Hubert Keller, associé-gérant senior de la banque Lombard-Odier, appelle à une transformation qui créera inévitablement des disruptions dans la production telle que nous la connaissons aujourd’hui, mais constitue également une opportunité.
C’est un tableau qui donne le vertige qu’Hubert Keller, associé-gérant senior de la banque Lombard-Odier, a dressé en ouverture de la discussion sur l’agriculture mardi à l’occasion du sommet sur la finance durable Building Bridges à Genève. Pour que l’objectif de zéro émission nette fixé à la conférence de Paris sur le climat soit atteint en 2050, 20% des surfaces agricoles actuelles devront être rendues à la nature d’ici dix ans, et ce alors que la population mondiale poursuit sa croissance.
Parmi les nombreux chiffres cités, celui de la proportion de terres agricoles utilisées à nourrir du bétail et non directement est un des plus marquants: 60%. «En termes de productivité, c’est très faible», a souligné M. Keller, qui appelle de ses voeux une transformation du mode de production agricole, qui créera inévitablement des disruptions dans la production telle que nous la connaissons aujourd’hui, mais constitue également une opportunité, selon lui.
Pour accompagner cette transformation, M. Keller a identifié trois vecteurs: l’évolution des habitudes alimentaires des consommateurs, la redirection des subventions à l’agriculture et à la production d’alimentation, qui se monte tout de même à entre 500 et 700 milliards de dollars par an, et l’arrivée sur le marché de solutions de production plus écologiques, comme les protéines végétales. D’ici deux à trois ans, celles-ci dépasseront les protéines animales, prédit le banquier.
L’évolution des habitudes alimentaires est un des facteurs clés pour le géant agroalimentaire Nestlé, représenté par son directeur des relations publiques Ron Cameron. «En tant que fabricant de produits alimentaires, nous devons bien entendu répondre à la demande des consommateurs», a-t-il souligné. Avant de nuancer: «Nous pouvons également guider cette demande. Mais nous nous devons pas avoir plus d’un pas d’avance.»
Différents facteurs influencent le comportement des consommateurs. Depuis un certain nombre d’années, les allergies au gluten se sont multipliées, a illustré Johnny el Hachem, directeur du capital-investissement chez Edmond de Rothschild. En ce en raison de l’usage intempestif de pesticides dans certaines juridictions où les céréales sont produites en masse.
La question des subventions à l’agriculture a également fait réagir M. el Hachem. «Elles nous ont conduits là où nous sommes», a-t-il souligné. «Certains vont faire leurs courses en France parce que c’est moins cher, mais compte tenu de ce que l’on sait sur le système de subventions, l’est-ce vraiment?», a-t-il questionné. C’est le juste prix qui doit nous inciter à consommer de manière responsable.
Nestlé s’est engagé à réduire les émissions de CO2 de 20% d’ici à 2025 et de 50& d’ici à 2030, a rappelé M. Cameron. «Nous avons franchi notre pic d’émission de carbone», a-t-il souligné. Cependant, les deux tiers des émissions proviennent de la chaîne d’approvisionnement agricole, a-t-il remarqué. Cela implique dont une transition vers une agriculture régénérative, avec à la clé un accompagnement des quelque 600’000 agriculteurs avec lesquels travaille le groupe vaudois.