Gonet: l'actualité des marchés au 1er juin

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow -0,41%, S&P 500 -0,61%, Nasdaq -0,63%, Russell 2000 -1,00%, SOX -2,71%, Eurostoxx -1,71%, SMI -0,57%.

Clap de fin pour le mois de mai hier, dans une ambiance plutôt froide, la plupart des indices restant perdus dans la traduction d’un cocktail inédit et potentiellement explosif, qui se compose d’intelligence artificielle (IA), de plafond de la dette américaine sur le point d’être enfoncé, de tensions géopolitiques croissantes autour du globe, d’IA, de taux directeurs de la Fed qui reviennent au premier plan, d’IA, de reprise chinoise apparemment en berne et d’un zeste d’IA.

On regarde en arrière, les performances du mois de mai sont intéressantes, la plupart des indices boursiers ont reculé, à l’exception notable du Nasdaq et du Nikkei225. Sur le vieux continent, le Stoxx Europe 600 recule de 3,19%, le CAC40 de 5,24%, le SMI de 1,92%, tandis que de l’autre côté de l’Atlantique, l’indice S&P500 (SPX) grappille 0,25%, le vénérable Dow Jones rend 3,49% pendant que le Nasdaq100 (NDX) décolle de 7,6%. Nul besoin d’être diplômé en Boursonomie pour comprendre que l’arbre de l’intelligence artificielle cache une forêt de points d’interrogations, qui pointent principalement en direction de la Fed et sa politique monétaire, j’y reviens. Moins de 30% des membres du SPX progressent en mai. On se pose de plus en plus la question dans les salles de marchés: combien de temps le rallye de la tech peut-il durer à ce rythme? D’ailleurs la séance d’hier aurait pu se terminer nettement plus mal si l’idée d’une pause en juin dans le cycle de hausses de taux n’avait été émise par deux membres de la Fed. Le SPX ne parvient pas à défendre le niveau de 4'200 points ceci-dit, cela lui pendait au nez. Le dollar reste demandé, la paire EUR/USD traite à 1,0664, on se méfie de plus en plus de la croissance globale sur les parquets de trading, les performances sectorielles d’hier l’illustrent avec l’énergie, les industrielles et les materials qui souffrent le plus.

La volatilité rebondit quelque peu, prémices d’un feu d’artifices à venir? Le VIX remonte à 17,94, on sait que le niveau de 15 représente un support plus ou moins infranchissable, tandis que côté résistance, grosso modo on peut pointer 35, je vous laisse déterminer quel mouvement a le plus de marge potentielle. La phéromone en cheffe du marché Nvidia recule hier, OMG! Le nouveau fantasme des Robinhooders perd 5,68%, on prend quelques menus profits dans les salles de marchés, on commence peut-être aussi à reprendre ses esprits. À 54 fois les bénéfices estimés 2024 (les fameux violemment relevés la semaine passée), la firme de Santa Clara est indéniablement chère. On paie souvent une prime pour des actions de croissance, mais dans les niveaux actuels, peut-être bien que l’oxygène commence à se raréfier singulièrement, ce d’autant plus que la valeur comptable de Nvidia est en orbite à 38 (elle vaut donc 38 fois sa valeur à la casse en bourse). En comparaison, META est à 5x, Microsoft à 12 et Amazon à 8. L’expérience a montré qu’une valeur comptable autour de 1 est saine. Des prises de profits sont plus que compréhensibles sur cette valeur, qui impliquent un repli potentiellement généralisé des marchés, dans le cas où les intervenants venaient à retenir quelque peu leur fièvre acheteuse dans la tech.

Revenons à la Fed, qui compte plus que tout pour le marché (il a parfois tendance à l’oublier). Les responsables de la Réserve fédérale indiquent qu'il est de plus en plus probable qu'ils maintiennent les taux d'intérêt en l’état lors de leur réunion du 14 juin, avant de se préparer à les relever à nouveau plus tard cet été. Cette stratégie donnerait aux autorités plus de temps pour étudier les effets économiques des dix hausses consécutives des taux d'intérêt, ainsi que des tensions récentes dans le secteur bancaire, en espaçant les nouvelles hausses. Depuis mars 2022, la Fed a relevé ses taux de cinq points de pourcentage pour lutter contre l'inflation, la dernière fois le 3 mai pour atteindre une fourchette comprise entre 5% et 5,25%, son plus haut niveau depuis 16 ans.

«Une décision de maintenir notre taux directeur constant lors d'une prochaine réunion ne devrait pas être interprétée comme signifiant que nous avons atteint le taux maximum pour ce cycle», déclare le gouverneur de la Fed, Philip Jefferson, lors d'un discours prononcé mercredi à Washington. «En effet, l'absence de hausse des taux lors d'une prochaine réunion permettrait au comité d'examiner davantage de données avant de prendre des décisions sur l'ampleur d'un raffermissement supplémentaire de la politique monétaire». Les commentaires de Monsieur Jefferson sont notables parce que le président Biden l'a nommé en mai vice-président de la Fed, un poste qui aide généralement le patron de la Fed à définir l'agenda politique avant la réunion du FOMC, qui fixe les taux. Le président de la Fed de Philadelphie, Patrick Harker, membre votant du FOMC cette année, se prononce également en faveur d'un maintien des taux en juin. «Je pense que nous pouvons faire une pause pendant une réunion et, franchement, si nous entrons dans une période où nous devons resserrer les taux, nous pouvons le faire une fois sur deux», indique-t-il hier.

