Ambiance de vacances – Weekly note de Credit Suisse

Burkhard Varnholt, Credit Suisse

5 minutes de lecture

Pause estivale: ce qui devrait nous occuper. Exportations: perspectives des PME pour l’après-crise. Plaisir de lire: de bons livres pour les chaudes journées d’été.

Après un semestre boursier mouvementé et des expériences perturbantes liées à la pandémie, beaucoup cherchent enfin le repos en ce début de grandes vacances. Nous signalons ce que les investisseurs peuvent encore modifier dans leurs portefeuilles avant de prendre un temps de détente et expliquons pourquoi ils devraient profiter de la chaude période estivale en toute sérénité, même si les tensions perdurent sur les marchés boursiers et dans les médias. Nous mettons en évidence les atouts des PME suisses. Enfin, nous recommandons deux nouveaux ouvrages parus sur le marché suisse du livre pour se mettre dans l’ambiance des vacances. Des lectures stimulantes!     

1. Pause estivale: ce qui devrait nous occuper

Les vacances d’été commencent aujourd’hui pour de nombreuses familles suisses. Elles ont déjà débuté dans les cantons de Bâle, Genève, GIaris, Tessin, Grisons et Valais, et le feront ces prochaines semaines dans ceux de Zurich et d’Argovie. Même si la crise a perturbé certains projets de voyage, je saisis cette occasion pour vous souhaiter de bonnes vacances, où que vous soyez. Il n’est pas nécessaire de se déplacer très loin pour passer une journée de détente dans la nature. Profitez bien de votre temps libre!

Quoi qu’il en soit, les marchés boursiers et les médias ne devraient pas être en manque de tensions cet été non plus. Et comme une gestion de fortune performante fait toujours appel à la réflexion, la pause estivale arrive à point nommé: elle permet de se vider la tête et de prendre du recul, des conditions idéales pour l’adoption de bonnes décisions. 

Nous continuons à surveiller le marché pour vous

Soyez assurés que notre processus de placement ne marquera pas de pause pendant cette période. À la différence de nombreux investisseurs qui ont raté le rallye boursier et doivent à présent accepter davantage de risques, nous pouvons faire le contraire en toute sérénité, à savoir opérer des prises tactiques de bénéfices. 

Ce n’est pas un hasard si nous avons décidé la semaine dernière, juste avant les vacances d’été, d’abandonner notre judicieuse surpondération des actions maintenue depuis le 25 mars 2020. En effet, comme la liquidité a tendance à diminuer en été sur les marchés boursiers, ceux-ci deviennent plus sensibles et sont davantage exposés aux corrections. De toute façon, la plupart des titres ne sont aujourd’hui plus aussi attrayants qu’ils l’étaient à la fin mars. C’est pourquoi nous avions opté à l’époque pour une surpondération des actions ainsi que des obligations à haut rendement. 

Pourquoi prendre des bénéfices maintenant?

  1. Depuis que nous avons surpondéré les actions, les marchés ont enregistré la plus forte hausse de l’après-guerre en l’espace de trois mois, avec une progression de quelque 30%. Voilà qui incite à la modestie.
  2. Alors que notre surpondération allait alors à contre-courant, elle fait à présent l’objet d’un consensus, phénomène qui nous rend sceptiques.
  3. Les risques impondérables qui se profilent à l’horizon cet été nous préoccupent. Il s’agit notamment d’une deuxième vague d’infections, d’une campagne électorale extrêmement polarisante aux États-Unis et de tensions dans les relations géopolitiques à l’échelle mondiale.

Néanmoins, notre pondération stratégique des actions nous semble parfaitement appropriée, et ce pour de bonnes raisons:

  1. La «durée du positionnement» sur le marché est plus importante que le «timing» pour les investisseurs.
  2. Les primes de risque des actions continuent de rendre ces dernières plus attrayantes que les liquidités. Dans un profil pondéré par exemple, cela correspond à une pondération d’actions de 45%, soit près de 5% de moins par rapport aux positions que nous détenions récemment encore.

En résumé, vous pouvez vous détendre pendant ces vacances et penser à autre chose qu’à vos placements.

