Banque privée suisse: faire du client la priorité

Sherif Mamdouh, EHL Hospitality Business School

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L'excellence du service est la réponse aux difficultés croissantes auxquelles le secteur est confronté.

La crise financière mondiale de 2008 a déclenché ce que beaucoup considèrent comme la chute de la banque privée suisse, autrefois très puissante. Les pressions politiques et réglementaires liées aux services financiers et aux lois fiscales ont détourné l’attention du cœur de métier, et transformé ces institutions prestigieuses en labyrinthes bureaucratiques qui ont vu la rentabilité diminuer régulièrement et le secret bancaire mourir.

Les deux présumés coupables: les réglementations liées aux clients et des services financiers.

Les conséquences commerciales qui en découlent sont une augmentation des coûts, des mesures pour «mettre de l’ordre», une mise à jour des procédures de conformité, ainsi que l’apparition d’obstacles importants, tels que les restrictions en matière de voyages ou de ventes, qui ont un impact profond sur les interactions avec les clients.

Ces menaces stratégiques sont universellement reconnues et, aujourd’hui, la plupart des experts du secteur s’accordent également sur ce qu’il faut faire pour que la banque privée suisse reste compétitive au niveau international. Sans le secret bancaire traditionnel du pays, et avec des performances d’investissement assez similaires dans l’ensemble, les banques doivent redéfinir leurs compétences de base. Toutefois, deux défis importants doivent être relevés avant que le secteur ne révèle sa nouvelle forme: le rendement et la proposition de valeur.

Le rendement implique de repenser en profondeur le fonctionnement interne de la banque, de ses systèmes de rémunération à ses politiques de voyages d’affaires, en passant par l’organisation du back-office, jusqu’au choix du papier utilisé. Historiquement, les banques privées suisses n’ont jamais eu besoin de surveiller de près leurs dépenses, mais avec autant de réglementations à respecter, les structures doivent désormais maîtriser les coûts.

«Nous n’avons pas réussi à investir par le passé, mais la Suisse a encore beaucoup à offrir, car nous avons un pays stable, un professionnalisme exceptionnel, un bon réseau de conseillers juridiques et fiscaux, ainsi que la stabilité politique».

La proposition de valeur, qui était autrefois centrée sur le tristement célèbre «secret bancaire», doit aujourd’hui évoluer et s’améliorer à chaque point de contact. Ajouter de la valeur est la seule façon d’avancer et, dans un monde globalisé où les produits financiers et les services de planification du patrimoine sont assez homogènes, beaucoup pensent que la différenciation devra venir de la valeur de la marque et de l’expérience du client.

Laurent Gagnebin, CEO de Rothschild Bank Switzerland et ancien étudiant de l’EHL Hospitality Business School, croit avec conviction en la valeur unique d’une approche centrée sur le client. Il pense également que les banques suisses se sont reposées sur leurs lauriers pendant trop longtemps et qu’elles doivent être plus strictes envers elles-mêmes.

Malgré tout, il reste très optimiste et ses prognostics sur la banque privée suisse sont favorables: «Nous n’avons pas réussi à investir par le passé, mais la Suisse a encore beaucoup à offrir, car nous avons un pays stable, un professionnalisme exceptionnel, un bon réseau de conseillers juridiques et fiscaux, ainsi que la stabilité politique».

Lorsqu’on lui demande ce que le secteur de l’hôtellerie pourrait apporter au secteur suisse de la banque privée, M. Gagnebin met l’accent sur trois éléments: les valeurs, l’obsession de la qualité du service et les ressources humaines. «Vous devez identifier les clients que vous pouvez le mieux servir et vous concentrer sur eux. Chaque courrier, chaque appel, chaque visite, chaque relevé envoyé, chaque transaction, chaque exécution fournie à un client. Pensez à la manière dont vous pourriez l’améliorer. Et pour que le client soit suffisamment à l’aise pour développer un attachement émotionnel à l’institution, les banques doivent confier la relation client à long terme aux chargés de relation.»

Pour Serge Fehr, Head of Private & Wealth Management Clients chez Credit Suisse SA, l’excellence du service représente également «la réponse aux difficultés croissantes auxquelles le secteur est confronté». Les banquiers devraient «cesser de décider unilatéralement de ce qui est le mieux pour le client». M. Fehr pense qu’il faut davantage prendre en compte l’individualité et la personnalisation. Alors que certains clients peuvent se satisfaire d’une expérience entièrement automatisée, d’autres préfèrent une approche «high touch» et un conseiller dévoué. Selon lui, «que la relation soit physique ou numérique, c’est la définition du service qui est importante. Et le service doit être exceptionnel».

Se concentrer sur les déclencheurs émotionnels positifs et les intérêts à long terme du client évoque la relation privilégiée que les banquiers entretenaient auparavant avec les clients (et souvent leur famille) au début de l’âge d’or de la banque privée. Aujourd’hui, dans de nombreuses banques privées, il peut y avoir une déconnexion entre la direction générale et les chargés de relations qui s’occupent des clients, alors qu’il faudrait essayer de résoudre les problèmes de conformité et de réglementation. Les clients ressentent inévitablement ce décalage, ce qui a un effet négatif sur la fidélisation des employés et des clients.

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