Gonet: l'actualité des marchés au 6 décembre

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow -1,40%, S&P 500 -1,79%, Nasdaq -1,93%, Russell 2000 -2,78%, SOX -1,20%, Eurostoxx -0,54%, SMI -0,03%.

Wall Street, c’est un peu comme le jeu de l’échelle, on croit être sur le point de gagner et paf… le toboggan! Le marché débute sa semaine plutôt mal, la faute à une statistique macro plutôt bonne (je sais…) et à l’organe de propagande de la Fed au chef économiste en charge de couvrir la Fed au Wall Street Journal, Nick Timiraos, qui tweet que «les responsables de la Fed ont clairement annoncé leur intention d’augmenter les taux de 50 points de base lors de leur réunion de la semaine prochaine. Des pressions salariales élevées pourraient brouiller le débat sur 50 contre 25 bps en février et amener les responsables à prévoir davantage de hausses l’année prochaine». Et voilà, comme la Fed est entrée en période de black-out (Jerome Powell et ses collègues doivent se taire jusqu’au prochain FOMC du 14 décembre), ils envoient leur pigeon voyageur calmer la foule de taureaux en délire… Nick Timiraos nous rappelle donc que les taux pourraient monter plus que prévu pour une période plus longue qu’attendu. En parallèle, hier l’indice ISM des services accélère vers le nord en novembre. Il bat nettement les attentes et s’enfonce en territoire expansionniste, suggérant qu’une partie importante de l’économie des Etats-Unis reste résiliente.

Dans un tel contexte, il eût été quasiment incompréhensible que les indices d’actions progressent vers le haut. Les Fed Funds s’attendent du coup à nouveau à un taux terminal au-dessus de 5%, mais continuent ceci dit de prévoir une hausse de 50 points de base le 14 décembre. Le dollar s’enhardit quelque peu, le Dollar Index (DXY) revient à 105,40, mais reste en-dessous de sa moyenne mobile à 200 jours. La paire EUR/USD revient à 1,0500, elle traite ceci dit nettement au-dessus de sa 200 jours. Le billet vert reste donc dans les cordes, il en faudra plus pour le remettre en selle chers ours… Le rendement de l’emprunt US à 10 ans passe de 3,52% à 3,59%, la courbe des taux 2 / 10 ans s’inverse encore un peu plus, à -80 points de base, on n’avait plus vu cela depuis 1981 (quelqu’un peut m’expliquer cette poursuite d’inversion alors qu’une statistique macro vient de dire que l’économie se porte plutôt bien?). L’or repasse sous la barre des 1800 dollars par once, le métal jaune revient aussi en-dessous de sa 200 jours, cours actuel 1772 dollars. Quant au pétrole, il redescend à 77,49 dollars le baril de WTI Light Crude, même si l'OPEP+ accepte de maintenir son objectif de réduction de la production de 2 millions de barils par jour à partir de novembre et jusqu'à la fin de 2023. Par ailleurs, l'UE et ses alliés acceptent de plafonner le prix du pétrole russe à 60 dollars le baril.

L’indice S&P500 (SPX) clôture juste en-dessous de la barre symbolique des 4'000 points, il repasse au passage sous sa moyenne mobile à 200 jours et reste du coup dans son canal baissier entamé en janvier de cette année. On le savait, de nombreuses classes d’actifs flirtent actuellement avec leur 200 jours, le marché est en plein money time technique, ce n’est pas un combat qui se gagne en un jour. Les volumes d’échanges sont faibles hier, avec 9,74 milliards de titres traités sur le NYSE, tandis que la volatilité repasse au-dessus de 20, le VIX avance de 8,9%. Au chapitre des secteurs, on retiendra que tous terminent la séance sous l’eau, avec une mention spéciale à la consommation discrétionnaire, à l’énergie et aux financières, qui nous font une «Jacques Mayol». La volonté de plus en plus apparente et affichée de Pékin de calmer le jeu du covid en relâchant la pression sur son peuple n’y fait rien, c’est la Fed et rien que la Fed qui compte au final, ne perdons jamais cela de vue.

Un mot sur les bancaires américaines, qui reculent pour la troisième session consécutive, les investisseurs continuant à se demander si les hausses agressives de la Fed ne conduiront pas à une récession aux États-Unis. Michael Barr déclare que la banque centrale envisage de modifier son test de résistance annuel des banques, qui est utilisé pour déterminer le montant du capital que les prêteurs peuvent restituer aux actionnaires. Autant dire que cela déplait au marché (GS -2,38% MS -2,54% JPM -2,80% BAC -4,46% WFC -4,93% C -3,41%).

Les États-Unis aideront l'Ukraine alors qu'elle entre dans «un hiver brutal», déclare Ron Klain, chef de cabinet de la Maison Blanche. L'administration rencontre des dirigeants du secteur de l'énergie jeudi pour discuter des moyens d'aider Kiev à renforcer ses infrastructures électriques endommagées par la guerre. Moscou inpute à Kiev la responsabilité des explosions sur deux bases aériennes russes situées à l'intérieur de ses frontières, qui ont fait au moins trois morts. Vladimir Poutine prolonge jusqu'en 2023 l'interdiction faite aux investisseurs de pays «hostiles» de vendre des participations dans des actifs stratégiques russes.

