Gonet: l'actualité des marchés au 6 mai

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow -3,12%, S&P 500 -3,56%, Nasdaq -4,99%, Russell 2000 -4,04%, SOX -5%, Eurostoxx -0,76%, SMI -0,03%.

Wall Street paie très cher pour apprendre. Apprendre à modérer ses ardeurs, apprendre à réfléchir avant d’agir et apprendre à ne pas baisser sa garde si vite. La forte hausse des indices d’actions de mercredi est rapidement annulée dès l’entame de la séance hier. L’enthousiasme généré par la détermination affichée par Jerome Powell à ne pas monter les taux de 75 points de base en juin n’aura donc pas tenu 24 heures. L’indice S&P500 (SPX), qui avait récupéré le niveau de 4300 points mercredi soir, se retrouve à nouveau en défense et parvient mine de rien à sauver son support de 4114 points, après être descendu dangereusement à 4106 en séance, clôture à 4146 points. Le Nasdaq100 (NDX) souffre particulièrement et réalise sa plus mauvaise clôture depuis septembre 2020. On n’observe que très peu d’acheteurs sur faiblesse alors que les volumes d’échanges restent limités. Aucune panique à signaler donc, la capitulation n’est toujours pas de mise dans les salles de marchés. En revanche, de nombreux intervenants se protègent à nouveau, mieux vaut tard que jamais… du coup la volatilité décolle, le VIX progresse de 22,8% à 31,20, pour rappel le niveau de 36 – 38 constitue probablement une résistance solide en l’état. Les ventes se produisent sur tous les segments de la cote et c’est le troisième «90% down day» du NYSE en deux semaines, ça fait un peu beaucoup là… Je vous passe le breadth (l’écart entre les titres clôturant en hausse par rapport à ceux en baisse), qui approche les 100%...

Mais que s’est-il donc passé pour que le sentiment du marché passe de quasi euphorique à carrément déprimé? On peut envisager que des fonds aient été forcés de liquider des positions en actions en raison de paramètres de risques déclenchés après les annonces de la Fed. Ceci dit, il faut aussi regarder du côté du marché obligataire avec un rendement du 10 ans US qui vient tester 3,10% en séance (3,06% ce matin) et ça, c’est précisément ce que les intervenants en actions abhorrent, des taux obligataires qui montent trop vite. Le spectre de l’inflation continue de hanter le marché des bonds et à raison, la publication du coût du travail au premier trimestre fait mal, qui sort hier à 11,6% contre des attentes à 10%. En parallèle, la statistique de la productivité du travail recule plus fortement que prévu sur la même période, et paf le retour des craintes de stagflation! Cerise sur le gâteau, le marché des Fed Funds refuse de croire Jerome Powell, il price encore 87,1% de probabilités d’une hausse de 75 points de base en juin. Un marché qui n’a pas confiance dans la Fed est un mauvais signe, il lui faut un capitaine (respecté) à bord.

Une source supplémentaire d’inquiétude surgit des résultats de sociétés, de nombreuses firmes de commerce électronique ratant les attentes ou émettant des prévisions pessimistes (Shopify SHOP -14,9%), eBay (EBAY -11,7%), Etsy (ETSY -16,8%), Wayfair (W  -25,7%). D’ailleurs, en parlant de commerce, l'inflation pourrait également finir par éloigner les consommateurs des magasins... la fréquentation des magasins de détail aux États-Unis a diminué de 10,9% la semaine dernière par rapport à l'année précédente. Les enseignes de «home improvement» et les magasins d'ameublement, avec une baisse de 24,8% et les magasins de vente au détail, avec une baisse de 18%, enregistrent les plus forts reculs.

Dans un tel contexte, c’est sans surprise que le dollar se renforce, la paire EUR/USD revient à 1,0517. Le pétrole reste demandé, le baril de WTI Light Crude traite à 108,90 dollars. L’or redescend à 1876 dollars par once.

La chute des marchés US d’hier est aussi exacerbée par le poids des FAANGs, qui se prennent toutes les pieds dans le tapis, elles détestent que les taux décollent si rapidement (TSLA -9%, AMZN -8%, FB -7%, AAPL -6%, MSFT -5%, GOOG -5%).