Leçon que les investisseurs devraient tirer des crises d’entreprise

À chaque année ses propres crises d’entreprise, à savoir notamment la faillite frauduleuse de l’entreprise technologique allemande Wirecard autrefois très populaire, le scandale de fraude de l’exploitant de coffee shops chinois Luckin Coffee, l’introduction en bourse de WeWork qui ne s’est jamais concrétisée, la «quasi-insolvabilité» de la société américaine de location de voitures Hertz fondée en 1918, la récente insolvabilité du pionnier du gaz de schiste Chesapeake ou encore la dépréciation de 17,5 milliards USD d’actifs opérée par le producteur d’énergie BP, qui en envisage d’autres.

La leçon à tirer de tels exemples est simple: l’exposition à des titres individuels recèle toujours un risque propre à l’entreprise, lequel est évitable en ce sens qu’il est possible de le diversifier. 

Ces risques diversifiables ne sont pas indemnisés par les marchés financiers. 

C’est notamment pour cette analyse capitale, ainsi que pour son intégration dans un modèle d’équilibre général, le «Capital Asset Pricing Model» (modèle d’évaluation des actifs financiers), que le professeur William Sharpe a reçu le prix Nobel d’économie en 1990. À juste titre.

En résumé, une simple optimisation de portefeuille que vous pourriez effectuer avant les vacances encore consiste à vous défaire de titres individuels au profit de fonds de placement diversifiés.

Restez anticycliques

Où que vous alliez pendant les vacances, un comportement anticyclique est judicieux en matière de voyages également. Une évaluation du service cartographique d’Apple Maps montre dans quelles capitales européennes les demandes d’itinéraire ont augmenté 

le plus fortement: c’est Berne qui se classe en tête, devant Berlin, Londres, Paris et Rome (voir graphique 1). Soit le nombre d’automobilistes explose actuellement dans la capitale fédérale, soit le réseau routier de celle-ci y est devenu extrêmement confus depuis le début de la pandémie. 

En résumé, allons dans la nature! On devrait parvenir à se détendre loin du trafic.

Et puisque nous y sommes, autant jeter un autre regard sur le comportement grégaire des Helvètes (voir graphique 2). Une comparaison de tous les cantons montre que c’est dans le plus grand d’entre eux en termes de superficie, les magnifiques Grisons, que le nombre de demandes d’itinéraire a le plus fortement augmenté le week-end, même pendant la période de confinement, surtout à l’Ascension et à la Pentecôte. En résumé, comme nous l’avons déjà recommandé: voyagez de manière anticyclique autant que possible.

L’élection américaine nous réserve-t-elle un été très chaud en bourse?

L’élection présidentielle américaine de novembre qui oppose le républicain sortant Donald Trump au démocrate Joe Biden est suivie avec une grande attention dans le monde entier. La campagne électorale pourrait également faire monter la température en bourse cet été. D’après Predictit, un bureau de paris créé à des fins de recherche académique par l’Université Victoria de Wellington, la probabilité d’une victoire de Biden (estimée sur la base des montants misés) s’est élevée à 66% la semaine dernière (voir graphique 3).

Qu’est-ce que cela pourrait signifier pour les investisseurs? Depuis 1936, les actions américaines se sont toujours mieux comportées sous les mandats des présidents démocrates. Mais il existe également une interaction négative selon laquelle leur performance fléchit dans les semaines qui précèdent l’éviction du président en exercice (voir graphique 4). Cause ou corrélation? Qui sait! Les statistiques sont patientes et dépendent souvent de l’observateur. Mais elles peuvent permettre d’anticiper un mouvement à la hausse ou à la baisse des marchés boursiers pendant les mois chauds d’été.

2. Exportations: perspectives des PME pour l’après-crise

Ces dernières semaines, j’ai eu l’occasion de discuter avec de nombreux entrepreneurs suisses. L’impression générale que j’ai retirée de ces entretiens est très similaire aux résultats d’une nouvelle enquête menée auprès des PME que nous avons publiée cette semaine1.

