USA ont engrangé un succès «historique».

Les tweets présidentiels des derniers mois ont conduit J. Powell
à réaffirmer une position d’indépendance de la Fed.

Sur le front budgétaire, la situation est plus complexe pour le locataire de la Maison Blanche. Après avoir fait adopter une des «réformes fiscales» les plus illogiques de l’histoire en début de mandat – conduisant de ce fait à une détérioration rapide des finances publiques américaines – et compte tenu de l’imbroglio induit par le processus d’impeachment en cours, on voit mal comment les démocrates et les républicains pourraient se mettre d’accord sur une politique de relance budgétaire. A son grand dam, D. Trump ne peut pas vraiment espérer le moindre support de Nancy Pelosi et ses alliés.

La politique monétaire a pris une orientation plus expansive depuis le début 2019, ce qui devrait soutenir la conjoncture US à horizon 12 mois. Si D. Trump peut s’en réjouir, il ne doit pas pour autant considérer que la Fed a décidé de céder à ses pressions récurrentes. Au contraire, les tweets présidentiels (très agressifs) des derniers mois ont conduit J. Powell à réaffirmer une position d’indépendance de la banque centrale, en martelant un discours de flexibilité de l’action de cette dernière au gré de la réalité économique américaine. Revenir à une politique de pression pourrait se révéler contreproductif pour Trump, qui risquerait de braquer la direction de la Fed, qui reste très attachée au respect de son indépendance. 

Il ne faut pas exclure une action sur le marché des changes,
surtout dans une année d’élection présidentielle.

Il reste alors une arme que le président américain pourrait être tenté d’utiliser, celle de la monnaie. Si la Fed peut jouer un rôle important en la matière, il ne faut pas oublier que le chef de l’exécutif dispose de pouvoirs en la matière; en effet, par l’entremise du Département du Trésor, les USA peuvent engager une politique d’intervention sur le marché des changes, en l’occurrence pour favoriser un affaiblissement de la devise de l’Oncle Sam. Une telle action, dont la possibilité à été brandie au cours des derniers trimestres, peut-elle devenir une réalité? Il ne faut pas l’exclure à notre avis, surtout dans une année d’élection présidentielle. Le recours à une telle arme ne serait pas, a priori, un facteur négatif pour les marchés qui pourraient y trouver une source de liquidités supplémentaires. Il n’en demeure pas moins que dans le monde actuel, où une forme de défiance à l’encontre des monnaies papier se fait sentir, il est difficile d’anticiper les conséquences d’une action «intempestive» de D. Trump sur les changes. Les investisseurs pourraient afficher des réactions épidermiques sur les marchés, face au risque d’une dépréciation prolongée de la valeur refuge dollar. Nous restons enclins à penser que la tentation sera grande pour D. Trump d’utiliser l’arme de l’intervention sur les changes, d’autant plus si la Fed maintient le cap d’une action graduelle et dépendante des données au cours des prochains mois. De quoi justifier de conserver les positions en or dans un portefeuille, au moins jusqu'à ce que l’économie américaine retrouve davantage de couleurs!

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