Les ours aboient, la caravane de taureaux passe, indifférente à des plantigrades toujours aussi sonores mais de moins en moins nombreux autour du globe.

Retournez la situation actuelle dans tous les sens, soupesez le tout, prenez du recul, faites en ce que vous voulez, un seul mot suffit à expliquer le comportement actuel du marché des actions: momentum. En finance, on définit ce mot comme un indicateur technique mettant en évidence la vélocité de la tendance d’un marché, tant à la hausse qu’à la baisse, sur une période de temps donnée. En clair, et pour contextualiser ce momentum-ci, l'obsession du marché pour le potentiel de l'intelligence artificielle (IA) a vaincu tous les indicateurs de sentiments négatifs (récession potentiellement imminente, niveau d'inflation élevé, possibilité de nouvelles hausses de taux de la Fed, tensions géopolitiques persistantes, débâcle du plafond de la dette et crise du secteur bancaire). Ajoutez à cela les statistiques macro-économiques de vendredi (surtout le PCE, j’y reviens) et vous obtenez un marché qui se convainc un peu plus encore que la récession pourrait bien être évitée et l’inflation progressivement jugulée.

Et donc… tapis rouge pour les bulls.

Les indices Dow Jones, Nasdaq100 (NDX) et S&P500 (SPX) clôturent tous au plus haut du jour vendredi. Le marché est porté une fois de plus par les mastodontes de la tech ((AAPL, MSFT, GOOG, AMZN, META, NVDA, TSLA). On notera surtout Apple (AAPL +2,3%) qui profite d’une recommandation d’achat de Citi et atteint une capitalisation boursière de 3'000 milliards de dollars. De son côté, Nvidia (NVDA +3,6%) est portée par une note positive publiée par Daiwa Securities, le reste des «big seven» suit le mouvement, le gros de la troupe n’a du coup d’autre choix que de faire de même. On le remarque avec le breadth, qui indique 2 titres à la hausse contre 1 en baisse à la clôture du NYSE, les 11 secteurs du SPX terminant leur journée dans le vert. La volatilité reste très faible, le VIX clôture inchangé à 13,59, les volumes d’échanges reculent mais, au final les mouvements sont là. Certes, le marché est complaisant, certes la participation à ce rallye n’est pas convaincante, mais le momentum reste présent et le marché des actions peut ignorer toute logique pendant longtemps, l’histoire l’a montré à de nombreuses reprises. Le tout est de ne pas oublier de sortir couvert comme disait l’artiste.

Le mois de juin se termine, ce qui met un terme au deuxième trimestre et donc au premier semestre si mes calculs sont bons. L’histoire boursière retiendra que le NDX a réalisé sa meilleure première partie d’année de tous les temps (+38,75%). Le SPX en est à +15,91% (on prend) tandis que le vénérable Dow Jones évolue en déambulateur (+3,8%). Le SPX traite à son plus haut niveau depuis un an, il clôture vendredi à 4450 points et regarde désormais 4500 – 4505 pts (niveau psychologique +76,4% de retracement Fibonnacci de la baisse de 4818 pts à 3491 pts). Le principal indice de Wall Street est sur le point de revenir en territoire suracheté mais qu’importe, it’s all about momentum dude…

Tout tourne autour du momentum mais aussi autour de la macro et, vendredi, cette dernière fait les yeux doux au marché des actions comme rarement. Le PCE (Personal Consumption Expenditure, la mesure préférée de la Fed pour jauger l’inflation) signale que l’inflation a ralenti au mois de mai (plus faible avancée en plus de deux ans). Il est important de noter que l'augmentation en glissement annuel de l'indice des prix PCE passe de 4,3% à 3,8% et que le taux en glissement annuel de l'indice des prix PCE de base baisse de  4,7% à 4,6%. Le taux de base est encore trop élevé au goût de la Fed, mais le fait qu’il ait reculé par rapport à avril suffit à calmer les inquiétudes quant à une éventuelle hausse des taux lors des deux prochaines réunions du FOMC. L'outil FedWatch du CME indique ce matin une probabilité de 84,7% d'une hausse de 25 points de base le 26 juillet, mais seulement une probabilité de 26% d'une deuxième hausse des taux lors de la réunion du FOMC du 20 septembre. La publication en parallèle des revenus et dépenses des ménages joue en faveur de l'optimisme selon lequel l'économie américaine pourrait finalement éviter une récession.

