Combien coûte la prospection d’un nouveau client?

Olivier Parenteau, Maklerzentrum Schweiz

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Le nouvel accord interprofessionnel des assureurs maladie rend difficile un travail rentable pour les intermédiaires externes. Mais combien coûte l’acquisition d’un nouveau client?

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L’accord interprofessionnel des assureurs maladie, en vigueur depuis le début de l’année et portant sur les intermédiaires externes, a pour objectif de restreindre les appels publicitaires et d’augmenter la qualité du conseil en assurances. De plus, il fixe une limite supérieure pour le versement des commissions. Avant, la recommandation d’un nouveau client était parfois rémunérée d’un montant pouvant dépasser les 1500 francs, aujourd’hui cette somme n’est plus que de 500 francs, en moyenne. Pour les intermédiaires externes, un tel montant ne permet pas de travailler de manière rentable. Mais au fait, acquérir un nouveau client ou une nouvelle cliente, cela coûte combien réellement? Quelles démarches et quelles étapes de travail sont nécessaires aux intermédiaires externes afin de pouvoir parvenir à la conclusion d’une police d’assurance?

Prospecter sérieusement une nouvelle clientèle est une tâche coûteuse et laborieuse

L’acquisition de nouveaux clients demande la mise en œuvre de moyens importants. Cela commence par la préparation des entretiens, l’analyse des besoins et l’élaboration des offres. Puis viennent la conclusion de la police d’assurance et le travail de suivi en cas de succès. Il s’agit notamment du traitement administratif des demandes d’assurance, de la prise en charge des demandes des clients, de la clarification des questions d’exclusion des prestations, de la résiliation des contrats d’assurance existants et de bien d’autres tâches à effectuer. Mais le travail ne s’arrête pas là. La cliente ou le client doivent être suivis tout au long du cycle de vie de l’assurance souscrite.

Acquérir une nouvelle clientèle, c’est également coûteux. La prospection «à froid» est réprouvée, quand elle n’est pas carrément interdite contractuellement, et les clients n’ont aucune envie de recevoir des appels téléphoniques importuns. En raison de la forte concurrence qui règne, les prospects (ou «leads») – c'est-à-dire les contacts de personnes ayant manifesté un certain intérêt pour une offre proposée sur Internet – sont chers, et les taux de conversion sont faibles. Par ailleurs, le coût des CRM (les systèmes de gestion de la relation clientèle) et les salaires ont aussi augmenté.

Dans le secteur des assurances maladie, «l’upselling» (à savoir la vente d’une solution d’assurance à valeur ajoutée) est peu rentable, et le «cross-selling» (c'est-à-dire la vente d’une assurance d’une compagnie différente) est plutôt ardu, car l’assurance maladie est souvent considérée comme un produit isolé. Deux autres facteurs contribuent à faire grimper les coûts de l’intermédiation en assurances : les attentes de plus en plus grandes de la part des clients et les prescriptions de plus en plus contraignantes des assureurs en termes de qualité. En outre, dès que surviennent des problèmes, les nouveaux clients sont libérés du contrat d’assurance, de sorte que l’intermédiaire aura finalement fourni son travail gratuitement.

Les plateformes et les offres numériques peuvent faciliter le travail des courtiers externes, mais l’accès à ces systèmes et leur utilisation ne vont pas sans frais d’investissement.
Des commissions plafonnées

La rémunération versée aujourd’hui (en moyenne de 500 francs) ne couvre pas les frais des intermédiaires externes – et avec un tel montant, même les assureurs maladie ne parviennent pas à faire fonctionner un service extérieur rentable. Les coûts encourus pour l’acquisition d’un nouveau client continuent sans doute à se situer au-delà de 1500 francs.

Selon l’accord interprofessionnel, l’intermédiaire externe ne peut désormais plus toucher que 70 francs au maximum en cas de souscription d’une assurance de base. Pour une assurance complémentaire, la commission maximale ne doit pas dépasser le montant d’une prime annuelle nette. Or, pour la rémunération du travail de courtage fourni par l’intermédiaire externe, un montant équivalent à douze primes mensuelles n’est pas suffisant ; la rémunération devrait correspondre à 18 - 24 primes mensuelles, c'est-à-dire au minimum à une fois et demie la limite supérieure fixée dans l’accord interprofessionnel. Dans ce contexte, il ne faut pas oublier que le portefeuille d’assurances doit être suivi encore durant de nombreuses années, alors que de par la loi, ce travail ne peut plus faire l’objet d’aucune rémunération.

Si l’on veut garantir que cela se fasse dans un cadre équitable, il faut que les prospecteurs internes (le service extérieur ‘maison’ des assureurs) et les intermédiaires externes bénéficient des mêmes conditions. Or, cela n’est pas le cas, étant donné que contrairement à l’article 40 de la loi sur la surveillance des assurances (LSA), l’accord interprofessionnel établit une distinction entre intermédiaires internes et intermédiaires externes. Ce distinguo n’est pas prévu par la législation – puisqu’elle considère tous ces acteurs comme des intermédiaires, sur un plan d’égalité – et il conduit donc à une discrimination de la branche de l’intermédiation.

L’expérience du passé nous montre clairement que les intermédiaires externes travaillent de façon plus économique que les services extérieurs attitrés des assureurs maladie. C’est notamment une des raisons pour lesquelles les compagnies d’assurance ont eu principalement recours aux intermédiaires externes. Par conséquent, il convient d’appliquer les mêmes critères aux intermédiaires internes et externes, de façon à permettre aux intermédiaires externes de continuer à s’affirmer grâce à leur activité commerciale plus avantageuse. L’accord interprofessionnel unilatéral est toutefois un obstacle placé précisément dans l’intention d’empêcher cette forme de concurrence.

Les grands perdants y sont les clients

Est-ce que la transition numérique permet de remédier à cet abus, en faisant baisser le coût des opérations commerciales? Oui et non. Les plateformes et les offres numériques peuvent faciliter le travail des courtiers externes, mais l’accès à ces systèmes et leur utilisation ne vont pas sans frais d’investissement. Nombreux sont en outre les clientes et les clients qui souhaitent pouvoir continuer à bénéficier d’un conseil personnalisé par rapport à des sujets et des questions spécifiques.

En raison de la trop faible rémunération des intermédiaires externes, on assiste à un transfert progressif de cette activité vers les structures internes de vente, supposées plus avantageuses – alors que par le biais des coûts salariaux et infrastructurels, les assureurs en répercutent simplement les frais sur l’assurance de base obligatoire. De plus, le service interne des ventes n’est pas soumis aux mêmes prescriptions strictes en matière de qualité qu’un service externe. Dans la situation actuelle, les perdants ne sont pas uniquement les intermédiaires externes, mais également les clients qui devraient pourtant avoir droit à un conseil indépendant.

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