Solaire et éolien ou… fusion nucléaire

Nicolette de Joncaire

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Les politiques énergétiques favorisent des solutions inefficientes. Il faut cibler la fusion nucléaire pour laquelle, en Grande-Bretagne, on parle de 2035. Entretien avec Steen Jakobsen de Saxo Bank.

Spéculations improbables? Le CIO de Saxo Bank, Steen Jakobsen, en est coutumier. Et pourtant, cette année, ses propos paraissent bien moins extravagants que d’ordinaire. Est-ce parce que notre monde nous donne de plus en plus la sensation de déraper? Détérioration du climat, Brexit, Covid, guerre en Ukraine, conflit au Moyen-Orient, enjeux énergétiques et sécuritaires, multipolarité, la réalité dépasse largement les prédictions les plus noires. Plus prosaïquement, Steen Jakobsen estime qu’au premier trimestre il sera question de déflation et au second d’élections puisque la moitié de la population mondiale va se rendre aux urnes, même si, bien évidemment, tous les regards seront tournés vers les Etats-Unis. De manière générale, il ne se montre guère optimiste: au mieux 2024 réussira à maintenir un semblant de statu quo. Entretien. 

Comment envisagez-vous l’année qui commence?

Le premier trimestre sera celui de la désinflation. Le PPI chinois étant en baisse, la Chine est devenue le plus grand exportateur de désinflation et les prix des importations aux Etats-Unis devraient baisser d’environ 1,2%. Sur la base du taux actuel, l’inflation américaine devrait se trouver entre 2 et 2,5% annuellement et la Fed commencera à baisser les taux dès mars, non parce que la situation économique se détériore mais parce que les taux de croissance réels remontent. Par contre, le coût de financement commençant à 9%, les petites et moyennes entreprises américaines souffrent et leurs perspectives se détériorent. C’est ce que constatent et rapportent les banques centrales de plusieurs Etats américains. Dans ces conditions, tout choc économique – une péjoration de la situation au Moyen-Orient par exemple - sera géré par un assouplissement de la politique monétaire. Les banques centrales feront l’impossible pour maintenir le système à flot.

En janvier 2016, Clinton était donnée gagnante et l’on pensait communément que si, par hasard, Trump était élu, les marchés financiers s’effondreraient. 

La Chine parait à la peine. Que s’y passe-t-il?

Les conditions de crédit sont difficiles et même si les autorités désiraient les faciliter, les banques (qui sont toutes des banques d’Etat) n’ont pas le bilan pour avancer les fonds. Quant aux collectivités locales, elles ont perdu le droit de se financer en vendant des terres, ceci afin de freiner la spéculation immobilière. Elles en sont donc réduites aux transferts que le gouvernement de Beijing veut bien leur consentir et donc démunies de capital pour relancer l’économie. Par ailleurs, la Chine n’a pas de vrai marché actions et la valeur de ses entreprises s’est détériorée. Regardez l’effondrement de l’action Alibaba . Le gouvernement chinois a fait machine arrière sur les progrès accomplis en matière de liberté économique au début du siècle. La répression politique s’amplifie continuellement et n’est pas de nature à encourager la croissance. L’éducation – objectif numéro un des familles chinoises – ne rapporte plus. De 30% de la croissance mondiale, la Chine n’en représente plus que 16 ou 17%. Sans oublier qu’elle encourage la montée en puissance d’un environnement localisé autour de ses frontières avec l’accord signé en 2020 créant la plus grande zone de libre-échange du monde en Asie-Pacifique. 

Un monde multipolaire?

Un monde où les pôles se referment sur eux-mêmes. L’avis de décès du modèle mercantile occidental est bel et bien confirmé. Et l’Union européenne n’arrange pas les choses en imposant la toute première taxe mondiale sur les émissions des importations à forte intensité de carbone qui pénalisera gravement une grande partie des pays émergents.   

A quel moment l’élection présidentielle américaine deviendra-t-elle un sujet d’inquiétude pour les marchés?

En janvier 2016, Clinton était donnée gagnante et l’on pensait communément que si, par hasard, Trump était élu, les marchés financiers s’effondreraient. En fin de compte, Clinton a perdu et les marchés n’ont pas bougé après l’élection de Trump – largement grâce à sa baisse de l’impôt sur les entreprises. Aujourd’hui il existe encore trop d’inconnues: Biden se re-présentera-t-il? Quel sera le score de Kennedy? Et quelle sera la majorité au Congrès à ce moment-là? Impossible de prévoir l’issue des élections de novembre. Rappelons aussi que la moitié de la population mondiale va voter cette année et qu’il semblerait que toutes les élections soient en voie de suivre le «modèle russe» c’est-à-dire la recherche de l’homme fort. Regardez ce qui s’est passé aux Pays-Bas ou en Argentine. En conclusion, j’estime impossible de prendre des décisions sur la base de l’évolution des évènements politiques et c’est la situation économique qui dictera l’évolution des marchés. Comme je l’évoquais plus haut, aux Etats-Unis, la Fed fera tout ce qui est concevable pour maintenir le statu quo jusqu’en novembre. 

La transition énergétique stimulera-t-elle la croissance?

Elle le ferait si les politiques gouvernementales étaient guidées par une recherche de l’efficacité et de la productivité, ce qui est loin d’être le cas. Les énergies solaire et éolienne ne sont pas des énergies efficientes. Nous avons besoin d’une solution plus scientifique comme la fusion nucléaire. Si, comme certains l’espèrent, l’intelligence artificielle contribue à accélérer la recherche, nous pourrions arriver à une solution beaucoup plus rapidement que prévu. En Grande-Bretagne, on parle de 2035.

Toutes ces incertitudes seront-elles source de volatilité?

La volatilité devrait rester raisonnable car tout choc sera amorti par l’intervention des banques centrales. J’attends une performance de l’ordre de 10% sur les actions et des prix des matières première en baisse. En raison des coûts de financement, l’immobilier va continuer à sous-performer. Ma recommandation est d’investir dans les entreprises qui affichent des hausses de productivité grâce à la technologie. Mais attention, l’intelligence artificielle n’apporte pas que des bénéfices et peut avoir des effets pervers comme le démontre le «deepfake» d’un message vocal attribué au président Biden il y a quelques jours.  

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