De manière générale, les PME helvétiques sont résistantes, et elles méritent le respect à cet égard. Ce qui s’est révélé efficace durant la crise, c’est la cure de remise en forme constante à laquelle nos entreprises sont soumises en raison de la vigueur du franc et des coûts salariaux élevés en Suisse. Néanmoins, et il ne faut pas le taire, certains secteurs sont très durement touchés, et leur existence même est parfois menacée. Je saisis cette occasion pour résumer les principaux résultats de notre enquête:

  • 80% des PME interrogées déclarent que leurs activités ont été affectées par la crise, surtout en raison de l’effondrement de la demande et de l’incertitude concernant la durée de la fermeture des frontières.
  • 19% seulement indiquent avoir des problèmes de trésorerie.
  • 33% ont demandé un crédit COVID-19 et 58% le chômage partiel.
  • Près de 40% prévoient une augmentation des exportations au second semestre, mais elles sont à peu près aussi nombreuses à anticiper un nouveau recul.
  • Près de 40% également estiment que la situation s’est stabilisée, et quelque 40% pensent que la crise constitue même une opportunité.
  • 43% veulent à présent accélérer la numérisation.
3. Plaisir de lire: de bons livres pour les chaudes journées d’été

J’aimerais vous recommander deux livres pour ces vacances d’été. 

«Der Sommer im Garten meiner Mutter», par Ariela Sarbacher

Tout concorde: l’intrigue, la langue, la verve d’un premier ouvrage, publié d’ailleurs sous une forme attrayante comme l’éditeur zurichois Bilgerverlag en a le secret. «Der Sommer im Garten meiner Mutter» (l’été dans le jardin de ma mère) par Ariela Sarbacher2 est un roman subtil, une histoire de famille. Il aborde le temps qui passe, le souvenir, l’amour entre une mère et sa fille, ainsi que la mort autodéterminée de la mère, dont la maladie est incurable. Aussi belle qu’un coucher de soleil sur la mer: c’est en des termes pittoresques que l’auteure relate la vie de cette femme et celle de toutes les personnes qu’elle a touchées. Mais il s’agit également de l’histoire d’une fille qui ne parvient réellement à lâcher prise qu’après avoir fait de nombreuses excursions dans les jardins du souvenir. La quête des traces de sa mère la conduit dans les années 1930 à Chiavari, une petite ville tranquille de la côte ligurienne, jusqu’à un quartier de la banlieue de Zurich dans les années 1960.

«Légende», par Sylvain Prudhomme

En outre, je vous conseille vivement «Légende»3, par Sylvain Prudhomme, finaliste du Grand prix du roman de l’Académie française. Cette œuvre complexe et raffinée, publiée aux éditions Gallimard, aborde la fragilité des choses et la fugacité du charme, mais aussi la puissance de la mémoire et ce que peut impliquer parfois le fait de traverser la vie comme une comète. 

L’auteur nous emmène dans le paysage aride et mythique de la plaine de la Crau, ce désert de pierres solitaire du midi de la France, au nord-est de la Camargue, aux portes d’Arles. Il nous relate une double-histoire d’amitié. Il y a tout d’abord Nel et Matt, deux «observateurs» passionnés: l’un est photographe et fils d’éleveurs de moutons de la Crau, l’autre est cinéaste amateur. Ensemble, ils souhaitent retracer l’histoire d’une discothèque légendaire des années 1980, «La Chou», et tourner un documentaire sur cet établissement et ses illustres clients et légendes. Mais au cours de leurs recherches, ils creusent de plus en plus dans le passé de deux frères dissemblables, Christian et Fabien, des enfants terribles dont la joie de vivre débordante et rayonnante, mais aussi fugace qu’un coquelicot, s’est épanouie puis fanée. Le lecteur est plongé dans une jeunesse insouciante des années 1980, étonnamment liée au paysage et aux habitants de la Crau, à la France de cette époque, ainsi qu’à la vie de Nel et de Matt. 

Ce roman est habité par la frénésie de vivre, soulignant l’éternel retour de la vie et de la mort, et bien entendu par les personnages dont l’existence, les luttes et l’aboutissement sont décrits par Sylvain Prudhomme avec un grand respect et un humour subtil, sans jugement ni condamnation. Reste à savoir ce qu’il reste d’une vie au bout du compte. Nel adopte finalement une maxime de Fabien: «Si on veut vraiment quelque chose, on finit toujours par l’obtenir. Tu verras, c’est vrai.»

 

1 https://www.credit-suisse.com/ch/fr/unternehmen/unternehmen-unternehmer/aktuell/corona-krise-trifftschweizer-
export.html
2 Ariela Sarbacher: «Der Sommer im Garten meiner Mutter», livre relié, 155 pages, Bilgerverlag, ISBN:
9783037620830
3 Sylvain Prudhomme: «Légende», livre relié, 304 pages, Éditions Gallimard, ISBN: 9782070149513

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