La saison des résultats pourrait être décevante, estime Luca Carrozzo, CIO de la banque CIC (Suisse) SA.
L’optimisme est de retour. L’indice sur la volatilité (VIX) – jauge de la nervosité des marchés – évolue à son niveau le plus bas sur 12 mois, conforté par la perspective de la fin du cycle de hausses de taux. Le changement de cap des banques centrales suffira-t-il à prolonger le rallye des indices boursiers? Probablement pas, selon Luca Carrozzo, Chief Investment Officer de la banque CIC (Suisse) SA qui table sur une correction à venir comprise entre -10 à -15%. Les résultats trimestriels des entreprises et des défauts de paiement devraient inverser la tendance haussière. Entretien.
Depuis le début de l’année, la performance du SMI atteint 6%, celle du S&P 500 a gagné 8% et les valeurs technologiques ont flambé, malgré une pléthore de facteurs d’incertitude: la guerre en Ukraine, les tensions sur les prix, les objectifs élevés des banques centrales. Les investisseurs semblent trop optimistes.
Suite au très mauvais exercice 2022, qui a clôturé avec des contreperformances comprises entre -15% sur le SMI et -30% sur le NASDAQ, les investisseurs ont commencé l’année dans de bonnes dispositions. Cet état d’esprit se reflète dans le VIX qui mesure une volatilité inférieure à 30%, soit son niveau le plus bas sur 12 mois. Ce niveau signal un excès d’euphorie. Cependant, la fin imminente du cycle de hausse de taux des banques centrales – avec un taux terminal compris entre 5 et 5,5% - constitue «la» nouvelle positive qui a revigoré les investisseurs.
Les estimations des bénéfices demeurent excessivement élevées: nous nous attendons à des corrections d’ici deux semaines. Rappelons que les sociétés industrielles souffrent de l’inflation, et que ce facteur n’est pas reflété dans les prix de leurs actions. Les sociétés technologiques sont assises sur des montagnes de liquidité, mais elles réduisent drastiquement le coût en licenciant à tour de bras. Nous pouvons l’interpréter comme le signal d’avertissement d’un marché surévalué.
Les obligations de risque de crédit élevé constituent un autre aspect négatif. Les émetteurs devront payer des primes de crédit plus élevées qu’il y a 4 ans. Nous n’avons pas encore vu des défauts de paiement, mais l’on peut raisonnablement s’attendre à de tels évènements dans un environnement de taux plus élevé. Aux premiers défauts, les actions chuteront sur la base de cet indicateur qui est clairement un signal d’alerte.
Oui, l’Administration Biden devrait reprendre le dossier de la guerre économique sino-américaine qui va réinstaurer un climat d’incertitude. Nous estimons aussi que la dé-globalisation reste à moyen terme un risque sur les chaînes d’approvisionnement et qu’elle accentuera les tensions structurelles sur les prix.
Nous attendons une légère correction des marchés actions de l’ordre de -10% à -15%, car les bénéfices du premier trimestre ne vont pas surprendre à la hausse. Le recul des cours constituera une opportunité d’augmenter la part actions, car la classe d’actifs reste la plus attractive à terme.
Notre critère de sélection d’actions reste la qualité: ce sont les entreprises rentables jouissant d’un pouvoir de fixation des prix dans un environnement inflationniste, mais dépourvues d’un effet de levier au bilan. La qualité d’un titre passe aussi par son management, un point souvent peu regardé. Le critère de qualité se retrouvant dans presque toutes les activités, notre allocation sectorielle est équilibrée. Nous nous positionnons selon notre vision à long terme des mégatendances telles que la production alimentaire du futur et la mobilité du futur. En Suisse, nous aimons SIG Group qui pourrait révolutionner le packaging alimentaire et ABB pour son rôle crucial dans le développement des stations de charge électrique. En Europe, nous apprécions la société Linde dans l’hydrogène.
Nous sommes très exposé au marché helvétique, car il a prouvé sa résilience dans le passé: il est constitué d’entreprises flexibles et agiles. Une surpondération sur la Suisse rassure également notre clientèle.
En revanche, nous n’investissons pas sur le marché chinois malgré des valorisations devenues attrayantes, en raison de la composante politique. Les cours des sociétés sont dépendants de l’interventionnisme politique, et nous ne sommes pas intéressés par des contreparties sur lesquelles nous ne pouvons pas nous fier.