Blockchain: vers une bibliothèque de solutions

Rachid Guerraoui & David Delmi, Wecan Group

2 minutes de lecture

Chronique blockchain: forte d'une médiatisation et d’une utilisation croissantes, la blockchain devient protéiforme.

Le storytelling de la Blockchain commence la plupart du temps avec la fameuse mention de Satoshi Nakamoto, le pseudonyme de l’inventeur, ou des inventeurs du Bitcoin. Mais le lancement de la Blockchain, sous-jacente au protocole Bitcoin, et de la crypto-monnaie éponyme en janvier 2009 est pour une partie tirée d’algorithmes et d’inventions bien ultérieures.

Dans les références du Whitepaper1 (ndlr: Livre Blanc) décrivant le Bitcoin, Satoshi Nakamoto cite comme référence les chercheurs Stuart Haber et Scott Stornetta pour leur papier2 «Comment horodater un document numérique» (ndlr How to time-stamp a digital document). Ce dernier a été publié il y a exactement 30 ans, en 1991. Depuis ce dernier, et a fortiori depuis l’invention du Bitcoin qui a réellement mis sous les feux des projecteurs la Blockchain, la technologie n’a cessé de s’adapter aux nombreux cas d’utilisation.

La première évolution majeure a eu lieu quand plusieurs informaticiens, chercheurs et entrepreneurs ont décidé de ne pas limiter l’utilisation de la Blockchain aux seules crypto-monnaies. C’est le cas par exemple de la technologie Ethereum qui, si elle a elle aussi donné lieu à sa propre crypto-monnaie, est avant tout construite autour du concept de smart contracts, algorithmes essentiels aux applications décentralisées comme la Decentralized Finance (DeFi) par exemple.

Vitalik Buterin, son célèbre fondateur, avait rédigé lui aussi un Whitepaper en 20133 afin de décrire sa technologie qui avait pour vocation de lancer des applications décentralisées. Un des exemples les plus connus de type d’applications est sans doute la plateforme d’échange de crypto-monnaie décentralisée (DEX) Uniswap qui, contrairement à un échange centralisé comme Coinbase (CEX), n’enregistre pas les ordres de transactions sur une plateforme de type Central Limit Order Book (CLOB) mais sur une plateforme décentralisée aux mécanismes construits sur la Blockchain.

Une véritable bibliothèque de solutions est progressivement en train de se façonner, remplissant ses étagères de nouvelles alternatives.

Le potentiel de la Blockchain repose aujourd’hui davantage sur des solutions qui utilisent cette technologie dans le cadre de projets qui ne sont pas en lien avec les crypto-monnaies. C’est le cas par exemple de la plateforme de compliance Wecan Comply qui permet l’échange d’informations entre acteurs financiers, ou encore la solution de fret maritime de l’armateur danois A.P. Møller Maersk pour la traçabilité des conteneurs.

La seconde évolution majeure s’est développée avec l’objectif de modifier des caractéristiques de la technologie Bitcoin à l’instar de la rapidité des transactions, de la consommation énergétique, de la sécurité ou de la confidentialité des données. Pour ce faire, des technologies se sont construites en modifiant les algorithmes sous-jacents au Bitcoin tout en gardant la même application cible: l’échange de crypto-monnaies et les systèmes de paiement.

Des technologies comme le Ripple se sont concentrées sur la vitesse de transaction, remplaçant les algorithmes de preuve de travail (ndlr: proof-of-work) par d’autres algorithmes spécifiques à leurs priorités. D’autres exemples de technologie Blockchain ayant développé d’autres algorithmes que la preuve de travail incluent Peercoin, Polkadot ou EOSIO se basant sur la preuve d’enjeu (ndlr proof-of-stakes). Les algorithmes de preuve de travail se basent sur des puzzles mathématiques que les validateurs de transactions, les mineurs, doivent résoudre en fournissant de la puissance de calcul via leurs ordinateurs ou serveurs informatiques. La preuve d’enjeu fonctionne sur un principe totalement différent, remplaçant les mineurs et leur ferme de serveurs énergivores par des validateurs stockant une certaine quantité de crypto-monnaies.

Les solutions algorithmiques sont pléthores, certaines étant construites sur l’objectif de réduction de la consommation énergétique, alors que d’autres le sont sur celui d’augmenter la sécurité des transactions.

Les chercheurs de l’EPFL ont démontré le résultat surprenant qu’il n’est pas nécessaire de résoudre le problème du consensus, notoirement difficile, pour mettre en œuvre une crypto-monnaie4, laissant présager des solutions bien plus efficaces que les approches originales.

La Blockchain n’est donc pas une technologie à un seul visage, ce qui est une bonne chose. Une véritable bibliothèque de solutions est progressivement en train de se façonner, remplissant ses étagères de nouvelles alternatives. Un algorithme universel serait trop inefficace. Les différentes solutions essaimées depuis une dizaine d’années offrent une granularité et une variété de plus en plus pertinente pour une multitude de cas d’utilisation.

Il est désormais possible de se tourner vers une technologie générique Blockchain, c’est à dire des algorithmes en adéquation avec des objectifs précis, ou un corps de métier particulier. La bibliothèque se remplit, le choix du bon livre devient primordial.

 

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