Tout va donc bien dans le meilleur des mondes? Well, le marché obligataire, ce sempiternel empêcheur d’acheter en rond, s’enfonce un peu plus dans la grogne et écarte le spread 2 / 10 ans US à -108 points de base. C’est le rendement du 2 ans qui décolle surtout, ce matin à 4,93%, le 10 ans remontant à 3,84%. Et pourtant, juste après la publication du PCE, le 2 ans chute à 4,84%, pourquoi donc cette remontée? Go figure…

Le pétrole se positionne légèrement au-dessus des 70 dollars le baril de WTI Light Crude, ça reste très faible d’un point de vue Saoudien. L’or ne parvient pas à rebondir, l’once se languit à 1915$. Le dollar retrouve des couleurs, la paire EUR/USD repasse en-dessous des 1,0900.

Le voyage très attendu de Janet Yellen en Chine aura lieu de jeudi à dimanche, soulignant les efforts de l'administration Biden pour rétablir les lignes de communication avec Pékin. La Chine nomme Pan Gongsheng comme nouveau chef du Parti communiste de la PBOC, plaçant le technocrate de longue date en ligne pour succéder à Yi Gang en tant que gouverneur.

Emmanuel Macron s'appuiera sur les forces de l'ordre pour rétablir l'ordre après près d'une semaine d'émeutes. Il a rencontré les membres de son cabinet hier soir et maintiendra environ 45’000 policiers, forces spéciales et véhicules déployés pour contenir les affrontements. Le président français annule une visite d'État prévue en Allemagne.

Au menu macro-économique du jour, les versions affinées des PMI manufacturiers de juin seront publiées tout au long de la journée, notamment à 10h00 en zone euro et à 15h45 aux Etats-Unis, où l'alter-ego ISM manufacturier suivra à 16h00.

Apple réduit ses objectifs de production de son casque Vision Pro selon le FT. Morgan Stanley, Goldman Sachs, JPMorgan et Wells Fargo vont augmenter leurs dividendes. Tesla a livré 466’000 véhicules au deuxième trimestre, davantage que prévu. La justice suisse pourrait ouvrir une enquête sur l'ancien CEO du Credit Suisse, selon Blick. Par ailleurs, UBS résisterait à la tentation d'introduire en bourse l'unité domestique de Credit Suisse, selon Schweiz am Wochenende. Nokia et Apple signent un accord de licence de brevet à long terme. Tesco met en place une réduction de prix de 13% sur les produits de première nécessité. Par ailleurs, Tesco nomme à sa présidence Gerry Murphy, président de Tate & Lyle et de Burberry. Bausch + Lomb rachète le collyre Xiidra et d'autres actifs ophtalmologiques de Novartis pour un montant pouvant atteindre 2,5 milliards de dollars. Dufry détient plus de 95% d'Autogrill et peut lancer le retrait de la cote.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en hausse. Tokyo progresse de 1,7% à la cloche, Hong Kong gagne 2,19%, Shanghai avance de 1,31% et Séoul monte de 1,49%. Le future SPX traite pile à l’équilibre et l’Europe ouvre en hausse de 0,3%. Au Japon le rapport Tankan signale une croissance plus forte que prévu au deuxième trimestre, accompagnée d’une inflation en repli. L’indice chinois Caixin PMI manufacturier sort à 50,5, les économistes prédisaient 50. C’est un début de semaine probablement très calme qui s’annonce, Wall Street ne traite qu’une demi-journée (clôture à 19 heures CET) et n’ouvrira pas demain (jour de l’indépendance).