Wall Street se réveille doucement de sa torpeur et fait face à la réalité. L’indice S&P500 (SPX) clôture quasiment au plus bas de sa journée, dans des volumes d’échanges fort décents pour un premier mai, considérant que seules 6 places de bourse sont ouvertes autour du globe vendredi. La zone de résistance de 2932 – 2940 (61,8% de retracement Fibonnacci de la baisse du 19 février au 23 mars) a rempli son rôle à merveille, le SPX se retrouve 100 points plus bas. Pas de nouvelle majeure à signaler vendredi  mais plutôt une prise de conscience que tout n’est vraiment pas rose sur la planète finance. 55% des entreprises du SPX ont publié leurs résultats au premier trimestre. Ces derniers sont un peu moins mauvais qu’anticipé, en revanche les bénéfices ont chuté de près de 14% sur un an et les prévisions des firmes annoncent un sacré trou d’air au deuxième trimestre. Et si l’on se hasarde à regarder du côté des valorisations, le rapport cours en bourse / bénéfices estimés (PER) des firmes du SPX dépasse désormais les 20, on n’avait plus vu un tel niveau depuis 2002. Les titres dits de valeur (value stocks) sont délaissés et toutes les grosse capitalisations qui publient sont vendues, souvent massivement (notamment Apple -1,6%, Amazon -7,6%, Visa -1,8%, Exxon -7,2%, Chevron -2,8%, Amgen -3,4%, Gilead -4,8%). On note une quasi tentative de sabordage chez Tesla, dont le titre chute de 10,3% après que son propre CEO, Elon Musk, a indiqué qu’il trouve que le prix de son action est trop élevé. Du côté des semi-conducteurs, on ne fait pas de prisonniers. L’indice SOX chute de 5%, notamment entraîné par Western Digital (WDC) qui se prend les pieds dans le tapis après ses résultats. Sur le front des statistiques économiques, l’indice US ISM manufacturier ressort un peu mieux que prévu mais le marché n’en tient pas compte. Ce qui pèse sur la psyché collective vendredi, c’est aussi le retour de la rhétorique belliqueuse de Donald Trump à l’encontre de la Chine. Le président des Etats-Unis affirme que la pandémie de Covid-19 a débuté dans un laboratoire de Wuhan. Trump ajoute qu’il pourrait répondre en implémentant de nouvelles taxes à l’encontre de la Chine, les bons vieux jours sont de retour… Pour sa part, le patron de la Fed de Dallas Robert Kaplan indique s’attendre à un PIB US en chute de 30% au deuxième trimestre, accompagné d’un taux de chômage qui pourrait décoller à 20%, pour revenir à 8 – 10% en fin d’année. C’est ce qui s’appelle doucher les espoirs. De son côté, le maire de New York Bill de Blasio ne veut pas rouvrir sa ville avant plusieurs mois.

Le dollar retrouve des couleurs, le Dollar Index à 99,42 et la paire eur/usd à 1,0935. Le rendement de l’emprunt US à 10 ans reste stable à 0,60%, le pétrole vit sa vie, le baril de WTI Light Crude en recul de 7% à 18,32 dollars ce matin. L’or revient au-dessus des 1700 dollars par once. On se positionne donc à nouveau dans les valeurs refuges que sont le billet vert et le métal jaune. La volatilité remonte également, l’indice VIX en hausse de 8,9% à 37,19, il est venu tout près des 40 en séance.

Le vieil adage «sell in May and go away» fait son retour, lentement mais surement, ce d’autant plus que Warren Buffet indique n’avoir effectué aucun investissement significatif récemment, il ne voit rien d’attractif en ce moment. Attention au sentiment des petits porteurs, qui s’est considérablement détendu ces derniers temps. Seuls 15% d’entre eux s’attendent à une correction à court terme. Il faut lire les vues de l’AAII (American Association of Individual Investors) à l’envers. À noter par ailleurs que de nombreux indicateurs de risques ne sont pas alignés avec une récession. Le VIX, bien que toujours à des niveaux historiquement élevés, a chuté depuis ses plus hauts et les investisseurs ont massivement vendu leurs CDS (Credit Default Swaps), ils baissent donc la garde.

Cette semaine le flux de nouvelles sera soutenu avec 162 sociétés du SPX qui publient leurs résultats. L’OMS et les leaders du monde se réunissent pour discuter du financement d’un vaccin contre le Covid-19. Les banques centrales d’Angleterre, du Brésil et d’Australie annoncent leur décision sur les taux d’intérêts. Mais le plat de résistance n’interviendra qu’en fin de semaine, avec le rapport mensuel sur l’emploi aux Etats-Unis. Dans l’intervalle, nous regarderons avec intérêt l’indice China Caixin Services PMI, mercredi.

La Grande-Bretagne va dévoiler des plans de retour au travail dans quelques jours, selon Sky. La France indique que les dates de l'assouplissement peuvent varier selon les régions et déconseille de réserver des voyages d'été. L'Italie est le pays qui a enregistré le moins de décès par jour en près de deux mois. Donald Trump veut que les Américains reprennent le travail. «Nous devons rouvrir en toute sécurité mais le plus rapidement possible», indique-t-il, probablement inspiré par Alain Berset.

L’hebdomadaire Barron’s enfonce une porte ouverte en nous disant que la consommation des ménages chute aux Etats-Unis. Cela dit, la lecture de l’article constitue une bonne piqure de rappel, sans consommateur point de croissance…

Le test sérologique de Roche Elecsys a été approuvé en urgence par la FDA, l'Agence américaine du médicament, annonce dimanche le laboratoire pharmaceutique suisse. Ce test, qui permet de déterminer si une personne a développé des anticorps contre le coronavirus, est jugé indispensable lors de la levée des restrictions de déplacements. La FDA a par ailleurs accordé une autorisation de prescription de l'antiviral expérimental remdesivir de Gilead pour le traitement des patients atteints du Covid-19.

Cette nuit et ce matin en Asie, Tokyo et Shanghai sont fermées. Hong Kong chute de 4% et Séoul recule de 2,68%. Le future SPX abandonne environ ½ pourcent et l’Europe est indiquée en repli de 3%. Bienvenue dans le joli mois de mai…