Bangladesh – véritable tigre asiatique?

Johannes Loefstrand, T. Rowe Price

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Le chemin vers la croissance est rarement en ligne droite dans les économies des marchés frontières. Le Bangladesh en est un bon exemple.

Le Bangladesh bénéficie de l'un des taux de croissance économique les plus élevés au monde et abrite une population de 165 millions d'habitants sur une superficie équivalente à celle de l'Etat de New York. Le pays a connu une croissance économique substantielle depuis son indépendance en 1971, surtout après une période de stabilité démarrée au début des années 2000. Aujourd'hui, il garde sa balance commerciale sous contrôle et maintient un ratio dette publique/PIB de 41%. Ces conditions ont propulsé le pays devant l'Inde et le Pakistan.

Nous nous sommes rendus sur place cet été pour voir si les faits et les chiffres sont synonymes d'opportunités pour les investisseurs sur les marchés frontières.

Un regard plus attentif

Au cours des trois années écoulées depuis notre dernière visite en 2019, l'économie du Bangladesh s'est visiblement renforcée grâce à l'expansion rapide de sa classe moyenne. Les infrastructures, comme les routes et l'accès à l'électricité, se sont matériellement améliorées ces dernières années, ce qui a été constaté lors de nos déplacements dans le pays. Les villes semblent dynamiques, avec beaucoup plus de restaurants et de centres commerciaux, et la société s'est davantage numérisée. Par exemple, bKash est l'une des applications de paiement les plus répandues du pays et l'un des moyens de paiement les plus courants. Bien qu'elle continue de se développer à un rythme rapide, elle est désormais acceptée par près de 100’000 commerçants.

Etre témoin de la popularité de bKash était encourageant pour nous pour deux raisons. Premièrement, bKash est une filiale de Brac Bank, l'une des franchises bancaires de la plus haute qualité au Bangladesh. Deuxièmement, Brac Bank a un double mandat: générer des rendements pour les actionnaires et favoriser l'inclusion financière de la population locale.

Le pont Padma, reliant le sud-ouest du pays aux régions du nord et de l'est, pourrait à lui seul augmenter le PIB de 1%.

Par ailleurs, les importantes dépenses d'infrastructure du Bangladesh (40 milliards de dollars US) ont largement contribué à la croissance rapide du pays. Bien que fortement différé, la construction du pont Padma - qui s'étend sur plus de 6 km - est un élément clé de ce programme d'investissement. Il s'agira de la première traversée de rivière fixe pour le trafic routier, reliant le sud-ouest du pays aux régions du nord et de l'est. Il permettra de réduire le temps de trajet à travers le pays de douze heures à trois heures. Ce pont pourrait à lui seul augmenter le PIB de 1%. En parcourant le pays, nous avons eu l'impression que de nombreux autres projets d'infrastructure à grande échelle sont en voie d'achèvement. Par exemple, le métro de Dhaka et la voie express surélevée de Dhaka devraient améliorer les conditions de circulation et favoriser une nouvelle croissance économique.

Un élément clé de notre voyage était d'approfondir notre compréhension de la manière dont le Bangladesh prévoit de renforcer ses exportations. Par rapport aux nouveaux «tigres asiatiques», la croissance des exportations du Bangladesh est à la traîne par rapport à des pays comme le Cambodge et le Vietnam. Lorsque nous avons rencontré le ministère des Affaires étrangères, il a semblé comprendre qu'il fallait faire davantage pour augmenter les investissements directs étrangers (actuellement moins de 1% du PIB). Il s'agit notamment de construire des dizaines de zones économiques spéciales afin de diversifier les exportations en dehors de l'habillement, une industrie qui représente la plupart des biens sortants du pays.

Des facteurs positifs tels que l'expansion de la classe moyenne et les statistiques indiquent une augmentation de la qualité de vie et pourraient constituer un argument de base plus solide pour les investisseurs. Cependant, la trajectoire structurelle du Bangladesh est devenue plus risquée.

Les réglementations sont de plus en plus contraignantes et la hausse des prix des matières premières a pesé sur le déficit de la balance des paiements.

Tout d'abord, les réglementations sont de plus en plus contraignantes, et nous pensons qu'elles sont contre-productives. Par exemple, le plafonnement des taux à 9%, les taux de change doubles et les plafonds planchers temporaires sur le marché boursier pour «prévenir» une volatilité négative. Ces mesures sont de nature populiste et empêchent une découverte efficace des prix.

Deuxièmement, la hausse des prix des matières premières a pesé sur le déficit de la balance des paiements. Pour compenser les pressions exercées sur la monnaie (qui s'est dépréciée de 9% depuis le début de l’année), les réserves de devises étrangères ont diminué, passant de 44 milliards de dollars à 37 milliards de dollars. Bien que nous ne nous attendions pas à des contrôles stricts des capitaux, nous pensons que diverses mesures seront prises pour tenter d'éviter un nouvel affaiblissement de la monnaie, à moins qu'elle ne reçoive le soutien du FMI.

En réfléchissant à notre voyage, le Bangladesh représente une bonne étude de cas qui montre que le chemin vers la croissance est rarement en ligne droite dans les économies des marchés frontières. C’est pourquoi la recherche fondamentale est essentielle. Si nous repensons à l'infrastructure du pays, il y a trois points clés à considérer. Le premier est la solidité budgétaire. Le second est la solidité extérieure, et le troisième est la part institutionnelle. En ce qui concerne le Bangladesh, les deux premiers points (la force fiscale et la robustesse extérieure) sont encore intacts. La part institutionnelle s'est détériorée.

Par ailleurs, depuis notre retour, le gouvernement a demandé un prêt de 4,5 milliards de dollars auprès du FMI. Les conditions du FMI comprennent l'amélioration de l'élaboration des politiques, notamment la suppression des plafonnements de taux. Un tel accord serait positif pour les perspectives à long terme du pays et du secteur bancaire. Cependant, nous ne doutons de cet accord.

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