Actions en 2022: la mondialisation à la croisée des chemins

Peter Garnry, Saxo Bank

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L’histoire se souviendra que l’année 2022 marquera le coup d’arrêt d’une mondialisation effrénée.

Vers un monde bipolaire dominé par les risques géopolitiques

Nous nous trouvons à la croisée des chemins. Il devient de plus en plus évident que deux systèmes de valeur sont en train d’émerger, et que chaque pays décidera de quel côté il souhaite se ranger. Tout sera question d’autonomie ou plutôt de moindre dépendance vis-à-vis des pays qui ne partagent pas le même système de valeurs en matière d’énergie, de métaux et d’agriculture. C’est la raison pour laquelle l’Europe va mettre fin à sa dépendance vis-à-vis de la Russie et s’engager davantage avec l’Afrique à l’avenir, ce qui va entraîner une concurrence avec la Chine pour la possession des ressources. L’Inde est le plus grand pays qui cherche actuellement à adopter une position neutre dans le nouvel ordre, et le fait que les États-Unis et l’Europe évacuent une partie de leur production de la Chine joue en sa faveur.

La mondialisation aura été une période unique de l’histoire moderne, dominée par les flux de capitaux et d’échanges avec un interventionnisme réduit des États. Les questions de sécurité nationale ayant désormais gagné de l’importance et les chaînes d’approvisionnement mondiales se réorganisant selon le nouvel ordre mondial bipolaire, les choix des gouvernements vont commencer à jouer un rôle économique plus prépondérant. Comme auparavant. Les gouvernements vont décider de l’allocation de capitaux et des politiques technologiques en matière d’énergie et de semi-conducteurs notamment. C’est déjà le cas de l’US CHIPS Act votée cette année et qui constitue la politique industrielle la plus importante aux États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale. Elle vise à réduire la dépendance vis-à-vis de Taïwan, qui représente l’une des plus grandes menaces pour l’économie mondiale.

Tous les chemins mènent à une hausse de l’inflation et donc à une majoration des taux d’intérêt. Le marché refuse pour le moment de reconnaître cet état de fait, ce qui ouvre la voie à une grande surprise en 2023.

L’affaiblissement du dollar à long terme et le retour de la réalité dans l’économie vont rendre les actions européennes de plus en plus intéressantes.

À ce jour, les matières premières et les titres d’armement, avec des progressions respectives de 24 et 22%, se sont de loin le mieux comportés. Le secteur énergétique, s’est relativement bien tenus par rapport à l’ensemble du marché actions. Le réalignement des chaînes d’approvisionnement mondiales a profité aux secteurs de la logistique ou de l’Inde. En revanche, les thèmes les plus touchés par la réouverture physique de l’économie après la pandémie, le choc des taux d’intérêt et la crise énergétique se reflète notamment dans la baisse de la demande de véhicules électriques cette année.

Les actions américaines peuvent-elles continuer à surperformer à l’heure où la réalité fait son grand retour?

La dernière étape de la mondialisation a été marquée par la hausse de la numérisation, à l’origine de grandes multinationales américaines qui ont largement profité de cette mondialisation. Cela a permis un redressement des actions américaines qui ont laissé derrière elles les actions européennes en USD. Les actions chinoises ont réussi à soutenir le rythme grâce à l’expansion rapide du secteur technologique du pays, mais leur pouvoir de marché est devenu un problème politique dans l’empire du Milieu. Des lois antimonopole et anticoncurrence ont suivi dans le seul but d’écraser les géants chinois de la technologie sous le slogan de prospérité commune. Avec l’augmentation de la centralisation et du contrôle de l’État en Chine, la prospérité commune ne profitera pas aux actionnaires, et nous maintenons donc la sous-pondération des actions chinoises à long terme jusqu’au retour des réformes de marché.

La question la plus importante est de savoir si l’Europe peut parvenir à rattraper les États-Unis. Nous pensons que l’affaiblissement du dollar à long terme et le retour de la réalité dans l’économie vont rendre les actions européennes de plus en plus intéressantes. L’objectif de l’Europe de doubler ses dépenses militaires et plus généralement de s’affirmer dans ce nouvel ordre mondial sera bon pour la croissance économique au fur et à mesure que les contraintes énergétiques seront résolues. Les marchés émergents hors Chine devraient également tirer leur épingle du jeu dans un contexte de cycle exceptionnel des matières premières et de baisse du dollar.

L’énergie restera-t-elle l’actif majeur de réduction des risques tant qu’il y aura de l’inflation?

Pendant des années, les investisseurs ont cherché à savoir quel actif les protégerait le mieux de l’inflation. On a d’abord parlé de l’immobilier et des obligations indexées sur l’inflation, mais il s’est avéré que la meilleure protection était l’énergie, puis le secteur des matières premières dans son ensemble.

L’électrification du moindre aspect de notre société, permise par les progrès accomplis dans le domaine des batteries, va rester prépondérante et entraîner d’énormes rendements pour les actionnaires. Le pétrole et le gaz ne sont pas près de tirer leur révérence, et le mouvement ESG a causé une erreur d’évaluation de prix qui peut profiter aux investisseurs non concernés par ces contraintes. À plus long terme, l’hydrogène, les piles à combustible, les sources d’énergie renouvelable, le nucléaire et la fusion vont dominer le marché et engendrer des rendements.

En ce début d’année, le secteur de l’énergie est un incontournable. Les sociétés minières sont elles aussi au-devant de la scène, tandis que l’ensemble du secteur technologique n’a pas fini de s’ajuster au nouveau régime.

Les entreprises de grande qualité et à forte marge sont les plus rentables en période d’inflation

Dans la mesure où l’inflation restera un thème majeur en 2023 et où les pressions salariales continueront à dominer la dynamique, les entreprises lutteront pour conserver leurs marges d’exploitation. Dans l’environnement actuel, les entreprises de petite taille, à fort levier d’endettement et comptant un nombre important d’employés dans leur intrant de production feront face aux pressions les plus fortes. Les sociétés aux marges d’exploitation les plus faibles dans leurs secteurs respectifs seront celles qui subiront le plus la pression inflationniste.

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