L’ex-ministre des Finances Philip Hammond (conservateur), opposé à un «no deal», a qualifié la suspension du Parlement de «scandale constitutionnel».
Le Premier ministre britannique Boris Johnson a décidé mercredi de suspendre le Parlement pendant cinq semaines jusqu’au 14 octobre, soit deux semaines seulement avant la date du Brexit, mettant en fureur ceux qui, parmi les députés, espéraient bloquer une sortie sans accord de l’UE.
La livre sterling a chuté de 0,6% face à l’euro et au dollar à la suite de cette nouvelle, qui a renforcé l’hypothèse d’un «no deal», faisant craindre des pénuries et le rétablissement de droits de douane.
Mardi soir, plusieurs centaines de personnes ont manifesté contre la suspension, devant le Parlement puis Downing Street où est installé le Premier ministre, a constaté un journaliste de l’AFP.
Si le Parlement britannique est habituellement suspendu en septembre en raison des congrès annuels des partis, l’extension de cette suspension jusqu’au 14 octobre, a été jugée de «scandale constitutionnel» par le président de la Chambre basse, John Bercow.
«C’est un scandale et une menace pour notre démocratie», a aussi réagi Jeremy Corbyn, le chef du Labour, le principal parti d’opposition. M. Corbyn a écrit à la reine pour lui demander un entretien, selon une source au sein du Labour.
Il espère obtenir le soutien des députés pour déposer une motion de censure contre le gouvernement, mais devra désormais y parvenir avant la suspension.
«Ça va être très compliqué pour Jeremy Corbyn (...) d’obtenir un vote de défiance (...) d’autant plus que Boris est exactement ce que le Royaume-Uni cherchait», s’est réjoui sur Twitter le président américain Donald Trump qui a, à plusieurs reprises, fait miroiter un accord de libre-échange ambitieux avec le Royaume-Uni après le Brexit.
«Je pense que ce que le président américain veut dire, c’est que Boris Johnson est exactement ce que lui recherchait, un Premier ministre docile qui remettra les services publics britanniques aux mains des entreprises américaines», a rétorqué Jeremy Corbyn sur Twitter.
Dans les rangs conservateurs modérés, la suspension a aussi été dénoncée : l’ex-ministre des Finances Philip Hammond, opposé à un «no deal», l’a qualifiée de «scandale constitutionnel».
Et selon plusieurs médias, la populaire cheffe du parti conservateur écossais, Ruth Davidson, s’apprêterait à démissionner. Avec sa personnalité charismatique et son homosexualité revendiquée, la quarantenaire avait pourtant réussi à redonner un nouveau souffle au Parti conservateur en Ecosse.
Boris Johnson s’est défendu en affirmant sur la chaîne Sky News que le calendrier fixé «laissera amplement le temps aux députés de débattre de l’UE et du Brexit».
Il a justifié sa décision par la préparation puis la présentation de son programme en tant que nouveau Premier ministre.
Pour Maddy Thimont Jack, analyste au groupe de réflexion Institute for Government, si cette suspension n’est pas «inhabituelle», c’est «le timing» qui pose problème, en limitant les possibilités des députés de bloquer un «no deal». «Mais il est encore temps pour les députés de présenter un texte de loi la semaine prochaine et de l’adopter avant la suspension», a-t-elle dit à l’AFP.
Boris Johnson a demandé mercredi à la reine Elizabeth II, qui a accepté, de suspendre le Parlement après les débats du 9 septembre et jusqu’au 14 octobre. La session reprendra avec le traditionnel discours de la Reine, dans lequel elle expose le programme du gouvernement.
«Les semaines précédant le Conseil européen (17 et 18 octobre, ndlr) sont vitales pour mes négociations avec l’UE», a-t-il souligné, ajoutant : «En montrant unité et détermination, nous avons une chance de décrocher un nouvel accord qui puisse être adopté par le Parlement».
La date du retour a été choisie le 14 octobre pour que le Parlement siège avant le Conseil européen et puisse, en cas d’un nouvel accord avec l’UE, adopter la loi nécessaire à sa ratification avant le 31 octobre, selon un communiqué gouvernemental.
Les députés ont déjà rejeté trois fois l’accord de sortie de l’UE conclu avec le gouvernement précédent de Theresa May. Mais ils n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la forme que doit prendre le Brexit, voté en juin 2016 par 52% des Britanniques.
Londres et l’UE s’opposent en particulier sur le sort de la future frontière irlandaise, qui séparera le Royaume-Uni du marché unique européen. Mercredi, le négociateur en chef de la commission européenne, Michel Barnier, s’est dit «toujours prêt à étudier» les propositions britanniques.