Gonet: l'actualité des marchés au 11 août

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow +1,63%, S&P 500 +2,13%, Nasdaq +2,89%, Russell 2000 +2,95%, SOX +4,25%, Eurostoxx +0,91%, SMI +0,20%.

Je me baignais hier soir dans le lac Léman (le vrai, pas celui de Genève qui est une vue de l’esprit de Suisse Tourisme). La température de l’eau devait avoisiner les 27 degrés et je me demandai subitement quelle serait ma réaction si elle venait à baisser à 26. Je doute fort que cela m’incite à sabrer une dizaine de bouteilles de champagne d’un coup. Et bien c’est pourtant à peu près ce qui se passe hier à Wall Street, qui organise la fiesta de l’année après la publication de l’indice des prix à la consommation du mois de juillet.

Remettons les choses dans leur contexte. Tout un chacun a bien compris que le niveau général des prix s’est emballé depuis de nombreux mois et que cela pose un problème majeur, à résoudre sans tarder s’il-vous-plait. La Fed est en train de faire le boulot en remontant ses taux d’intérêts au pas de charge. Le hic, c’est que l’inflation a continué de progresser en mai et en juin, on s’est mis à progressivement s’impatienter ferme dans les chaumières. Or, hier le «miracle» se produit, Le département américain de l’Emploi annonce une progression de 8,5% de l’inflation en rythme annuel. C’est moins que les 8,7% anticipés par les économistes. Ce repli s’explique principalement par la baisse des cours de l’énergie le mois dernier, qui compense une hausse des prix de l’alimentation et du logement. Nous sommes d’accord, 8,5% de hausse des prix en juillet 2022 par rapport à juillet 2021, ça reste énorme, mais le marché conclut que le col est franchi et que la décrue peut commencer, et paf les ours!

La réaction sur toutes les classes d’actifs est immédiate et plutôt binaire. Rappelons ici que les récentes statistiques économiques américaines ont été plus que rassurantes (ISM des services, rapport sur l’emploi). Ajoutez le rapport d’hier sur les prix à la consommation et vous obtenez un cocktail que nous appellerons «soft landing». Force est de constater que les probabilités d’un atterrissage en douceur de la croissance américaine augmentent, le spectre de la récession s’éloigne quelque peu et le marché de se mettre à rêver d’une Fed plus accommodante plus rapidement. Le modèle FedWatch du CME indique désormais 28% de probabilités d’une hausse de 75 points de base lors de la réunion du 21 septembre, contre 65% avant la publication du rapport sur l’inflation, le marché se détend donc. C’est ici qu’il faut tenter de raison garder. Un mois ne fait pas une tendance, en revanche il est indéniable que les taureaux marquent des points face aux ours hier, la probabilité que le marché ait atteint son plancher le 17 juin augmente.

L’indice S&P500 (SPX) «gap» fortement à l’ouverture, pour ne plus regarder dans son rétroviseur et clôturer au plus haut de la séance, emporté vers le nord par son petit frère le Nasdaq100 (NDX), qui se met en mode «Space X» et gagne 2,85% sur la séance. Le NDX (le Nasdaq Composite aussi d’ailleurs) a désormais récupéré plus de 20% depuis son bas de juin, ce qui le fait entrer à nouveau en bull market, c’est anecdotique et totalement inutile pour la suite, mais les «Roubini» de service nous ont tellement bassiné avec leur bear market que cela n’est que bonne guerre. Le SPX s’éloigne de sa moyenne mobile à 100 jours, il regarde désormais sa 200 jours mais pas encore dans les yeux (4332 points contre une clôture à 4210 pts hier). La volatilité se prend les pieds dans le tapis, l’indice VIX (volatilité du SPX) tombe de 9,5% et clôture à 19,74, le support le plus important se situe à 15. Les volumes d’échanges ne sont pas exceptionnels avec 10,6 milliards de titres traités sur le NYSE, d’ailleurs on n’observe pas de couvertures massives de positions shorts, pas encore du moins.

Au chapitre des secteurs, ce n’est une surprise pour personne de voir les titres de croissance mener le bal hier soir, le podium du jour du SPX se compose des materials, de la consommation discrétionnaire et de la technologie. Le breadth (l’écart entre les titres clôturant en hausse par rapport à ceux en baisse) est sans appel avec +90% pour le SPX et le NDX.

