Vers des tensions monétaires et commerciales

Salima Barragan

2 minutes de lecture

Selon Raphaël Gallardo de Carmignac, la Fed ne peut plus se permettre d’être patiente.

Début d’année oblige, les prévisions vont bon train. Six personnalités du monde de la finance partagent avec les lecteurs d’Allnews leurs vues sur les thèmes du moment. Au-delà du débat sur l'inflation, les investisseurs devront anticiper la politique monétaire de la banque centrale américaine et l’impact du renforcement des réglementations chinoises sur la croissance. Ils dévoilent aussi quelle sera leur politique d’investissement. Autour de quatre questions clé, l’équipe d’Allnews vous souhaite une heureuse année 2022.

Pour le cinquième volet de la série, Raphaël Gallardo, Chef économiste chez Carmignac note que la décélération mondiale et le découplage des Etats-Unis mèneront à des tensions sur le système monétaire international ainsi qu’à la reprise des frictions commerciales. Il estime aussi que la Réserve fédérale américaine ne peut se permettre d’être plus patiente devant une inflation qui persiste. Pour 2022, il mise sur le dollar américain pour son statut de valeur refuge.

L’inflation (voire la stagflation) va-t-elle s’installer durablement?

La vague de COVID-19 est inflationniste aux Etats-Unis parce qu’elle impacte davantage l’offre de travail que la demande. Les tensions sur les prix de l’énergie sont toujours présentes sur le gaz naturel (et le gaz naturel liquéfié) en Europe et en Asie. Cependant, tous les pays ne sont pas égaux devant l’inflation. Les Etats-Unis sont moins sensibles au choc des matières premières du fait de leur balance commerciale énergétique excédentaire. En revanche, le choc est brutal en Europe et en Asie. Dans les marchés émergents, les politiques monétaires seront plus strictes avec un niveau de resserrement coordonné, à un moment où la croissance du bloc ralentit.

Les entreprises gagnantes du COVID-19 devraient également bien se comporter avec des belles perspectives de croissance renforcées par l’effet catalyseur qu’a constitué le grand confinement.
Qu’attendez-vous de la Fed?

Les conséquences de la politique monétaire de la Réserve fédérale seront moindres que celles des autres banques centrales anglo-saxonnes. Car le ratio d’endettement des ménages américain a fortement baissé pendant le COVID-19 car ils ont utilisé une partie de leurs chèques fiscaux pour rembourser leurs crédits à la consommation. De fait, la politique budgétaire a réalisé un swap de dette entre le bilan des ménages et celui de l’Etat. Les entreprises sont également moins dépendantes des conditions de crédit car elles enregistrent un surplus de financement, même en tenant compte de leurs rachats d’actions.

Comment les réglementations chinoises vont-elles façonner la croissance?

Selon nos estimations, les nouvelles réglementations portant sur les géants technologiques pourraient réduire la croissance potentielle future de 0.4 points de pourcentage, sachant que ce dernier a été la source de gains de productivité de l’ordre de 1,2 points par an.

Quelle est votre politique d’investissement?

Le scénario d’une croissance qui ralentit peut être favorable pour les marchés d’actions – à conditions d’y sélectionner des sociétés de croissance à bonne visibilité – c’est-à-dire celles dont la trajectoire de résultat est moins dépendante de la croissance économique. Nous privilégions également les sociétés qui sont capables de répercuter les hausses de coûts dans leurs prix tout en préservant leur volume d’activité. Nous les retrouvons largement dans les univers américain et chinois. Aussi nous avons construit des positions sur entreprises chinoises qui évoluent dans des secteurs porteurs qui bénéficient des évolutions réglementaires. Les entreprises gagnantes du COVID-19 devraient également bien se comporter avec des belles perspectives de croissance renforcées par l’effet catalyseur qu’a constitué le grand confinement.  Sur les marchés du crédit, la profusion de liquidités et l’environnement de la répression financière induisent que les mécanismes de découverte des prix qui ont prévalu jusque-là fonctionneront différemment en 2022. La sélection d’obligations y est d’autant plus importante. Quant aux marchés de taux, le contraste entre le narratif de marché des taux bas il y a un an et le contexte actuel est notable: nous sommes passés à des perspectives de resserrement monétaire globalisé et rapide. Sur les maturités les plus longues, c’est un mouvement d’aplatissement de la courbe qui domine, mais on pourrait voir cela évoluer cette année, si la Chine venait à mettre en place plus de stimulus par exemple. Au sein des marchés émergents, les taux sont déjà largement remontés, ce qui a créé des opportunités sur certains émetteurs qui offrent aujourd’hui un portage attractif. Aussi, nous commençons à déployer du capital sur ces segments. Enfin, en termes de gestion des risques, nous privilégions les liquidités et le dollar américain pour son statut de valeur refuge.

A lire aussi...