Gonet: l'actualité des marchés au 1er décembre

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow +2,18%, S&P 500 +3,09%, Nasdaq +4,41%, Russell 2000 +2,72%, SOX +5,85%, Eurostoxx +0,77%, SMI +0,45%.

Je crois que je vais recommencer à croire au Père Powell Noël…

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la journée boursière d’hier débute en toute retenue. Personne ne se bouscule au portillon des tickets d’achats, ce d’autant plus que le CEO d’Amazon déclare que «les gens sont à l'affût de bonnes affaires». Il ajoute que «l'économie est beaucoup plus incertaine qu'on ne le pensait auparavant». Ce sont là des propos parfaitement calibrés pour faire peur au marché, peur que l’économie ne réalise un atterrissage brutal, clouée au sol par trop de hausses de taux de la Fed. Mais, mais mais mais… à 19h30, heure de Genève, Jerome Powell prend la parole… Le patron de la Fed indique que «la politique monétaire affecte l'économie et l'inflation avec des décalages incertains et les pleins effets de notre resserrement rapide jusqu'à présent ne se font pas encore sentir. Ainsi, il est logique de modérer le rythme de nos hausses de taux à mesure que nous nous approchons du niveau de restriction qui sera suffisant pour faire baisser l'inflation. Le moment de modérer le rythme des hausses de taux pourrait survenir dès la réunion de décembre». Ce sont là des propos nettement plus «colombe» qu’attendus, qui permettent au marché de croire à nouveau à un atterrissage en douceur de la première économie du monde. Et voilà, Jerome Powell, tel Robert Redford, recommence à susurrer aux oreilles du marché, ses propos d’hier résonnent comme un clair de lune de Claude Debussy aux oreilles d’un marché qui n’en demandait pas tant. On ignore superbement les avertissement glissés au passage, de type «la croissance des salaires ne montre que des tentatives de ralentissement» ou «nous avons besoin de plus de confirmations d’un ralentissement de l’inflation».

Et paf! Les ours sont mis KO hier soir comme rarement…

Le sentiment du marché tourne d’un coup, les shorts se couvrent massivement, les volumes d’échanges sur l’indice S&P500 (SPX) décollent de 80% par rapport à la moyenne des dix derniers jours et les indices se mettent en mode Space-X. Honneur au vénérable Dow Jones, qui revient en «bull market» à la cloche, il a progressé d’un peu plus de 20% depuis le 30 septembre, sa plus forte hausse sur deux mois depuis juillet 1938. Le SPX et le Nasdaq100 (NDX) n’y sont pas encore, qui ont récupéré 14,1% et 9,8% sur la même période. Les mastodontes de la cote prennent les choses en main et entrainent le marché avec eux (MSFT +6,16%, AAPL +4,86%, NVDA +8,21%, TSLA +7,67%, AMZN +4,46%, GOOG +6,3%, META +7,8%). Le podium du jour du SPX se compose de la technologie, des services de communication et de la consommation discrétionnaire, l’appétit au risque prend fermement les commandes, cela se voit dans le breadth, qui est impressionnant avec un +95% pour le SPX et +96% pour le NDX. La volatilité abandonne 6%, le VIX revient à 20,58, le dollar courbe l’échine, la paire EUR/USD revient à 1,0412, elle tente à nouveau de se distancier de sa moyenne mobile à 200 jours, qui se situe à 1,0370, c’est à suivre de près, un dollar qui s’affaiblirait encore plus serait bon pour la bourse américaine. Le pétrole reste sage et se maintient à 80 dollars le baril de WTI Light Crude, l’or profite pour sa part de la faiblesse du billet vert et remonte à 1777 dollars l’once. Le TICK Index atteint un niveau record à 2119, il confirme l’idée d’une demande refoulée extrême, qui se libère hier soir.

L'indice Nasdaq Golden Dragon China Index grimpe de près de 10%, portant la hausse de novembre à 42% et ajoutant 205 milliards de dollars en valeur de marché. Les fabricants chinois de véhicules électriques sont au centre de l'attention avec Nio +21,71% et Li +18,73% après que leur homologue XPeng +47,28% ait annoncé des marges au troisième trimestre supérieures aux estimations.

La hausse du SPX entamée à la mi-octobre était fondée sur l’idée que la Fed est désormais en position de ralentir le rythme de ses hausses de taux, ce que Jerome Powell confirme hier soir. Les Fed Funds prévoient désormais 75% de probabilités d’une hausse de 50 points de base lors de la réunion du 14 décembre (lundi c’était 66%). Les prévisions de taux finaux repassent sous la barre des 5,00% et les prévisions de baisses de taux au second semestre 2023 sont revues à la hausse. Le marché obligataire réagit aussi et envoie le rendement du 10 ans US à 3,62%, la courbe 2 / 10 ans reste ceci dit inversée de 72 points de base, elle persiste à annoncer l’imminence d’une récession.

