Gonet: l'actualité des marchés au 5 mai

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow +2,81%, S&P 500 +2,99%, Nasdaq +3,19%, Russell 2000 +2,69%, SOX +3,90%, Eurostoxx -0,96%, SMI -1,01%.

Wall Street passe la majeure partie de sa journée à rêvasser, puis vient le moment Jerome Powell, le seul et unique véritable MC de la finance mondiale, j’y reviens. En ce jour de Fed, le marché prend acte du relèvement de 50 points de base par la Réserve Fédérale, c’était attendu. La nouvelle fourchette de taux se situe désormais entre 0,75% et 1%. Il s’agit donc du plus important tour de vis monétaire depuis mai 2000. La Fed va en outre commencer à réduire la taille de son bilan gargantuesque dès le premier juin, à raison de 47,5 milliards de dollars par mois. C’est ce qu’on appelle désormais le QT ou Quantitative Tightening, à l’opposé du QE ou Quantitative Easing. Inversion totale donc de la dynamique d’achats d’actifs qui ont permis au marché à l’économie de traverser tant de turbulences depuis 2009. Rendez-vous compte, le bilan de la Fed est monté à 9'000 milliards de dollars, soit 8'000 milliards de plus que peu avant la crise des subprimes. Il va falloir être très patient avant de revenir à ce niveau d’un autre temps. Je note que le FOMC décide la hausse d’hier soir à l’unanimité, ça ne peut pas faire de mal, et que ces hausses de 50 points de base se poursuivront à chaque réunion, aussi longtemps que dame inflation nous fera grâce d’une présence trop voyante. Jerome Powell indique que l’économie des Etats-Unis est capable d’encaisser ces uppercuts, que ce ne sera pas plaisant mais que ce processus permettra à tout le monde de se porter mieux.

Jerome Powell est donc le seul et unique MC du marché. En une seule phrase, le boss de la Fed se met la quasi-totalité de la planète finance dans la poche, en écartant simplement l’éventualité d’une hausse de 75 points de base lors de la réunion de juin. Rappelons ici que dernièrement, des membres du board de la Fed avaient laissé planer une telle éventualité, une façon de permettre au patron de la démentir? Quoi qu’il en soit, le scénario du pire du marché est donc écarté par la Fed elle-même, ce qui envoie brutalement les ours dans les cordes et les met KO d’un coup. Le marché est ainsi fait et tellement dépendant des liquidités de la Fed, qu’il ne regarde que cela: pas de hausse de 75 points de base dans un mois. On préfère ne pas penser aux effets sur l’économie et le consommateur que les hausses répétées à venir produiront, notamment dans le cadre de l’achat d’un logement individuel. En résumé, hier soir Jerome Powell a conquis (à nouveau) le cœur du marché, alors qu’il lui expliquait tranquillement qu’il est en train de lui couper les vivres, chapeau l’artiste!

Résultat des courses, le marché des actions se met en mode Space-X dès le discours de Jerome Powell, il ne regardera plus dans le rétroviseur jusqu’à la cloche. Les 11 principaux secteurs du SPX terminent la séance dans le vert avec, sur le podium, l’énergie, les services de communication et la technologie. L’indice S&P500 (SPX) en profite pour récupérer le niveau de 4300 points, il regarde ensuite 4374 (sa moyenne mobile à 50 jours) puis la zone de 4477 – 4491 points (la 100 et la 200 jours). Sur le front du support, on peut considérer que 4114 est le principal niveau à regarder, il s’agit du bas en séance du 24 février, jour de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Assez logiquement, le rendement de l’emprunt US à 2 ans recule de 15 points de base et revient à 2,61%, ce matin il est remonté à 2,68%, on calme quelque peu sa joie dans les chaumières du marché. Le 10 ans reste stoïque, il évolue à 2,95% alors que le 30 ans ne bouge guère, son rendement se maintient à 3,03%. La courbe des taux US n’est plus inversée, les rendements réels reculent légèrement mais se maintiennent en territoire positif (0,07%), on peut dire que le marché obligataire calme le jeu.

