La Banque du Japon assouplit son contrôle des rendements obligataires

AWP

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 L’insitut d’émission du pays du soleil levant parle désormais d’un intervalle de «référence» entre -0,5% et +0,5% au lieu de «limites rigides».

La Banque du Japon a lâché davantage de lest vendredi sur son contrôle des rendements obligataires, alors l’inflation dépasse toujours ses objectifs et rend le maintien de sa politique monétaire ultra-accommodante encore plus compliqué.

La BoJ a décidé de rendre «plus flexible» son contrôle de la courbe des rendements obligataires japonais à dix ans, en parlant désormais d’un intervalle de «référence» compris entre -0,5% et +0,5%, au lieu de se fixer des «limites rigides».

Et elle offrira un taux fixe de 1% pour ses opérations quotidiennes d’achats d’obligations publiques japonaises (JGB), au lieu de 0,5% précédemment, a-t-elle précisé dans un communiqué.

Ces ajustements interviennent alors que l’inflation au Japon devrait rester supérieure à l’objectif de 2% de la BoJ plus longtemps que ce qu’elle avait anticipé jusque-là.

L’institution table dorénavant sur une inflation de 2,5% hors produits frais pour l’exercice 2023/24 démarré le 1er avril, contre 1,8% précédemment.

L’inflation avait atteint 3% en 2022/23, du jamais vu dans le pays depuis 1981.

Elle a en revanche maintenu inchangé vendredi le taux négatif (-0,1%) qu’elle applique depuis 2016 sur les dépôts des banques auprès d’elle.

Incertitudes «extrêmement élevées»

La BoJ est sous pression depuis l’an dernier pour rompre avec sa politique monétaire ultra-accommodante, devant la poussée inflationniste mondiale et les resserrements monétaires menés aux Etats-Unis et en Europe.

L’écart grandissant entre les taux d’intérêt ultra-bas du Japon et ceux à l’étranger a fait chuter le yen depuis l’an dernier, ce qui a contribué à nourrir l’inflation japonaise et fragilisé le pouvoir d’achat des ménages nippons.

La BoJ continue cependant de penser que son objectif d’une inflation stable à 2% «n’est pas encore en vue» et souligne dans son communiqué que des «incertitudes extrêmement élevées» entourent l’évolution future de l’activité économique et des prix au Japon.

Au-delà de l’exercice en cours, elle prédit une inflation de 1,9% en 2024/25 (contre 2% lors de ses précédentes prévisions macroéconomiques fin avril) et de 1,6% en 2025/26 (estimation inchangée).

S’agissant du PIB nippon, elle table sur une croissance de 1,3% pour l’exercice en cours (contre une prévision de 1,4% en avril), de 1,2% en 2024/25 et 1% en 2025/26, comme en avril.

Approche graduelle

Rendre le contrôle des rendements obligataires plus flexible permettra d’»amortir le choc» qu’un éventuel futur abandon de cet outil monétaire non conventionnel risquerait de provoquer sur les marchés financiers, a commenté à l’AFP Taro Saito, économiste de l’institut de recherche NLI.

En décembre, la BoJ avait déjà élargi par surprise l’intervalle des rendements qu’elle tolérait pour les JGB à dix ans, en faisant passer leur plafond de 0,25% à 0,5%.

La BoJ ne peut infléchir sa politique monétaire que graduellement pour éviter un choc au Japon comme à l’étranger, selon des économistes.

Même si elle dit mener sa politique monétaire en toute indépendance, la BoJ est consciente qu’un resserrement monétaire précipité risquerait d’avoir de très rudes conséquences pour l’Etat japonais, dont la dette abyssale (environ 260% du PIB national) se ferait beaucoup plus douloureusement sentir.

En l’absence d’une croissance forte et d’une inflation ancrée dans le temps, un durcissement des conditions du crédit au Japon minerait aussi de nombreuses entreprises de l’archipel, accoutumées au cap monétaire ultra-accommodant de la BoJ depuis 2013.

La hausse des taux au Japon pourrait par ailleurs avoir d’importantes répercussions mondiales, en incitant les investisseurs japonais à rapatrier leurs énormes placements à l’étranger, par exemple sur les marchés obligataires américain et européen.

«Bien que l’environnement financier au Japon soit la priorité numéro un de la BoJ, nous nous attendons à ce que la Banque veille à éviter des perturbations ailleurs», car l’instabilité sur des marchés obligataires étrangers comme celui de la zone euro «risquerait de rejaillir» sur le marché nippon, a commenté cette semaine le stratégiste Katsutoshi Inadome dans une note de SuMi Trust.

Le yen a beaucoup fluctué dans la foulée des annonces de la BoJ mais ne s’appréciait plus que modérément face au dollar et à l’euro vers 06H00 GMT. A la Bourse de Tokyo, l’indice Nikkei a limité la casse (-0,4% en clôture), après avoir lâché plus de 2% en séance.

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