Au bout du vaccin, la reprise?

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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L’annonce de l’arrivée imminente du vaccin anti-Covid soulève beaucoup d’attentes. Sont-elles exagérées?

L’imminence du vaccin anti-Covid a déjà fait monter la bourse, et suscité une belle rotation sectorielle. Elle pousse à reprendre l’initiative, tant au niveau des autorités publiques que des activités privées. Bref, nous sommes passés d’un franc pessimisme à une impatience euphorique, que j’avoue partager. Car ce qui s’annonce, c’est le retour de la confiance, et avec elle la promesse d’une reprise de la mobilité et donc des échanges, qui fondent le rebond durable de l’activité économique. Nous le savons assez, la confiance est bien de tout temps, et en tout lieu le moteur de la croissance.

Alors pourquoi gâcher la fête? Ce n’est pas notre intention. Pourtant, on ne peut que se montrer prudent, sinon circonspect, car beaucoup reste à accomplir dans les mois qui viennent et les conséquences de la crise risquent de nous affecter encore longtemps.

Le vaccin est là, et les moyens promis pour l’acquérir et le distribuer au plus grand nombre sont d’importance. Mais tous les pays en bénéficieront-ils simultanément? Même dans les meilleures conditions logistiques, il faudra encore plusieurs mois avant d’atteindre le seuil critique d’immunité collective… Sans compter avec les hésitations de la population. Un récent sondage du World Economic Forum1 souligne une réticence croissante des personnes face au vaccin. A travers le monde, une majorité s’inquiète du manque de recul des essais cliniques et donc du risque d’importants effets secondaires qui n’auraient pas été détectés. Ces réticences, nous le savons, varient fortement d’un pays à l’autre: près de deux tiers des Mexicains et des Chinois sont décidés à se faire vacciner dans les trois mois qui suivront la mise sur le marché, tandis que moins de 40% des Français ou des Espagnols sont disposés à prendre aussi vite le même chemin.

A mesure que les entraves sont levées, les Etats devront
à la fois se montrer plus parcimonieux et plus généreux.

Sur le plan économique, les conséquences de la crise ne vont pas disparaître aussi rapidement qu’on pourrait l’espérer. C’est très prudemment que l’OCDE vient de revoir ses prévisions de croissance à la hausse. Dans son rapport de décembre, très justement intitulé «Faire de l’espoir une réalité2», l’Organisation table bien sur un «retour à la normale» pour 2022. Cependant, les séquelles de la crise menacent de perdurer: en 2022, le taux de chômage dans les pays membres pourrait bien rester supérieur à son niveau de 2019. La détérioration générale des finances publiques continuera de peser sur la reprise. L’accroissement des dettes – même en grande partie soulagées par l’intervention des banques centrales – contraindra les Etats les plus exposés à une remise en ordre progressive de leurs comptes. Assez logiquement, à mesure que la croissance prendra le relais, les moyens budgétaires et monétaires s’amenuiseront. Or, la question est de savoir quand et comment ces soutiens pourront être retirés sans risquer de faire rechuter l’activité. En d’autres termes, lorsqu’il reviendra aux forces du marché de faire le tri entre les entreprises viables et les zombies, le socle économique et social sera-t-il suffisamment solide pour absorber le choc de la mutation déjà à l’œuvre, et que la pandémie a accéléré. Le sous-emploi qui menace de rester élevé, l’incertitude persistante quant à l’ouverture des frontières, vont peser durablement sur certains secteurs et pays, fragilisant les plus précaires d’entre nous. Sur le plan sanitaire, on ne peut exclure le risque d’une troisième vague, ou d’autres répliques telles que les mutations du virus. Aussi n’est-il pas impossible que nous assistions à une reprise en accordéon, hésitante et disparate.

A mesure que les entraves sont levées, les Etats devront à la fois se montrer plus parcimonieux et plus généreux: le ciblage plus précis et effectif en direction des plus fragiles devra se concrétiser clairement par un nouveau recul la pauvreté. Alors que les enjeux climatiques et de biodiversité sont désormais mieux reconnus, la société en mal de productivité aura certainement besoin de compter sur assez de latitude et de flexibilité pour se redéployer.

 

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