La BCE frappe fort sur les taux, malgré la tempête bancaire

AWP

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Sur fond de secousses boursières qui affectent le secteur bancaire, la BCE a opté ce jeudi pour une nouvelle hausse de ses principaux taux directeurs de 0,50 point de pourcentage.

La Banque centrale européenne ne s’est pas laissée effaroucher par le risque d’une nouvelle crise bancaire et a tranché jeudi pour un nouveau relèvement des taux d’un demi-point de pourcentage afin de combattre l’inflation, jugeant que les banques de la zone euro étaient solides et «résilientes».

Les gardiens de l’euro sont toutefois prudents sur la suite du resserrement monétaire et ont renoncé à leur engagement de relever encore «sensiblement» les taux dans les mois à venir.

«Il n’est pas possible de déterminer à ce stade quel sera le chemin à suivre» sur les taux, a reconnu la présidente de la BCE Christine Lagarde, alors que la déroute aux Etats-Unis de la Silicon Valley Bank (SVB) et les inquiétudes autour de Credit Suisse secouent fortement les marchés depuis une semaine.

Les prochaines orientations monétaires seront «dépendantes des données» financières et économiques du moment, a martelé à plusieurs reprises la première gardienne de l’euro.

Première grande banque centrale à rendre une décision depuis le début des turbulences boursières, la BCE s’est livrée à un véritable exercice d’équilibriste assurant qu’il n’y avait de «compromis» à faire, ni sur la stabilité financière, ni sur celle des prix.

Aux Etats-Unis, la Fed va se trouver face à un dilemme similaire la semaine prochaine, lors de sa prochaine réunion.

Depuis vendredi dernier, la faillite de la SVB et de deux autres banques régionales américaines ont ravivé le spectre de la crise financière de 2008 qui avait déstabilisé l’économie mondiale.

Les hausses de taux sont une arme à double tranchant pour les banques: d’un côté leurs nouveaux prêts rapportent davantage d’intérêts, de l’autre leurs actifs au bilan peuvent souffrir, avec un risque d’impayé accru chez les emprunteurs les plus fragiles et une chute mécanique des cours d’obligations en portefeuille, qui a été fatale pour SVB.

Mercredi, c’est le géant helvétique Credit Suisse qui a essuyé la pire séance de son histoire en Bourse après un mouvement de panique lié aux déclarations de son premier actionnaire, la Banque nationale saoudienne.

 «Solide» 

Mais le secteur bancaire «est actuellement dans une position beaucoup plus solide qu’en 2008», a assuré Christine Lagarde face à la presse.

«Le capital est beaucoup plus élevé qu’il ne l’était il y a 10 ou 15 ans» et «la position de liquidités des banques européennes est robuste», a abondé le vice-président de l’institution Luis de Guindos.

«Nous surveillons de près les tensions sur les marchés et restons prêts à réagir», a martelé Mme Lagarde.

Face à l’envolée des prix dans le sillage de l’offensive russe en Ukraine, la BCE a entamé en juillet un cycle inédit de hausses des taux, stoppant près d’une décennie d’argent pas cher. Toute autre décision qu’une hausse de 50 points de base, annoncée dès février, aurait été vue comme une volte-face et une atteinte à la crédibilité de la BCE, estiment plusieurs analystes.

Les taux d’intérêt de la BCE se situent désormais dans une fourchette comprise entre 3% et 3,75%, au plus haut depuis octobre 2008.

Bataille pas terminée 

L’institution de Francfort a aussi pris en compte l’accalmie sur les marchés boursiers après les efforts déployés par les autorités et dirigeants de part et d’autre de l’Atlantique pour rétablir la confiance des investisseurs dans le secteur bancaire.

Les marchés européens ont aussi repris des couleurs jeudi après l’annonce de Credit Suisse qu’il allait faire appel à la banque centrale suisse pour emprunter jusqu’à 50 milliards de francs suisses (50,7 milliards d’euros).

La BCE n’en a pas fini avec son resserrement monétaire à marche forcée, afin de freiner la demande et endiguer la forte inflation, car «l’inflation devrait rester trop forte pendant une trop longue période», a insisté Mme Lagarde.

L’inflation en zone euro a reculé en février pour le quatrième mois d’affilée, à 8,5% en glissement annuel, mais l’inflation dite «sous-jacente», hors énergie et alimentation, a grimpé au niveau record de 5,6%.

Dans ses nouvelles prévisions publiées jeudi, l’inflation est attendue à 5,3% en 2023, -contre 6,3% en décembre- puis 2,9% en 2024 et 2,1% en 2025, tout près de l’objectif de 2%, suggérant que la BCE pourrait lever le pied sur les prochaines hausses de taux.

«Les décisions d’aujourd’hui pourraient marquer le début de la phase finale du cycle de resserrement de la BCE : un ralentissement du rythme, de l’ampleur et du nombre de nouvelles hausses de taux», commente Carsten Brzeski, économiste chez ING.
 

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