France: «match retour» Macron-Le Pen, la presse désabusée

AWP

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La surprise aurait été sans doute que Jean-Luc Mélenchon finisse par doubler Marine Le Pen en raison du comptage tardif du vote urbain.

«C’est reparti pour un tour», lance le Courrier Picard et la presse de lundi s’appesantit sans grand enthousiasme sur la réédition de l’affiche de 2017 pour le second tour de la présidentielle entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, sur fond d’amertume française.

«Comme on disait autrefois aux enfants, la surprise, c’est qu’il n’y a pas de surprise! Le match Macron-Le Pen, ce match retour dont, paraît-il, les Français ne voulaient pas, aura bien lieu», assène Alexis Brézet dans Le Figaro.

Sans surprise, les quotidiens de gauche s’en désolent. «Cette fois, ça craint vraiment», titre Libération en Une sur fond noir, puis «Triste repetita» en page 2. «Pas elle», placarde L’Humanité, avec deux L figurés par les flammes du logo du Rassemblement national.

La surprise aurait été sans doute que Jean-Luc Mélenchon, donné initialement troisième et qui avait lui-même fait part de sa «déception», finisse par doubler Marine Le Pen en raison du comptage tardif du vote urbain, et cela a retardé nuitamment la publication de certaines Unes de journaux. Un coup de théâtre qui ne s’est finalement pas produit.

«Match retour», donc, c’est le titre du Télégramme et celui du Parisien/Aujourd’hui en France, agrémenté d’un «avantage Macron», comme pour un favori au football.

Plusieurs journaux annoncent sobrement en Une le mano a mano, illustré de l’effigie des deux finalistes: c’est «L’affrontement» (Nord éclair), «La confrontation» (La Croix) de deux candidats «De nouveau face à face» (Sud Ouest), «Le duel» (Les Echos, L’Est Républicain) ou «nouveau duel» (Le Figaro), voire «Le duel des valeurs» (Midi Libre).

«Clivage dangereux»

«Même affiche, autre duel», nuance toutefois La Voix du Nord en Une, ou «On prend les mêmes...», grince Corse Matin. Ci et là perce le désarroi de la population, tel que perçu par les éditorialistes.

«La disruption et le social-populisme se retrouvent face à face à l’issue d’un premier tour (presque) couru d’avance et d’une campagne atone, voire aphone. Comme si rien ne s’était passé pendant le quinquennat marqué par les événements les plus inquiétants que le pays ait connu depuis des décennies», s’alarme ainsi Sophie Leclanché dans La Montagne.

«Le clivage dangereux qui s’est installé lors de la dernière présidentielle se confirme», pointe Jérôme Chapuis dans La Croix, «comme si la France, longtemps ambidextre, se découvrait bipolaire», prolonge Jean-Pierre Dorian dans Sud Ouest.

Ou alors coupée en quatre, et difficile de «digérer ce quatre-quarts», composé des parts «abstentionnisme, extrême droite, gauche radicale et centrisme de droite et de gauche», grimace Laurent Bodin (L’Alsace), nouvelle recette qui remplace un «ancien monde lessivé», comme Sébastien Georges titre son édito dans L’Est Républicain. «Duel inchangé dans un paysage bouleversé», résume en Une La Marseillaise.

Principales victimes de ce «demi-siècle de politique française effacé» selon la formule de Nicolas Beytout (L’Opinion): le Parti socialiste et Les Républicains, «canards sans tête capables de courir encore quelques mètres avant de s’apercevoir qu’ils sont morts» (Stéphane Vernay, Ouest-France).

Marine Le Pen peut-elle désormais accéder à l’Elysée? La presse traduit la petite musique ambiguë de l’électorat vis-à-vis du front républicain. En témoigne ce dessin d’Urbs dans Sud Ouest, ironisant sur le mot d’ordre «Après avoir fait barrage, refaites barrage!», où l’on voit une personne accoudée au comptoir, verre de rouge à la main, qui lance au barman ébaubi: «Ils nous prennent pour des castors?»

Politiquement, «le problème pour le chef de l’Etat, qui a favorisé l’explosion du paysage politique, est de savoir sur qui s’appuyer au second tour», constate Hubert Coudurier dans Le Télégramme, estimant que si Marine Le Pen «ne rate pas son oral de rattrapage lors du débat des finalistes, l’Elysée est à portée de main». «Macron-Le Pen, vers un deuxième tour serré», titre d’ailleurs Centre Presse en Une.

«Monter sur le ring»

La candidate RN s’est normalisée, juge Géraldine Baerh-Pastor (L’Union), à l’édito titré «Comment Marine fait oublier Le Pen», et d’après Pascal Coquis (Dernières Nouvelles d’Alsace), Emmanuel Macron «n’est pas à l’abri d’un report du vote populaire qui s’est dans un premier temps porté sur Mélenchon mais qui pourrait en partie fort bien migrer vers Le Pen».

Le président sortant «bénéficie d’un collier d’immunité: la guerre en Ukraine l’aurait empêché d’entrer dans les débats, de défendre un bilan ou de présenter un programme. Il l’a joué au premier tour, il ne pourra pas s’en servir pour le second. Il va falloir monter sur le ring», affirme David Guévart dans un édito du Courrier Picard malicieusement titré «Macron à la peine».

«Rien n’est joué!», a lancé le candidat LREM à l’issue de son discours dimanche soir, mais pour Jean-Marcel Bouguereau (République des Pyrénées), «espérons qu’il ne cédera pas à sa pente naturelle, celle de l’arrogance».

Emmanuel Macron n’est pas exempt de responsabilités dans la présence de Marine Le Pen au second tour, estiment plusieurs éditorialistes, Dov Alfon énonçant même qu’il aura «contribué plus que tout président avant lui à la normalisation du discours populiste d’extrême droite en France». Et pour le journaliste de Libé, il s’agit là d’une «dédiabolisation aussi rassurante qu’une reconversion d’Hannibal Lecter dans la restauration».

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