Été, soleil, lumière et ombre – Weekly Note de Credit Suisse

Burkhard Varnholt, Credit Suisse

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À l’approche des vacances d’été, bon nombre d’investisseurs se demandent s’ils doivent se dépêcher de placer une partie de leurs liquidités disponibles ou s’ils feraient mieux d’attendre.

La Suisse est une véritable «chambre des merveilles»: elle impressionne non seulement en football, mais aussi par ses autres trésors exceptionnels, surtout aujourd’hui, alors que l’été et les montagnes attirent les vacanciers. J’ai récemment admiré le panorama grandiose de mes cols alpins préférés en les gravissant à vélo. Il n’y a pas que James Bond qui les a immortalisés. Et de nombreuses étoiles helvétiques continuent de briller au firmament du monde financier: la bourse suisse, la troisième d’Europe, offre depuis des décennies le meilleur rapport rendement-risque de tous les marchés européens. Le coût du capital y est faible et la monnaie forte. En termes de compétitivité, la Suisse peut encore progresser, mais là aussi, elle a une longueur d’avance sur ses voisins. Autant de raisons de se montrer confiant. À l’approche des vacances d’été, bon nombre d’investisseurs se demandent s’ils doivent se dépêcher de placer une partie de leurs liquidités disponibles ou s’ils feraient mieux d’attendre. Nous discutons de la météorologie estivale des marchés boursiers et expliquons également pourquoi les placements à long terme surperforment toujours les liquidités.

1. Cols alpins suisses: panoramas aussi grandioses qu’autrefois

Aux alentours du jour le plus long de l’année, je planifie toujours une excursion à vélo d’une journée entière. Cette fois, non seulement le temps était idéal, mais la fermeture de plusieurs cols alpins avait également eu pour effet bénéfique de supprimer pratiquement tout trafic des routes qui y mènent. Par la plus belle des journées qui soit, j’avais donc six cols très différents à mon programme: le col du Susten à la fois romantique et sauvage puis, dans le paysage de carte postale de l’Oberland bernois, le majestueux col du Grimsel, qui ouvre la voie vers le col de la Furka du côté valaisan (ici), lequel me rappelle automatiquement le film de James Bond «Goldfinger» qui y a été tourné en 1964 (avec, en arrière-plan, le glacier du Rhône encore immense à l’époque), marquant à jamais l’histoire du cinéma. À partir de ce col, la descente rapide fait traverser le magnifique canton d’Uri jusqu’au col du Saint-Gothard, le passage du versant nord au versant sud avec les délicieuses senteurs de pins constituant toujours un moment magique. Pour en descendre, on prend la Tremola, la voie la plus longue de notre patrimoine routier historique (1827–1832), qui comporte dans sa partie la plus spectaculaire 24 virages en épingle à cheveux sur un dénivelé de 300 mètres et une longueur de quatre kilomètres seulement1. Ensuite, la montée vers le col du Nufenen commence dans le Val Bedretto. Le plus haut passage alpin asphalté de Suisse centrale (2478 mètres) attire comme un aimant des cyclistes tels que moi. Il faut le voir par soi-même: le Valais et le Tessin rivalisent de splendeurs naturelles.

Arrivés au col du Nufenen, nous avons fait demi-tour, redescendu le Val Bedretto, repris la route de la Tremola menant au col du Saint-Gothard par le versant sud et rejoint le col de l’Oberalp à vive allure. Lors de cette randonnée, nous avons pratiquement laissé sur notre gauche le plus haut tripoint hydrographique d’Europe, sur le légendaire plateau rocheux du Witenwasserenstock, où le lien entre la géographie et l’histoire économique est tangible. Lorsque le vent souffle du sud, la pluie est balayée vers le nord et se déverse via la Reuss et l’Aar dans le Rhin, l’axe de transport le plus important d’Europe. Lorsque le vent souffle du nord, les précipitations arrosent le Val Bedretto, grossissant ainsi le Tessin, un affluent du Pô, dont la vallée doit également son patrimoine socio-économique à l’abondance d’eau. Le vent d’est, quant à lui, pousse la pluie vers la vallée de Geren, le lac Léman et le Rhône, le fleuve le plus important et ayant le plus grand débit de France.

Notre excursion à vélo s’est terminée par la descente menant par un paysage de rêve à Disentis, où l’abbaye bénédictine nous a hébergés pour la nuit. La longue histoire de l’ordre religieux du même nom est étroitement liée à celle de l’Europe. À ceux qui souhaitent en savoir plus à ce sujet, nous conseillons vivement de lire «Il filo infinito» (le fil sans fin) de Paolo Rumiz, l’auteur de livres de voyage le plus célèbre d’Italie2.

2. Les actions: toujours plus performantes que les liquidités

Revenons aux marchés boursiers et aux placements. Ces dernières semaines, on m’a souvent demandé s’il fallait investir les liquidités disponibles avant les vacances d’été ou s’il était préférable d’attendre. Je donne une réponse de principe et une réponse tactique à cette question.

Le meilleur jour pour investir? C’est aujourd’hui!

