Les taux «demeurent juste au-dessous d’un niveau qui serait neutre pour l’économie», indique le président de la Réserve fédérale américaine.
Le président de la Banque centrale américaine a fait fi mercredi des critiques de Donald Trump sur les décisions de politique monétaire, jugeant au contraire pertinente la poursuite de la hausse des taux d’intérêt dans une économie dynamique.
L’administration américaine a confirmé plus tôt une solide croissance économique de 3,5% au troisième trimestre malgré une consommation des ménages, traditionnelle locomotive de la première économie mondiale, moins soutenue.
Et, Jerome Powell s’attend toujours à un rythme soutenu pour l’ensemble de l’année combiné à un taux de chômage historiquement bas. Ces données le confortent dans l’idée de poursuivre, pour l’heure, les hausses des taux d’intérêt après les trois déjà entérinées cette année.
«Les taux d’intérêt sont toujours bas si l’on prend les critères historiques et ils demeurent juste au-dessous (...) d’un niveau qui serait neutre pour l’économie, c’est-à-dire sans stimuler, ni ralentir la croissance», a-t-il observé dans un discours devant le Club économique de New York.
Ces commentaires, qui interviennent au lendemain de vives critiques du président républicain accusant la Fed de commettre une erreur en augmentant ses taux, ont été immédiatement salués sur les marchés qui attendaient des détails sur ce fameux «taux neutre» et ont voulu voir dans les propos de M. Powell le signe d’un ralentissement du rythme de resserrement des taux.
Les spécialistes sont très partagés sur ce qu’est concrètement un tel taux pour une économie donnée. S’agissant des Etats-Unis, les économistes évoquent un taux autour de 3%. Le taux d’intérêt directeur fixé par la Fed est actuellement de 2,25%.
Jerome Powell a également rappelé que le Comité monétaire avait estimé il y a environ trois ans que «des taux extraordinairement bas» n’étaient plus dans l’intérêt des ménages, des entreprises, des épargnants et des emprunteurs.
Il a en outre insisté sur le fait que le rythme de «hausses graduelles» des taux a été conçu pour équilibrer les deux risques: ni trop de stimulation, ni ralentissement. Il a également souligné que les responsables de la Fed scrutaient minutieusement les données économiques avant de prendre une quelconque décision.
«La Fed est à côté de la plaque», avait pourtant déploré mardi Donald Trump, regrettant d’avoir nommé Jerome Powell à ce poste clé pour l’économie.
Le locataire de la Maison Blanche est loin d’être le seul à s’inquiéter du resserrement des taux d’intérêt par la Fed après presque une décennie d’argent quasiment gratuit.
Certains économistes redoutent que cette politique ne tue une économie presque parfaite, avec une progression du PIB soutenue, un chômage à 3,7%, le plus faible depuis 48 ans, et une inflation maîtrisée.
Pour l’heure, le département du Commerce a confirmé mercredi une croissance soutenue de 3,5% pour la période juillet-août-septembre. Il s’agit toutefois d’un net ralentissement par rapport au trimestre précédent, qui avait inscrit un plus haut en quatre ans à 4,2%.
Dépasser les 3% d’expansion était l’un des objectifs de la campagne de 2016 et le président républicain Donald Trump devrait y parvenir cette année.
Mais les économistes anticipent un ralentissement en 2019 à mesure que le stimulus fiscal et budgétaire va s’estomper. Ils redoutent aussi les effets de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et ses partenaires dont la Chine.
Pour la période d’été, c’est d’ailleurs le commerce essentiellement qui explique le ralentissement. La baisse des exportations des biens et services américains est d’ailleurs plus marquée qu’initialement estimée en octobre (-4,4% contre 3,5%).
Les importations, qui représentent un coût pour le PIB (-1,36 point) pour la période juillet-août-septembre, ont, elles, augmenté encore plus fortement (+9,2% contre 9,1% estimé en octobre) malgré les taxes douanières supplémentaires imposées par la Maison Blanche sur les importations d’acier et d’aluminium et des milliards de dollars d’importations chinoises.
Ceci s’explique par des achats par anticipation en juillet et en août avant l’imposition de la deuxième salve de tarifs douaniers sur les produits chinois imposée en septembre.
La Banque centrale américaine (Fed) table sur une croissance du PIB de 3,1% cette année. Si cette hausse se concrétisait, la croissance des Etats-Unis serait la plus rapide du cycle d’expansion actuel qui est aussi l’un des plus longs puisqu’il est entré dans sa dixième année en juillet dernier.
Son Comité monétaire doit se réunir les 18 et 19 décembre pour décider d’une éventuelle nouvelle hausse.
De son côté, Donald Trump doit rencontrer son homologue chinois Xi Jinping en marge du G20 de Buenos Aires en fin de semaine pour tenter de désamorcer la guerre commerciale. Le président américain avait jugé mardi qu’il y avait «une bonne chance» qu’un accord soit conclu avec Pékin.
«Aujourd’hui, les prix des marchés des actions correspondent globalement aux références historiques» comme le ratio entre le prix d’une action et les bénéfices futurs de l’entreprise qui l’a émise, a souligné M. Powell. «D’un point de vue de la stabilité financière nous ne voyons pas aujourd’hui de dérives dangereuses sur le marché des actions», a-t-il souligné.
Il a insisté sur le fait qu’il fallait distinguer entre la volatilité du marché --des soubresauts dans un sens ou dans l’autre-- «d’événements qui peuvent menacer la stabilité financière».
Dans son discours, qui reprend pour une bonne partie les thèmes du premier rapport sur la stabilité financière de la Fed publié peu auparavant, M. Powell a estimé que «de manière générale les facteurs pouvant fragiliser la stabilité financière sont à un niveau modéré».
L’enseignement à tirer de ce rapport, c’est qu’»il y a un certain nombre de choses sur lesquelles il faut garder un oeil, mais tout bien considéré vous êtes en bonne santé», a-t-il plaisanté.
Le rapport sur la stabilité financière expliquait qu’en cas de choc provoqué par une escalade des tensions commerciales, l’incertitude géopolitique ou autre, la chute des prix des actifs pourrait être «particulièrement importante, parce que leur valeur semble relativement élevée en comparaison avec leur niveau historique».
Le patron de l’institut d’émission a jugé pour sa part «que l’aspect le plus important de la stabilité financière est la solidité du système financier et il s’est montré satisfait, dix ans après la crise financière.
«Les risques de mouvements déstabilisants sont bien plus faibles que par le passé. Les institutions au coeur du système financier sont plus résistantes», a-t-il souligné.