La poussière retombe doucement sur les indices ce matin et on se demande ce qui a bien pu changer en 24 heures, pour que la psyché collective dérape autant. Well... hormis le fait avéré une fois de plus que le marché reste extrêmement nerveux, le décor reste le même. L’inflation est la grande méchante du moment, elle pèse sur l’économie de la planète alors que les banques centrales n’ont guère d’autre choix que d’appuyer sur la pédale de frein. On le sait depuis longtemps, la croissance des bénéfices de sociétés est en train de se normaliser et certains actifs continuent de corriger leur excès. Le marché a donc désespérément besoin / envie de savoir quand l’inflation atteindra son pic. En parallèle, la croissance questionne et ça tombe bien car cet après-midi sera publié le très important rapport américain sur l’emploi au mois d’avril. Inutile de rappeler que le consommateur est clé dans le calcul du PIB d’une économie.

Résumons: l’inflation reste le principal souci du marché, qui doute quant à la croissance économique mondiale, tout en déplorant que la croissance des bénéfices de sociétés ne soit pas aussi bonne qu’il le souhaiterait (alors qu’elle reste tout à fait correcte mais le marché est un capitaliste glouton). La guerre en Ukraine reste un facteur X (inflation et chaine d’approvisionnement), tout comme le covid en Chine (confinements – chaine d’approvisionnement). Le marché des actions n’apprécie guère que son grand frère obligataire fasse décoller ses taux si rapidement, ce qui remet en question l’acronyme TINA (There Is No Alternative…but stocks). Et les sacro-saintes liquidités prodiguées par les banques centrale (Fed en tête) depuis 2009 sont en voie d’extinction rapide. Dans un tel contexte, mieux vaut faire un pas en arrière et attendre sagement que la poussière retombe, elle retombe toujours en fin de compte.

Les données d'avril sur l'emploi aux États-Unis devraient montrer une croissance solide mais ralentie, et une pression sur les salaires à un rythme annuel de 5,5%. Les emplois non agricoles ont probablement augmenté de 380’000 contre 431’000 en mars. Selon l’agence Bloomberg, les dernières rumeurs font état de 321’000. Les chiffres peuvent indiquer un ralentissement de la demande dans certains des secteurs les plus sensibles aux taux d'intérêt de l'économie, tels que les industries liées au logement, écrit Bloomberg Economics.

L'offre de rachat de Twitter par Elon Musk fait l'objet d'un examen antitrust par la FTC, en plus d'une enquête visant à déterminer si le milliardaire aurait dû divulguer sa participation initiale de 9%.

La production industrielle allemande (sortie nettement en-dessous des attentes) et les chiffres de l'emploi américain d'avril (14h30) sont au programme du jour.

Geberit: Baader Helvea reste à accumuler avec un objectif réduit de 621 à 598 francs. Landis+Gyr: Credit Suisse reprend la couverture à neutre. Schindler: Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 240 à 195 francs. Swiss Re: Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 103 à 99 francs. AXA: croissance minime au premier trimestre. Les objectifs du plan 2023 restent d'actualité. Adidas: les objectifs sont revus en baisse à cause de l'impact des confinements en Chine. Leonardo: le groupe de défense italien confirme ses prévisions après une hausse des commandes et des bénéfices de base au premier trimestre. La Chine demande à ses entreprises d'État de remplacer les ordinateurs étrangers. Novartis suspend la production de deux médicaments en Italie et aux Etats-Unis pour des problèmes de qualité. Boeing va transférer son siège social de Chicago à Arlington, en Virginie. Shopify va acheter la société de logistique Deliverr pour 2,1 milliards de dollars.

Bon café à toutes et tous! Une demi-tonne de cocaïne saisie par la police fribourgeoise chez Nespresso (Nestlé).

Cette nuit et ce matin en Asie, on semble manquer de capsules Nespresso, les indices reculent significativement, hormis Tokyo qui revient de son congé et progresse de 0,69%. Hong Kong perd 3,74%, Shanghai abandonne 2,01% et Séoul perd 1,23%. Le future SPX traite autour de l’équilibre tout comme l’Europe, qui ouvre relativement inchangée, elle reste défensive dans ce contexte d’indices US fragilisés.

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