La question de savoir quel est le bon moment pour investir est aussi vieille que l’activité de placement elle-même. Depuis toujours, les investisseurs veulent acheter à prix bas et vendre à prix élevé. «Buy low, sell high» répètent bien des conseillers. Mais le fait de répéter fréquemment cette recommandation ne la rend pas meilleure pour autant, car elle repose sur un problème fondamental.

Chercher le moment idéal pour investir revient à «chercher une aiguille dans une botte de foin». La trouver n’est pas impossible, mais hautement improbable. C’est précisément pour de telles considérations de probabilité que, de manière générale, la recherche du «meilleur jour» n’est pas pertinente à proprement parler. Voilà le constat surprenant qui découle des calculs de probabilité et d’une longue expérience des marchés boursiers.

«Impossible», répondrez-vous peut-être. Vous pourriez rappeler que la crise boursière de l’année dernière a offert aux investisseurs courageux une excellente opportunité de prendre des positions. Exact. Mais outre le fait que tous n’ont pas eu le cran de le faire, un seul exemple de succès n’invalide pas le principe général selon lequel l’avenir est et reste impénétrable.

Voici ce que nous pensons savoir:

  • Les investisseurs performants investissent à long terme. Plus leur horizon de placement est lointain, moins le choix du moment du positionnement est important. C’est lorsque l’on investit à long terme que la probabilité est la plus forte d’obtenir le rendement le plus élevé avec des actions, un revenu moindre avec des obligations et encore plus faible avec des liquidités. Voilà en principe le point de départ le plus pertinent de tout débat concernant la bonne stratégie de placement.
  • Le choix d’une stratégie de placement adéquate est plus déterminant que le timing. On pourrait peut-être le comparer à l’achat d’un nouveau costume: le choix de la couleur (grise ou bleue) est moins important qu’une bonne coupe. Si les manches sont trop longues ou les épaules trop larges, le costume ne conférera jamais l’apparence souhaitée. Il en va un peu de même avec la gestion de fortune. Si la stratégie n’est pas adaptée à l’investisseur, le tandem ne fonctionnera pas longtemps.
  • En revanche, si la stratégie et l’investisseur sont bien assortis, le succès ne dépendra pas de la chance ou de la malchance, mais deviendra une certitude statistique à long terme.
  • Ces considérations permettent également de donner une réponse précise à la question de savoir quand investir: des règles clairement définies sont plus prometteuses de succès que le timing. Soit on investit immédiatement, soit de manière échelonnée: un quart par trimestre par exemple, soit on n’investit pas du tout. C’est simple, non?

Investir à long terme confère également une certaine sérénité puisque, par le passé, chaque correction a ensuite permis aux cours de progresser vers de nouveaux sommets. Au bout de quelques années, même la grande crise financière de 2008 s’est soldée pour les investisseurs du S&P 500 par un résultat similaire à celui des mandats mixtes suisses (voir le graphique 1).

Toutefois, la question relative au moment judicieux pour investir s’accompagne bien sûr toujours du problème de l’appréciation subjective de la situation. C’est pourquoi nous aimerions évoquer quelques bonnes raisons qui nous permettent de considérer les actions comme étant plus attrayantes que les obligations ou les liquidités sur le long terme.

Pourquoi les actions restent-elles plus attrayantes que les liquidités?

  1. Les investisseurs peuvent diversifier le risque des actions à la fois dans l’espace et dans le temps. Compte tenu des taux d’intérêt négatifs, ceux qui n’investissent pas encourent un risque d’érosion de leur patrimoine plus important que ceux qui investissent, du moins à long terme. Voici le principe qui s’applique à cet égard: celui qui a beaucoup de temps devrait investir dans les actions; celui qui a peu de temps devrait investir dans les obligations; et celui qui n’a aucune tolérance au risque ferait mieux de rester liquide.
  2. Les obligations sont bon marché lors des grands retournements de tendance. Or elles sont fortement valorisées actuellement, les plus chères se trouvant en Suisse.
  3. Ces douze derniers mois, la reprise des marchés financiers a été alimentée par les bénéfices des entreprises, non par les valorisations. Et ce phénomène devrait continuer à stimuler le potentiel de progression des cours tant que l’économie poursuit son redressement et que les taux d’intérêt restent faibles.
  4. Les taux d’intérêt négatifs demeureront probablement une triste réalité ces prochaines années en Suisse. Mais l’économie de celle-ci est compétitive, sa bourse l’une des plus performantes et le franc la monnaie la plus forte du monde. Tous ces facteurs rendent un portefeuille diversifié à l’échelle internationale plus attrayant que les liquidités pour les investisseurs helvétiques.
  5. Les rachats d’actions, les caisses de pension sous-investies et les investisseurs privés continuent d’alimenter une forte demande différée en matière de placements alors que les rendements des marchés des capitaux offrent peu de perspectives de hausse, un phénomène qui s’observe tant en Suisse que dans le reste du monde.
  6. La pandémie a eu une forte incidence sur trois grandes tendances des marchés financiers. Premièrement, elle a amplifié les fortes rotations au profit des titres de valeur et de l’Europe. Deuxièmement, elle a accentué certains Supertrends, notamment la recherche accrue de durabilité, la numérisation et le développement mondial des infrastructures. Troisièmement, elle a renforcé l’environnement de taux d’intérêt nuls, c’est-à-dire la pénurie de placements à l’échelle mondiale, pour un certain temps encore.
  7. Certes, les banques centrales ont fortement stimulé la reprise des marchés financiers l’année dernière. Mais pourraient-elles reprendre ces liquidités? Un regard sur la croissance de la masse monétaire M2 aux États-Unis suggère plutôt le contraire (voir graphique 2):