La volatilité se prend les pieds dans le tapis et chute de 13%, le VIX revient à 25,42. Notons ici que ce niveau, même s’il est nettement inférieur au 36,60 observé lundi, reste tout à fait décent pour qui souhaite se pencher sur les produits structurés. Le dollar rend du terrain, l’appétit au risque est de retour et la Fed va monter les taux moins agressivement que prévu, la paire EUR/USD traite ce matin à 1,0600. L’or repart vers le nord, l’once traite autour de 1900 dollars sur le repli des taux réels, à suivre de près. Le pétrole retrouve des couleurs, le baril de WTI Light Crude revient à 108,31 dollars, la Commission européenne a proposé d'éliminer progressivement les importations de pétrole brut russe au cours des six prochains mois et les produits pétroliers raffinés d'ici la fin de l'année.

La qualité du rallye d’hier soir est discutable, on observe surtout des acheteurs en ETFs et en options, peu d’investisseurs reviennent en force dans les lignes directes d’actions. De plus, les stratégies de couverture (hedging) encore en place hier disparaissent comme neige au soleil, attention à une gueule de bois potentielle. D’ailleurs, le TICK Index, qui permet de mesurer le sentiment du marché à court terme, explose hier, à 1800 points, il nous indique que le marché est devenu subitement (et à court terme) suracheté.

La Banque d’Angleterre (BOE) devrait relever aujourd'hui ses taux, les plus élevés depuis 13 ans, et préciser comment elle envisage de vendre une partie de ses 847 milliards de livres d'obligations d'État. Les traders parient que la banque va accélérer son cycle de resserrement, les swaps liés aux dates de réunion prévoyant un resserrement de 125 points de base d'ici septembre. Cela implique trois hausses d'un quart de point et une hausse d'un demi-point au cours de ses quatre prochaines réunions.

Janet Yellen prévoit une croissance américaine solide pour l'année à venir, avec un possible atterrissage en douceur de l'économie.

Les forces russes sont enlisées, ralenties par des problèmes de lignes d'approvisionnement et de moral dans le sud et l'est de l'Ukraine, déclare John Kirby, porte-parole du Pentagone. Joe Biden consultera les alliés du G-7 cette semaine au sujet de nouvelles sanctions potentielles contre la Russie. Plus de 300 civils ont été évacués de Marioupol dans le cadre d'une nouvelle «opération de passage sécurisé», selon l'ONU. Boris Johnson rencontre son homologue japonais Fumio Kishida à Londres aujourd'hui et devrait discuter d'un plan visant à aider les nations asiatiques à se détourner du pétrole et du gaz russes.

Au menu macro-économique du jour, le point d’orgue sera la décision de la Banque d'Angleterre sur sa politique monétaire à 13h00. Aux Etats-Unis, l'étude Challenger sur les licenciements (13h00) les données hebdomadaires sur l'emploi (14h30) sont au programme.

Geberit: Jefferies reste à sous performance avec un objectif de cours réduit de 473 à 461 francs. Gurit: UBS passe de vendre à neutre en visant 130 francs. Novartis: Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 85 à 90 francs. Roche: Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 450 à 430 francs. Crédit Agricole: la banque améliore ses résultats mais provisionne 389 millions d’euros sur la Russie. Société Générale: les résultats sont plus élevés que prévu. La banque prévient que le coût de la guerre en Ukraine se traduit par une hausse des créances douteuses. BMW: le bénéfice du premier trimestre est dopé par la coentreprise chinoise et des prix élevés. eBay: le titre chute de 6,5% hors séance après la publication de ses résultats. Swiss Re: le réassureur subit une perte au premier trimestre. Zalando: les prévisions sont abaissées après des pertes au premier trimestre.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en ordre dispersé. Tokyo est fermée, Shanghai progresse de 0,71%, Hong Kong gagne 0,48% et Séoul rend 0,11%. Le future SPX évolue en très léger repli et l’Europe ouvre hausse d’un peu plus de 2%, elle rattrape son retard d’hier soir par rapport à Wall Street.

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