Taux: la BCE prête à suivre la Fed qui ralentit la cadence

AWP

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Après deux hausses «jumbo» de 0,75 point en septembre et octobre, une majorité d’analystes voit la BCE ralentir et augmenter les taux directeurs de 0,50 point de pourcentage, à l’issue du Conseil des gouverneurs.

La Banque centrale européenne (BCE) pourrait décider jeudi une hausse des taux d’intérêt moins forte que les précédentes, même si la lutte contre l’inflation est loin d’être finie.

Les gardiens de l’euro ont opéré depuis juillet un tour de vis monétaire sans précédent, relevant les taux directeurs de 2 points de pourcentage au total pour tenter de juguler l’envolée des prix, tirés par les coûts de l’énergie, dans le sillage de la guerre russe en Ukraine. Après deux hausses «jumbo» de 0,75 point en septembre et octobre, une majorité d’analystes voit la BCE ralentir et augmenter les taux directeurs de 0,50 point de pourcentage, à l’issue du Conseil des gouverneurs.

C’est ce qu’a décidé mercredi la Réserve fédérale américaine (Fed), ouvrant une nouvelle phase de son combat contre les hausses de prix. De ce côté de l’Atlantique, le patron de la Banque de France, François Villeroy de Galhau s’attend aussi à ce que la BCE siffle la fin de la «première mi-temps».

Cela serait cohérent avec la courbe d’inflation qui s’est un peu aplatie en novembre dans la zone euro, à 10%, contre 10,6% le mois précédent, grâce à une accalmie des coûts de l’énergie. L’option d’une hausse de 0,50 point devrait également être retenue par la Banque d’Angleterre (BoE) qui communiquera dès la mi-journée, avant la BCE.

Les taux de la BoE seraient ainsi portés à 3,5%, un sommet depuis 2008, malgré la longue récession qui, selon la banque, a débuté au Royaume-Uni et pourrait durer jusqu’à mi-2024. Encore auparavant, la Banque nationale suisse (BNS) devrait avoir aussi opéré un resserrement de 25 points de base de son taux directeur, selon les économistes.

Proche du pic?

En zone euro, dans un scénario de hausse de 0,50 point, le taux sur la facilité de dépôts, qui fait référence, attendrait 2%. Après de longues années d’argent peu cher, le choc de taux d’intérêt mené par les banques centrales est destiné à refroidir l’activité économique, dans l’espoir de dompter l’inflation à moyen terme.

Le rythme du cycle de hausse est le plus rapide depuis la création de la BCE en 1999. «Il est probable que nous soyons proches du pic d’inflation», a récemment déclaré, avec une infinie précaution, le chef économiste de la BCE Philip Lane.

Selon Carsten Brzeski, analyste à la banque ING, l’impact des hausses de taux sur l’économie réelle est déjà sensible car le resserrement des conditions de crédit avaient été anticipé si bien que «les taux d’emprunt moyens des entreprises et des ménages ont augmenté de manière significative». L’hypothèse d’une nouvelles hausse «jumbo» de 0,75 point de pourcentage n’est toutefois pas écartée par certains «faucons» au conseil des gouverneurs.

En tout état de cause, «nous attendons un message sans concession de la banque centrale indiquant que de nouvelles hausses de taux sont nécessaires et qu’il est prématuré d’envisager déjà un pic des taux», selon Franck Dixmier, directeur mondial des gestions obligataires d’Allianz Global Investors. Car la hausse des prix reste très éloignée de l’objectif de 2% visé par l’institut monétaire.

Récession

Les 25 membres du Conseil des gouverneurs se décideront à partir de nouvelles prévisions sur l’inflation et la croissance à l’horizon 2025. L’inflation «devrait rester très supérieure à 2% en 2023 et 2024», du fait des rattrapages de salaires après les pertes de pouvoir d’achat liées à la crise énergétique, et des soutiens publics aux ménages et entreprises, prédit Eric Dor, directeur des Études économiques à l’école de commerce IESEG.

Les nouvelles prévisions devraient également montrer que l’économie de la zone euro se contractera au dernier trimestre 2022 et au premier trimestre 2023, ce qui correspond à la définition technique d’une récession. Mais cette récession pourrait se révéler modérée, en partie grâce aux mesures d’aide massives prises par les gouvernements européens.

Les analystes scruteront aussi attentivement les précisions de la BCE sur la manière dont son bilan devrait être réduit dans les prochains mois. Ce «resserrement quantitatif», c’est à dire la réduction du stock de dette gonflé par les achats massifs des dernières années, va encore durcir les conditions de financement dans l’économie.

La BCE a promis que ce virage serait graduel et anticipé pour ne pas provoquer de tensions sur le marché de la dette des pays les plus vulnérables.

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