Les Fed Funds en prennent acte et ne prévoient ce matin plus que 37% de probabilités d’une hausse de 25 points de base en juin. En revanche, ils s’entêtent à espérer des baisses à partir de novembre. Les Fed Funds seraient-ils Valaisans?

Les statistiques macro-économiques d’hier ne sont probablement pas de nature à plaire aux taureaux. Elles nous apprennent que les postes de travail ouverts au mois de mai sont nettement plus nombreux que prévu aux Etats-Unis (10,1 millions contre 6,4 millions prévus par les économistes compilés par l’agence Bloomberg). On en est désormais à 1,8 poste de travail disponible pour 1 chômeur. Avant la pandémie de covid, ce ratio s’élevait à 1,2. Le président de la Fed, Jerome Powell, a souligné à plusieurs reprises le ratio élevé des ouvertures d'emploi par chômeur comme une indication de l'extraordinaire tension du marché de l'emploi. En bref, la Fed pourrait ne pas desserrer son étreinte sur les taux d’intérêts aussi longtemps que le marché de l’emploi ne montre pas de signes de détente.

Ce matin, les bons du Trésor US sont plutôt stables, le 2 ans traite à 4,45%, le 10 ans à 3,68%, toujours avec cette inclinaison technique à repartir vers la zone 4,00 - 4,10%.

Je vous mentionnais brièvement la société C3.AI hier, firme versée dans l’IA qui avait décollé de 34% avant-hier, alors qu’elle publiait ses résultats hier soir. L’action AI perd 9% dans la séance régulière, probablement en sympathie avec Nvidia, pour chuter de 29% supplémentaires dans les échanges après-bourse, manifestement la magie n’a pas opéré.

La Chambre des représentants adopte une loi sur la limitation de la dette qui imposerait des restrictions aux dépenses publiques jusqu'à l'élection de 2024 et éviterait un défaut de paiement déstabilisant pour les États-Unis. Les législateurs des deux partis approuvent  le projet de loi par 314 voix contre 117, le transmettant ainsi au Sénat, où son adoption est pratiquement assurée. Ce vote confirme la réputation de Joe Biden en matière de pragmatisme et de dépassement des clivages politiques, alors qu'il brigue un second mandat. Mitch McConnell indique que la mesure pourrait faire l'objet d'un vote au Sénat dès aujourd'hui, quelques jours avant l'échéance du 5 juin. Les économistes de Morgan Stanley estiment que le paquet aura un «impact négligeable» sur l'économie, réduisant probablement la croissance l'année prochaine de quelques dixièmes de point de pourcentage.

Emmanuel Macron et son équipe se préparent à un éventuel déclassement par Standard & Poor's demain, après que Fitch a abaissé la note de la nation en avril, car la dépendance du président à l'égard des dépenses de crise a soulevé des doutes quant à la portée de la réforme fiscale. Les investisseurs montrent également des signes de prudence, la prime que les rendements obligataires français offrent par rapport à l'Allemagne s'étant élargie de 15 points de base depuis janvier. La mesure équivalente pour l'Italie est restée stable.

Au menu macro-économique du jour, la seconde lecture des PIB manufacturiers de mai pour plusieurs pays sera dévoilée tout au long de la journée. L'inflation européenne de mai (11h00) puis une série de statistiques américaines viendra compléter le tableau : études Challenger et ADP sur l'emploi, coût de la main d'œuvre, inscriptions hebdomadaires au chômage, dépenses de construction, ISM manufacturier et stocks pétroliers, rien que ça entre 13h15 et 17h00.  En Chine, l'indice ISM manufacturier compilé par Caixin est revenu en zone d'expansion, contre toute attente. À noter que ces données peuvent être trompeuses car elles sont basées sur un échantillon relativement petit avec une tendance à sur-corriger les facteurs saisonniers, selon Bloomberg Economics.

Salesforce: le titre perd 6% hors séance après la publication de ses trimestriels malgré les objectifs relevés. La fusion entre UBS et Crédit Suisse prend du retard, selon plusieurs sources solides. Les actionnaires d'Exxon et de Chevron rejettent massivement les résolutions relatives au climat. Shell renforce sa présence sur le marché espagnol de l'énergie solaire. L'ex-président de la Bundesbank, Jens Weidmann, a été élu hier président du conseil de surveillance de la Commerzbank. Roche veut se séparer de son site de Vacaville en Californie. Lucid va lever 3 milliards de dollars auprès de ses bailleurs de fonds saoudiens.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en légère hausse, hormis Séoul qui rend 0,31%, la faiblesse du SOX déteint sur cet indice truffé de semi-conducteurs. Tokyo gagne 0,84% à la cloche, Hong Kong grappille 0,21% et Shanghai traite à l’équilibre. Le future SPX gagne 8 points, bataille acharnée en cours autour du niveau de 4200 points. L’Europe gagne près de 1% dans les premiers échanges.

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