Hormis le joyeux royaume des actions, qui aura rarement aussi bien porté son nom, le marché obligataire reste en mode prudent, la courbe des taux US 2/10 ans revient certes de -47 points de base à -42 bps ce matin, ce qui indique toujours des craintes de récession, la différence de perception entre les actions et les obligations ces jours laisse songeur… Le dollar commence par se casser la figure, pour se reprendre mais traiter toutefois en-dessous de son niveau d’avant le rapport, la paire EUR/USD évolue à 1,0314 ce matin. Le pétrole tente de casser les 90 dollars le baril de WTI Light Crude à nouveau, encouragé par la faiblesse du billet vert, il doit casser 95 dollars pour réintégrer une tendance haussière. L’or vient respirer au-dessus de 1800 dollars l’once mais manque d’oxygène et revient rapidement à 1786 dollars.

Mary Daly, patronne de la Fed de San Francisco, déclare qu'il est trop tôt pour crier victoire dans la lutte contre l'inflation, mais indique qu'elle pourrait soutenir un ralentissement du rythme des hausses de taux, rapporte le FT. Son collègue Neel Kashkari, boss de la Fed de Minneapolis, qualifie d'«irréaliste» l'idée que la banque centrale commence à assouplir ses taux l'année prochaine, alors que l'inflation devrait être bien supérieure à son objectif de 2%. M. Kashkari, qui est désormais le faucon numéro un de la Fed, voit toujours les taux à 4,4% à la fin de 2023. La Fed souhaite tempérer les ardeurs du marché des actions et elle a probablement raison, la statistique d’hier est certes rassurante mais ne constitue qu’un premier pas sur le long chemin qui mène à la sérénité du pouvoir d’achat des ménages.

Les réflexions de Liz Truss sur la façon de gérer la Banque d’Angleterre s'ajoutent à une liste croissante de menaces pour la livre et les obligations d'État britanniques. La crainte est que, si elle devient Premier ministre, Mme Truss bouleverse l'accent mis depuis trois décennies sur la lutte contre l'inflation et demande aux décideurs d'utiliser des outils qui ont été discrédités dans les années 1980. «Si le mandat de la BOE était modifié, on assisterait à une chute des gilts et de la livre sterling», déclare Gordon Shannon de TwentyFour Asset Management.

Oncle Picsou peut se rendormir tranquillement sur son tas d’or, l’action Walt Disney bondit  après la séance après avoir augmenté de 38% le prix de son service de streaming, la croissance du nombre d'abonnés ayant dépassé les estimations. La société a ajouté 14,4 millions de nouveaux utilisateurs de Disney+ au cours du trimestre, ce qui porte à 221 millions le nombre d'abonnés sur toutes ses plateformes de streaming, soit plus que Netflix. Une hausse dans les parcs à thème a permis de battre les ventes et les bénéfices. Selon Bloomberg Intelligence, le titre aux grandes oreilles devrait terminer l'année 2022 en beauté.

Deux statistiques macro aux Etats-Unis aujourd'hui à 14h30: les prix à la production et les inscriptions hebdomadaires au chômage.

Daimler Truck: le groupe réalise un bénéfice ajusté de 1 milliard d’euros au deuxième trimestre, dépassant nettement les attentes des analystes grâce à une forte demande et à des effets de change positifs. Deutsche Telekom: l'opérateur de télécommunications allemand relève ses prévisions de résultats. Siemens AG: le groupe est en pertes à cause d'une lourde dépréciation sur Siemens Energy. Les revenus sont un peu supérieurs aux attentes mais les objectifs sont réduits à cause de la dépréciation. Zurich Insurance: le groupe annonce un programme de rachat d'actions de 1,8 milliard de francs en marge de la publication de ses trimestriels. Partners Group cède 50% d’USIC à Kohlberg dans le cadre d'une transaction de 4 milliards de dollars. ABB rachète à Siemens ses activités dans le domaine des moteurs Nema à basse tension. Boeing a livré son premier 787 Dreamliner depuis plus d'un an. Roche obtient une extension d'homologation pour le Ventana aux USA.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en en hausse. Tokyo est fermée, Hong Kong progresse de 2,25%, Shanghai avance de 1,56% et Séoul gagne 1,73%. Le future SPX ne rend pas un millimètre de terrain, bien au contraire il gagne 19 points supplémentaires. L’Europe ouvre en progression de 0,6%. Le simple fait que le chiffre de l’inflation soit sorti en-dessous des attentes a provoqué un sentiment de soulagement généralisé dans les marchés, c’est la réaction de base. Voyons maintenant comment le marché interprète ces chiffres sur la durée.

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