Allocation stratégique: regarder au-delà des marchés traditionnels

Vincent Juvyns, J.P. Morgan Asset Management

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Plus que jamais les actifs alternatifs et réels sont passés du statut d’«optionnels» à celui d’«essentiels».

Comme chaque année depuis 26 ans, nous avons publié au mois de novembre notre dossier de recherche «Hypothèses à long terme des marchés des capitaux (LTCMA)». Ces hypothèses nous guident dans nos allocations d'actifs stratégiques, en établissant des prévisions de risque et de performance sur une période de 10 à 15 ans pour plus de 200 classes d'actifs. Elles nous permettent aussi de contribuer au débat collectif par rapport aux grandes questions économiques du moment, c’est pourquoi je vous livre ci-après un extrait de nos principales conclusions.

Sur le plan économique

Après une décennie marquée par des périodes d’austérité périodiques, nous estimons que les politiques budgétaires devraient davantage contribuer à la croissance économique dans la décennie à venir. En effet, encouragés par le succès de leurs mesures de lutte contre la pandémie, les gouvernements se concentrent désormais sur des investissements susceptibles de relever le potentiel de croissance de leur économie et de lutter contre le changement climatique.

Pour la première fois depuis de nombreuses années, nos projections d'inflation à long terme sont relevées, à 2,4% contre 2,2% précédemment.

Malgré cela, nous anticipons un ralentissement de la croissance du PIB réel mondial à 2,2% au cours des 10 à 15 prochaines années, contre 2,9% de 2010 à 2020 et 2,7% de 2000 à 2020. Ce ralentissement s’explique notamment par la décélération de l’économie chinoise, qui devrait entrainer les marchés émergents dans son sillage, alors que la croissance des marchés développés devrait rester stable à 1,5%. 

En matière d’inflation, nous avons, pour la première fois depuis de nombreuses années, relevé nos projections d'inflation à long terme (2,4% contre 2,2% précédemment). Cette légère révision à la hausse s’explique notamment par le fait que, les principales banques centrales devraient tolérer un niveau d’inflation moyen plus élevé qu’auparavant ainsi que, par la volonté de nombreux états de «décarboner» leurs économies, ce qui devrait entrainer un renchérissement des droits d’émissions de CO2 et des prix de l’énergie. 

Hypothèses par classe d’actifs

En ce qui concerne les marchés d’actions nous anticipons des performances plus faibles pour les marchés développés (4,4% contre 4,6% précédemment) et émergents (6,6% contre 6,8% précédemment). Dans l’ensemble, ces changements entraînent une baisse de notre estimation des performances des actions mondiales de 10 pb, à 5,00% en dollars.

Sur les marchés obligataires, les perspectives des emprunts d’Etat restent peu favorables, même si nos prévisions pour les performances nominales des obligations s’améliorent légèrement cette année grâce notamment à des rendements de départ plus élevés que l’an passé à la même date. Nous avons ainsi relevé de 80 pb, à 2,40%, nos prévisions de performances des bons du Trésor américain à 10 ans Néanmoins, compte tenu de notre estimation de l’inflation américaine (2,30%), cela implique toujours une performance réelle pratiquement nulle pour les bons du Trésor, en moyenne, sur notre horizon de prévision. En dehors des Etats-Unis, le tableau est sombre, avec des performances nominales des obligations de seulement 1,25% pour les emprunts d’Etat à 10 ans en euro et de 1,70% pour le Gilt à 10 ans, ce qui implique des performances réelles nettement négatives.

Nos perspectives pour les investissements alternatifs sont généralement en hausse.

Alors que nos perspectives de rendement pour les marchés traditionnels (actions et obligations) demeurent faibles, nos perspectives pour les investissements alternatifs sont en revanche généralement en hausse. Pour le private equity, nous nous attendons ainsi à un rendement de 8,10%, soit 30 pb de plus que l’année dernière, tandis que, la performance attendue pour la dette privée est en hausse de 10 pb par rapport à 2021, à 6,9%. Les actifs réels continuent également de se démarquer, notamment grâce à des valorisations intéressantes et des caractéristiques intrinsèques (faible corrélations et volatilité), qui renforcent la résilience des allocations stratégiques qui y sont exposées.

Conclusions

Bien que nous sommes convaincus que la pandémie laissera peu de séquelles économiques, nous anticipons une croissance économique modérée par rapport au passé, freinée par les poids lourds économiques que sont les Etats-Unis, la Chine et l'Inde. La productivité devrait certes progresser, stimulée par l'adoption de nouvelles technologies par les entreprises durant la crise sanitaire, mais les faiblesses démographiques continueront de peser sur la croissance économique, que ce soit dans les économies développées ou les économies émergentes. 

Dans ce contexte, les performances attendues pour les principales classes d’actifs restent faibles par rapport aux niveaux passés et un portefeuille 60/40 ne devrait rapporter que 4,3% en dollars ce qui est inférieur à l’objectif de performance de nombre d’investisseurs et obligera donc ces derniers à regarder au-delà des actifs traditionnels pour dégager de meilleures performances. 

Ainsi, pour les investisseurs à long terme, nous estimons plus que jamais que les actifs alternatifs et réels sont passés du statut d’«optionnels» à celui d’«essentiels» en matière d’allocation stratégique. 

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