Coopération en Europe, confrontation au-delà

Peter De Coensel, Degroof Petercam Asset Management

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Le capitalisme d’Etat pourrait impacter les valorisations des actifs. L’Europe connaît une nouvelle dynamique alors que le conflit Chine-US s’aggrave.

©Keystone

La crise liée au COVID-19 a fortement affecté les industries aérienne et automobile, deux industries exemplaires dans la mesure où des entreprises telles que Lufthansa et Renault semblent préparer le terrain pour une résurgence du «capitalisme d'Etat». En France, ce concept n'avait jamais totalement disparu puisque le gouvernement du pays, perpétuant le dirigisme d'après-guerre (opposé au «laissez-faire»), a continuellement cherché à participer à des entreprises telles que Suez, EDF, Renault, PSA ou Airbus. En revanche, en Allemagne, il était beaucoup moins fréquent de voir le gouvernement se poser en partie prenante des conseils d’administration des entreprises. Or, il a récemment consenti à Lufthansa des prêts et des achats d’actions pour un montant total d'environ 9 milliards d'euros. Ce plan de sauvetage fait partie d'un programme d'aide de l’Etat allemand portant sur 600 milliards d'euros que le pays va débloquer sous forme de garanties, de prêts et d'investissements directs afin de soutenir son économie.

Le contrôle de l’Etat, une pratique bientôt courante

A Paris, l’Elysée a également apporté son soutien par le biais d’un prêt de 5 milliards d'euros, garanti par l'Etat, afin d’aider le constructeur automobile Renault actuellement en difficulté. Le capitalisme d'Etat fait donc un retour en force. Ce système qui suppose une étatisation des entreprises, la prépondérance des organismes d’Etat dans l’activité économique ou encore la mise en place par l’Etat d’un actionnariat de contrôle sur les entreprises cotées pourrait rendre ces pratiques courantes dans un environnement où la priorité est d’éviter que la débâcle économique actuelle ne se transforme en une crise de solvabilité.

Il n’est pas à exclure que les primes de risque augmentent
au fur et à mesure que le contrôle des Etats gagne en importance.

Une telle crise a généralement un impact de longue durée et se traduit directement par un chômage élevé et persistant. Ce n'est pas un résultat idéal dans un contexte de fragmentation politique. Les investisseurs devraient donc prendre conscience du fait que l’aide apportée par les gouvernements pourrait avoir un impact sur les valorisations des actifs financiers, qu’il s’agisse des actions ou des titres de dette. Il n’est pas à exclure que les primes de risque augmentent au fur et à mesure que le contrôle des Etats gagne en importance.

Le moment de l’Europe

Un autre événement majeur récent a été la proposition novatrice de la Commission européenne (CE) de lancer un plan de relance économique baptisé «UE Next Generation» et portant sur la période 2021-2024 ainsi qu’un budget pluriannuel renforcé pour la période 2021-2027. Le premier prévoit l’emprunt de 750 milliards d’euros, dont 250 millions seront prêtés et 500 milliards seront des subventions redistribuées à travers le budget européen. Ce plan amorce un processus de partage des risques ainsi qu’une émission conjointe par le canal de la CE. Par ailleurs, la structure de financement prévue est intéressante puisque la plupart des remboursements seront effectués entre 2028 et 2058. Ajoutons que La CE propose également un certain nombre de nouvelles sources de financement, et notamment une taxe carbone à la frontière ainsi qu’une nouvelle taxe sur les services numériques. Pour ce qui est de la nouvelle enveloppe budgétaire de l'UE, elle portera sur 1’100 milliards d’euros.

On peut tabler sur un renforcement de la convergence
des taux au sein de l'UEM ces prochains trimestres.

Ces initiatives, qui seront approuvées d'ici la fin 2020, vont pour l’essentiel servir à la consolidation de l'euro en tant que monnaie de réserve. Elles permettent d’instituer un véritable actif obligataire sûr et la courbe de rendement des actifs sans risque en euro correspondante. On peut donc tabler sur un renforcement de la convergence des taux au sein de l'UEM ces prochains trimestres. Le programme économique présenté par la présidente de la CE, Ursula von der Leyen, propulse l’UE dans une nouvelle dynamique politique et économique prometteuse. Car comme l’affirmait en substance l’oratrice: «C'est le moment de l'Europe». D’ailleurs, la semaine dernière, les investissements dans l'UE ont clairement pris un tournant positif.

Démondialisation aggravée

Contrairement à l'UE, les Etats-Unis se trouvent en proie au chaos et à la violence en raison de confrontations ethniques et d'un leadership américain contestable. En outre, la Chine a arrêté les importations de soja américain en réponse aux menaces diplomatiques et économiques contre les fonctionnaires chinois et le secteur financier de Hong Kong émises par les Etats-Unis. Ces mesures avaient été justifiées par les nouvelles lois chinoises sur la sécurité qui ont affecté Hong Kong. L'agitation qui règne entre les Etats-Unis et la Chine représente une menace pour une partie essentielle de la phase un de l'accord commercial entre les États-Unis et la Chine. Ainsi, la tendance à la régionalisation progresse encore et les dommages collatéraux de la «démondialisation» vont devenir de plus en plus apparents.

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