3. Facteurs susceptibles de faire éclater des orages d’été

À toutes ces raisons porteuses de confiance s’opposent toutefois les craintes d’orages estivaux. En voici quelques exemples.

Où se cachent les «ours»?

Après huit mois de hausse boursière, presque personne ne veut se profiler en «ours». Dans l’indice «Bull-Bear» actuel, qui donne le résultat d’une enquête menée régulièrement auprès des investisseurs institutionnels aux États-Unis, les «taureaux» dépassaient les «ours» de 17%, contre 15% il y a une semaine, alors que les «ours» devançaient les «taureaux» de 23% il y a un an seulement3. En fait, la plupart des investisseurs évitent les voies solitaires. Ce phénomène me fait penser à la sagesse de vie exprimée dans le poème américain le plus populaire du XXe siècle «The Road Not Taken» (le chemin délaissé) de Robert Frost:

«Two roads diverged in a wood, and I – «Deux chemins dans un bois se séparaient,
I took the one less travelled by, J’ai pris des deux le moins fréquenté,
And that has made all the difference.» Et c’est ce qui a tout changé.»

Robert Frost: «A Group of Poems» dans The Atlantic Monthly, août 1915

Signes de surchauffe estivale

Des signes isolés de spéculation laissent penser que le marché est en surchauffe, ce qui est adapté à la saison. Que ce soit au niveau des crypto-monnaies ou de certaines valeurs secondaires, dont les cours sont à l’évidence agités par des spéculateurs, on observe des signes de surchauffe spéculative dans un climat de quiétude suggérant le calme avant la tempête.

Resserrement de la largeur de marché

Bien que de nombreux marchés boursiers, dont l’indice américain S&P 500, culminent encore à des sommets historiques, la part d’actions se négociant au-dessus de leur moyenne sur 50 jours diminue. Ce n’est qu’un détail, mais il signale que bon nombre de marchés ne sont plus aussi largement soutenus qu’ils l’étaient il y a quelques semaines encore. Cette évolution accroît également leur vulnérabilité aux corrections.

Qu’est-ce qui peut encore réserver des surprises?

La plupart des marchés boursiers anticipent déjà une vaste croissance: expansion économique, augmentation des bénéfices, soif de consommation. Sans nul doute, il est aujourd’hui plus difficile de les stimuler avec de nouvelles surprises positives qu’il y a six ou douze mois.

Levées de capitaux record

Autre signe de valorisations en surchauffe: le nombre record de levées de capitaux (voir le graphique 3). On peut en déduire que de nombreux dirigeants d’entreprise considèrent leurs propres actions comment étant fortement valorisées.

Croissance des licornes

La croissance continue des «licornes», ces sociétés non cotées dont la valorisation se chiffre en milliards, attire également l’attention de nombreux investisseurs (voir le graphique 4). À juste titre? Qui sait? Peut-être n’est-ce qu’une manifestation de notre époque révélant que les marchés mesurent beaucoup plus de choses en milliards qu’en millions?

Qu’est-ce qui ne change pas?

Je voudrais soumettre trois réflexions en guise de conclusion.

  1. Quels que soient vos projets d’été, profitez de vos vacances ou de vos loisirs en compagnie de vos proches.
  2. En bourse, les orages d’été ne sont pas rares non plus. Ce qui compte le plus, c’est votre stratégie de placement à long terme. Vous souhaitez exploiter d’éventuelles corrections pour étoffer vos positions tout en étant investis si elles ne surviennent pas? Si tel est le cas, les produits structurés peuvent constituer une alternative idéale aux liquidités. Discutez-en avec votre conseiller. Nous sommes là pour vous, même pendant vos vacances.
  3. Je recommande également de faire un check-up régulier de votre portefeuille. Peutêtre serait-il judicieux d’en prévoir un avant les vacances? Une part trop importante de liquidités dilue vos rendements, et l’attente n’est pas une stratégie. Il vaut mieux opter pour de bons placements thématiques afin, par exemple, de tirer profit de Supertrends tels que la numérisation, les infrastructures ou encore l’essor de l’Asie. Avez-vous déjà analysé votre portefeuille du point de vue de la durabilité?

 

2 Paolo Rumiz: «Il filo infinito», édition Feltrinelli Traveller, 174 p., ISBN 978-8807033247 (en italien) «Der unendliche Faden», Folio Verlag Wien – Bozen 2020, 220 p., ISBN 978-3-85256-805-8 (en allemand)

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