Les États-Unis et l'Union européenne envisagent d'imposer de nouveaux droits de douane sur l'acier et l'aluminium chinois dans le cadre de la lutte contre les émissions de carbone et la surcapacité mondiale, selon l’agence Bloomberg. Cette mesure constituerait une approche novatrice, les États-Unis et l'Union européenne déployant des droits de douane pour faire avancer leur programme climatique. Un accord ne devrait pas être conclu avant la fin de l'année prochaine, au plus tôt.

Pékin va supprimer à partir d'aujourd'hui les exigences relatives aux tests Covid dans les supermarchés, les immeubles de bureaux et la plupart des autres lieux publics de la capitale. Les résidents doivent toujours fournir des résultats négatifs aux tests PCR effectués au cours des dernières 48 heures avant d'entrer dans les bars, les restaurants et les écoles. La Chine signale moins de cas de Covid, car la vague qui a commencé à s'accélérer le mois dernier semble s'essouffler.

Au menu macro-économique du jour, petite journée en perspective, avec les commandes d'usines allemands d'octobre à 8h00 (sorties nettement au-dessus des attentes), et c'est à peu près tout. Cette nuit, la banque centrale australienne a relevé son principal taux directeur à 3,1%, comme le prévoyait la majorité des économistes. La RBA a précisé que la pente restait à la hausse, mais sans prédétermination.

S&P relève la note de crédit de LVMH d'un cran, à «AA-», perspective stable. Air Liquide signe un accord pour céder son activité à Trinité-et-Tobago à Massy Gas Products Holding. Porsche AG remplacera Puma dans le DAX. L'armée américaine attribue à Textron le contrat de remplacement des hélicoptères Black Hawk. Xavier Niel, actionnaire de Vodafone, réclame une nouvelle feuille de route pour rationaliser les opérations au moment du changement de CEO de l'opérateur. PepsiCo pourrait supprimer des centaines d'emplois administratifs, selon le Wall Street Journal. Microsoft propose à Sony un contrat de 10 ans pour Call of Duty, conditionné à l'approbation de l'acquisition d'Activision Blizzard. Implenia remporte un grand projet d'infrastructure complexe en Allemagne. Pfizer et BioNTech demandent au tribunal américain de rejeter la plainte pour violation de brevet du vaccin COVID-19 de Moderna. Butterfield, le PDG de Slack, quitterait Salesforce. BlackRock et Schlumberger détachent des dividendes.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en ordre dispersé. Tokyo grappille 0,24% à la cloche, Hong Kong perd 0,77%, Shanghai est à l’équilibre et Séoul rend 1,08%. Le future SPX se bat avec son niveau de 4000 points et l’Europe ouvre en en baisse de 0,2%.

La Chine attire de plus en plus l’attention. Après de nombreux faux départs, les investisseurs espèrent à juste titre que Pékin est enfin prêt à commencer à revenir sérieusement sur sa suite draconienne de politiques zéro-Covid. L'indice Hang Seng China Enterprises grimpe de 5,2% en décembre, après un gain de 29% en novembre. Les actions chinoises continuent cependant de sous-performer les autres grands marchés cette année. La valeur du MSCI China n'est qu'environ la moitié de ce qu'elle était au début de 2021. Le Wall Street Journal (WSJ) écrit que le processus de réouverture sera difficile et prendra presque certainement au minimum quelques mois. Le faible taux de vaccination parmi la population âgée de Chine pourrait entraîner une augmentation des décès de Covid. Si la situation se détériore suffisamment, certaines villes pourraient devoir instituer à nouveau des politiques de contrôle Covid beaucoup plus strictes pour ralentir la propagation et conserver les ressources hospitalières, en particulier avec le nord de la Chine actuellement en proie à l'hiver. Cela signifie que le rallye boursier à venir pourrait être vulnérable à des retournements soudains, même si la trajectoire globale des mois à venir semble être à la hausse. Les actions de consommation, qui ont été massacrées au cours des deux dernières années, se portent sans surprise particulièrement bien.  Mais le «revenge shopping» sera probablement moins important qu'aux États-Unis. Pékin, contrairement à Washington, n'a jamais remis de gros chèques de relance aux ménages et le marché du travail chinois, en particulier pour les jeunes, reste sinistré. Une autre question importante est de déterminer si la réouverture stimulera également le marché immobilier languissant de la Chine. Le gouvernement a renforcé le soutien politique au secteur, ce qui permet aux promoteurs financièrement plus solides d'emprunter de l'argent auprès des banques et de lever des fonds sur les marchés obligataires et boursiers. Toujours selon le WSJ, cela pourrait atténuer la crise de liquidité à laquelle sont actuellement confrontés même les meilleurs acteurs du secteur, mais cela ne stimulera pas directement les ventes de logements. L'abandon du zéro Covid aidera, mais il est trop tôt pour dire s'il suffira pour que le marché immobilier trouve vraiment ses marques. La fin du zéro Covid continuera de repousser dans la mêlée certains investisseurs qui ont abandonné le marché chinois au cours des deux dernières années. Mais une reprise soutenue dépend également d'une reprise incertaine du marché du logement et d'assez de chance pour éviter le genre de décès massifs qui pourraient forcer les dirigeants à un renversement dommageable une fois que le virus commencera à se propager plus largement.

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