Y a-t-il des courtiers d'assurances indépendants?

Olivier Parenteau, Maklerzentrum Schweiz

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Dans le secteur de la clientèle privée, les intermédiaires externes sont systématiquement désavantagés.

Les dispositions légales prêtent en effet à confusion. Ceci n’est pas dans l’intérêt des clients.

La branche des intermédiaires d’assurances est sous pression. La numérisation accélérée met les modèles commerciaux habituels à l’épreuve et les clients deviennent de plus en plus exigeants. Ils continuent à souhaiter un conseil personnalisé, mais associé à une offre étendue de services numériques disponibles 24 heures sur 24. À cela viennent s’ajouter des conditions de base structurelles, telles que l’accord interprofessionnel, et une pression continue à favoriser la consolidation. La pandémie de Covid-19 représente une difficulté supplémentaire.

La loi sur la surveillance des assurances (LSA) fait une distinction entre les intermédiaires liés et les intermédiaires indépendants, bien que tous les intermédiaires soient soumis à certains devoirs d’information. La FINMA tient un registre public des intermédiaires d’assurances. Les intermédiaires indépendants ne peuvent commencer à exercer leur activité que lorsqu’ils y ont été inscrits; ceci vaut aussi bien pour les personnes morales que pour les personnes physiques. Les intermédiaires liés ont le droit, mais non pas l’obligation, de se faire inscrire au registre des intermédiaires.

Un lien lourd de conséquences

Les intermédiaires liés (agents) sont dans un état de dépendance économique ou juridique par rapport à une ou plusieurs compagnies d’assurance. Il s’agit par exemple de collaborateurs au service extérieur de compagnies d’assurance (contrat de travail) ou d’intermédiaires externes (contrat d’agence). Ils travaillent pour le compte des compagnies d’assurance. Les intermédiaires indépendants (courtiers) ne sont pas liés à une ou plusieurs compagnies d’assurance. Ils sont indépendants, tant sur le plan économique que juridique, et travaillent pour le compte de la clientèle – du moins en théorie.

En pratique, bon nombre d’intermédiaires (prétendument) indépendants réalisent au moins la moitié de leur chiffre d’affaires avec seulement un ou deux assureurs. Or, pour être réellement indépendants, leurs ventes devraient se répartir à parts plus ou moins égales sur au moins cinq compagnies d’assurance. Ceci n’est toutefois possible que dans le secteur des clients commerciaux, c'est-à-dire les entreprises, car en règle générale, celles-ci ne changent pas souvent leur couverture d’assurance. La rémunération de ces intermédiaires provient de commissions de courtage, et la distribution des commissions peut être dirigée.

Dans le secteur de la clientèle privée, il est pratiquement impossible d’être indépendant sur la base d’une rémunération par le biais de commissions. Dans ce secteur, les intermédiaires sont rémunérés principalement au moyen de commissions de conclusion de contrat, de sorte qu’ils sont forcés de prospecter sans cesse de nouveaux clients. De plus, dans le segment des assurances vie, les rémunérations sont échelonnées progressivement en fonction du volume ce qui oblige pratiquement les intermédiaires à se concentrer sur un nombre réduit d’assureurs.

Des critères en décalage avec les besoins pratiques

Le traitement différent appliqué aux intermédiaires liés et aux intermédiaires indépendants a des conséquences graves. D’une part, selon la loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA), les assureurs assument la même responsabilité pour leurs intermédiaires liés que pour leurs salariés. C’est pourquoi il existe des assureurs qui ne veulent pas collaborer avec des intermédiaires liés. D’autre part, de nombreux intermédiaires sont déclarés (à tort) comme étant liés afin de pouvoir collaborer avec des assureurs. Cependant, la FINMA ne vérifie pas systématiquement cet aspect. Pour un intermédiaire qui se révèle ultérieurement comme étant lié, la question de la responsabilité n’est pas claire.

Il n’est guère judicieux de prendre une relation économique comme simple critère justifiant une inscription au registre, étant donné que celle-ci devrait être obligatoire pour l’ensemble des intermédiaires. La différenciation devrait être modulée en fonction des circonstances effectives et distinguer, par exemple, entre les conseillers clientèle en service extérieur d’une compagnie d’assurance et les intermédiaires externes. En outre, les intermédiaires externes travaillant dans le domaine des assurances maladie ne devraient pas faire l’objet d’une discrimination engendrée par un accord interprofessionnel comprenant des directives supplémentaires relatives à la qualité, de même que par des taux de commissions plus bas.

Dans le secteur de la clientèle privée, les intermédiaires externes ne font pas front commun

Et que font les associations professionnelles? Elles s’occupent de tous les acteurs du domaine, sauf des intermédiaires liés du secteur de la clientèle privée qui, par exemple, ne sont même pas évoqués dans le matériel didactique de la branche des assurances. Un point positif à relever toutefois: pour le brevet fédéral en assurances, il a été instauré un module de processus à l’intention des courtiers, mais là aussi, les objectifs de performance sont définis principalement par rapport aux courtiers indépendants axés sur la clientèle d’entreprise.

La branche des intermédiaires liés travaillant dans le secteur de la clientèle privée – on estime qu’il s’agit de 3000 - 4000 personnes – est une fois de plus victime d’un oubli, d’autant plus qu’elle n’est pas organisée en vue de la défense de ses intérêts. Cela ressort également du nouvel accord interprofessionnel: celui-ci est précisément dirigé contre ces intermédiaires externes qui, d’un point de vue juridique, sont certes liés, mais ne font justement pas partie du service de prospection interne des assureurs. Les intermédiaires externes n’ont pas été entendus lors de l’élaboration de l’accord interprofessionnel, et ils ne sont pas non plus invités à participer dans le cadre de la procédure de consultation pour une éventuelle déclaration de force obligatoire générale. Les commissions excessivement élevées et les appels publicitaires non sollicités pourraient être combattus par d’autres moyens qu’en défavorisant la prospection externe par rapport au service extérieur des compagnies d’assurance, d’autant plus qu’un déplacement de la prospection vers le propre service extérieur n’entraîne ni une réduction des coûts, ni une restriction de la prospection de nouveaux clients.

Le commerce des assurances maladie constituait une des deux sources principales de revenus des intermédiaires liés, mais avec les nouvelles conditions de base, ils ne peuvent pratiquement plus survivre. C’est le client qui en fait les frais. En effet, il ne bénéficie dès lors plus d’un conseil indépendant, mais reçoit un appel venant directement de l’assureur.

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