Je ne peux résister à l’envie d’aborder la configuration technique du SPX, qui se paie sa moyenne mobile à 200 jours en clôture (4080 points contre la 200 dma à 4050). Rappelons ici que cette même 200 dma avait mis l’indice KO le 16 août, suite à quoi il avait chuté de près de 20% en deux mois. La cassure d’hier est donc remarquable, même si elle doit désormais être confirmée, ce d’autant plus que la zone 4085 – 4095 voit passer le haut du canal baissier entamé en janvier 2022, c’est la prochaine étape à franchir pour mettre les ours au coin pour un moment. Autant dire que les prochaines séances seront déterminantes pour le SPX. On pourrait être tenté de sortir du marché après une telle performance, l’hebdomadaire Barron’s pense le contraire, il nous rappelle que depuis 1928, le SPX progresse de 1,78% en moyenne au mois de décembre, janvier étant encore meilleur. La saisonnalité est aussi à prendre en compte, décembre est généralement le moment où les Américains alimentent leurs comptes de retraite, l'argent frais entre dans le marché, poussant les prix à la hausse. Enfin, c’est durant les deux semaines à venir que les plus importants programmes de rachats de titres propres sont traditionnellement annoncés par les entreprises aux Etats-Unis.

Hier le marché doit aussi digérer une série de statistiques économiques, dont certaines renforcent les craintes de ralentissement économique. Les chiffres de l'emploi privé ADP pour le mois de novembre (127’000 contre 198’000 selon le consensus) montrent que la croissance de l'emploi a connu son plus fort ralentissement depuis janvier 2021, ce qui renforce la thèse du ralentissement de la croissance. L'indice PMI de Chicago pour le mois de novembre (37,2) est particulièrement mauvais, tombant davantage en territoire de contraction. La Chine publie également es indices PMI manufacturiers (48,0) et non manufacturiers (46,7) plus faibles que prévu, qui tombent davantage en territoire de contraction.

Les efforts de la Chine pour lutter contre le Covid entrent dans une nouvelle phase, avec l'augmentation du nombre de personnes vaccinées, déclare le plus haut responsable du Covid du pays. «Notre lutte contre la pandémie est à un nouveau stade et elle s'accompagne de nouvelles tâches», indique le vice-premier ministre sortant Sun Chunlan. C'est un signe supplémentaire que Pékin assouplit sa position par rapport au virus.

Après avoir sous-performé le SPX pendant la majeure partie de l'année, le Stoxx Europe 600 a rattrapé son équivalent américain au cours des deux derniers mois, les deux indices affichant désormais une baisse d'environ 17% en dollars. Ce rebond reflète en partie la force retrouvée des valeurs cycliques que l'Europe possède en abondance. Les secteurs de la technologie, de la vente au détail, des voyages, des banques et des mines bénéficient de l'assouplissement de la rhétorique chinoise sur le Covid.

Les indicateurs PMI manufacturiers finaux de novembre seront publiés tout au long de la journée (10h00 en Europe, 15h45 aux USA notamment). A suivre aussi aux Etats-Unis, l'étude Challenger sur l'Emploi (13h30), les revenus et dépenses personnels, les inscriptions hebdomadaires au chômage et l'inflation PCE (14h30), puis l'ISM manufacturier et les dépenses de construction (16h00).

Heineken confirme ses prévisions 2022 et 2023 et va augmenter le prix de sa bière. Hewlett Packard Enterprise aurait des vues sur Nutanix, selon Bloomberg. Sous la pression d'Apple, Taiwan Semiconductor devrait produire davantage de puces avancées aux Etats-Unis. Skoda (Volkswagen) va avancer le lancement de trois modèles électriques à 2026. Le co-CEO de Salesforce, Bret Taylor, va passer la main en janvier. Boeing pourrait décrocher un accord sur la certification du B737Max aux États-Unis.

Fin du verrouillage de la Cité de l'iPhone: le confinement de la Cité de l'iPhone a pris fin, permettant la libre circulation des résidents et des travailleurs à Zhengzhou, en Chine. Cette mesure permettra de soulager les pressions exercées sur l'usine Foxconn après une interruption massive de la production qui aurait coûté à Apple environ un milliard de dollars par semaine en ventes d'iPhone perdues.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en hausse. Tokyo progresse de 0,92% à la cloche, Hong Kong avance de 0,47%, Shanghai fait de même et Séoul grappille 0,30%. Le future SPX prend 5 petits points, il digère la forte hausse d’hier et l’Europe ouvre en progression de 0,9%. Le marché va désormais se tourner vers le rapport mensuel sur l’emploi américain, qui sera publié demain.

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