De l’énorme retracement au grand déconfinement

Peter De Coensel, Degroof Petercam Asset Management

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Les marchés baissiers se construisent sur des phases d’euphorie dont il faut se méfier, la prudence est de rigueur, y compris du côté corrélations.

 

Avril 2020 restera dans les annales comme le «mois du retracement» (de Fibonacci) pour ce qui concerne les performances. Les marchés des emprunts d’Etat en euros et en dollars ont progressé de 0,4% en avril, ce qui a porté leurs performances depuis le début de l’année à 0,8% et 9,3% respectivement. Sur le segment des obligations d'entreprise, les titres de qualité (IG) en euros ont connu un rebond (+3,7%), ce qui a permis de ramener leur recul sur les 4 premiers mois à un niveau acceptable (-2,7%). Quant au haut rendement en euros, il a fortement progressé en avril (+6%), ce qui a permis de réduire à 10,1% sa baisse depuis le début 2020.

Aux États-Unis, les titres de qualité affichent une hausse de 1,1% depuis le début de l’année et les emprunts à haut rendement, une performance négative de 8,9%. Ainsi, malgré sa forte exposition au secteur de l'énergie, le haut rendement américain est parvenu à dégager de meilleures performances que son homologue européen.

Le contraste entre les évolutions des marchés européens et américain a été encore plus marqué sur le front des actions. Alors que l’indice EUR DJ STOXX 600 progressait de 6,7% en avril, ramenant la baisse enregistrée depuis le début 2020 à 17,3%, le S&P 500 regagnait 12,8%, ce qui lui a permis de limiter son recul sur l’année à 9,3%. Cette divergence des performances entre les marchés européens et américain s’explique pour l’essentiel par les stratégies différenciées des banques centrales qui vont du «tout pour le tout» de la Fed au «stop and go» de la BCE.

Surveiller Wembley et Camp Nou

De même, le rebond enregistré par les marchés au mois d’avril est une conséquence directe des décisions de politique monétaire et budgétaire qui sont sans précédent du point de vue de leur ampleur. Il a été également alimenté par la crainte de «manquer une occasion».  Pourtant, d’un point de vue historique, les performances de ceux qui cherchent à entrer au plus bas des marchés ne paraissent pas très convaincantes. La plupart des marchés baissiers se construisent en effet à partir d’une série de rebonds qui dynamisent les attentes, mais qui sont généralement suivis de corrections d’autant plus fortes que les chiffres concernant la reprise des affaires s’avèrent décevants.

Quoiqu’il en soit l'offre et de la demande ayant été gravement perturbées, il ne pourra être question d’un véritable retour à la normale que lorsque les stades de Wembley et Camp Nou seront à nouveau pris d’assaut. Cela pourrait être le cas dès 2021, dans l’hypothèse la plus optimiste, ou en 2022 ou 2023, dans l’hypothèse contraire.  En effet, lors de la crise financière de 2008-2009, le PIB américain a chuté d'environ 4% et l’activité économique a touché son plancher, situé alors à 96%. Aujourd'hui, si l’on en croit le consensus, le recul du PIB réel des États-Unis est de l’ordre de 6 à 8% et le taux de chômage s'élève à 15%. Bref, la situation actuelle exige de redoubler de vigilance et de prudence.

La diversification traditionnelle remise en question

En tant qu'investisseurs obligataires, nous suivons également de près les marchés actions, gardant en tête le dicton «Vendez en mai et ... ne revenez pas avant les courses de Saint Leger», soit courant septembre, car l’évolution du marché actions pourrait influencer les principaux taux directeurs en mai et juin. Cependant, le conditionnel reste de mise, car nous entrons véritablement en territoire inconnu.

Ces 20 dernières années, la corrélation entre les actions et les obligations a été négative, ce qui s’est avéré très favorable pour les gérants de portefeuilles équilibrés. Mais, dans un contexte où les taux directeurs sur les marchés développés oscillent autour de zéro, ce type de diversification pourrait se voir remis en question. Dans un environnement désinflationniste, l’allocation aux obligations pourrait éventuellement continuer d’offrir une certaine protection.

Cependant, la corrélation entre actions et obligations pourrait devenir instable en cas de déflation ou si l’inflation venait à dépasser le seuil des 2% à 3%. Des épisodes de corrélation positive se sont produits au cours des années 1970 et durant une partie des années 1990. Les marchés actions étaient à la peine, tandis que les taux augmentaient, ce qui n’était guère favorable aux investisseurs obligataires. Certes, les corrélations ne se modifient pas du jour au lendemain, mais les investisseurs doivent se méfier des surprises qui pourraient survenir une fois la phase de désinflation achevée.

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