Parmi le florilège des SaxoStrats, on trouve le scénario écrit en 2017 qui prédit un bond du bitcoin. Ou encore, en 2022, le report du plan d'élimination des combustibles fossiles.
Les prévisions «choc» de Saxo Bank, qui sont publiées chaque année début décembre, ne sont jamais justes car elles sont volontairement exagérées. Cependant, quelques fois, la fiction devient réalité et nos prévisions «choc» se réalisent en partie. Voici un florilège des prévisions qui étaient plus proches de la réalité que prévu.
Si l'on examine les prévisions 2023, il est évident qu'elles étaient plus scandaleuses que correctes. Celle de Charu Chanana prévoyait l’interdiction de toute production de viande par un pays d'ici 2030. Cela n’a jamais eu lieu et il serait exagéré de dire qu'il s'en est fallu de peu. Mais au niveau supranational, la viande, en tant qu'élément important de la lutte contre le changement climatique, a été inscrite à l'ordre du jour de la COP28 organisée par les Nations unies à la fin de l'année. A cette occasion, les Nations unies devraient publier une feuille de route concernant les systèmes alimentaires mondiaux, mettant l'accent sur la réduction de la consommation de viande.
«Bien qu'aucun pays n'ait interdit la production, il est de plus en plus admis que la viande (et sa consommation) doit être au centre des débats sur le changement climatique. Choisir un sujet qui attire l'attention et l'amener un peu plus loin que la réalité est l'objectif de cet exercice», ajoute Charu Chanana.
En 2022, Ole Hansen, stratégiste matières premières, écrivait que les décideurs politiques remettraient les objectifs climatiques à plus tard et soutiendraient les investissements dans les combustibles fossiles pour lutter contre l'inflation et le risque d'agitation sociale, tout en repensant les moyens nécessaires à la réduction des émissions de carbone.
Cette prévision s'est globalement concrétisée, mais à cause, malheureusement, de l'invasion imprévue de l'Ukraine par la Russie.
«En novembre 2021, nous étions loin de nous douter que le monde se dirigeait au grand galop vers une crise énergétique déclenchée par la guerre en Ukraine», explique Ole Hansen. Voici le raisonnement qu’il a eu fin 2021 pour dire que les combustibles fossiles redeviendraient d'actualité en 2022: «Le manque d'investissements et le besoin de plus en plus urgent de soutenir le gaz au détriment du charbon nous ont amenés à formuler cette idée. Celle-ci prévoyait essentiellement un environnement plus favorable aux investisseurs pour les investissements (jusqu'alors honteux) dans la production d'énergie dite "sale". Une démarche qui a conduit à la décision de l'UE de classer le gaz et le nucléaire parmi les investissements verts», explique-t-il.
D’après Peter Garnry, responsable de SaxoStrats,«Nous n'avons pas eu de chute de 25% en une fois, comme en 1987, mais deux événements spectaculaires en 2018 qui ont confirmé notre prévision».
Il explique plus en détail comment la prévision a vu le jour: «Nous avons eu l'idée de cette prévision «choc» fin 2017, alors que l'année était sur le point de se terminer avec une volatilité étonnamment faible et un bitcoin passé d'un peu moins de 1’000 dollars fin 2016 à environ 10’000 dollars en novembre 2017 (le bitcoin est finalement monté à près de 20’000 dollars avant la fin de l'année). Tout le monde spéculait sur le bitcoin et sur la volatilité des devises et des actions - cela était considéré comme de l'argent prévisible et facile. C'est là que nous avons eu un sentiment gênant: cette euphorie et ces types de positions pouvaient avoir des résultats dramatiques si les conditions changeaient, même faiblement.»
Selon Peter Garnry, la volatilité a commencé en février 2018 et s'est terminée de manière spectaculaire à Noël: «L'événement "Volmageddon" de février 2018 a presque complètement anéanti les fonds de volatilité courte, y compris certains ETF célèbres, car l'indice VIX qui mesure la volatilité des marchés actions a explosé de 13,64 à 50,30 en seulement deux séances de négociation. Cet événement a modifié la dynamique de la volatilité sur les marchés financiers. Plus tard en 2018, le marché a tenté de dire à la Fed qu'elle commettait une erreur politique en augmentant ses taux directeurs parce que l'économie se détériorait. Cela a entraîné un repli de 20% entre le pic d'octobre et le creux du 26 décembre.»
Alors que les cryptomonnaies, en particulier le bitcoin, commençaient à prendre de l’importance aux yeux du public, les SaxoStrats ont prédit que la monnaie leader à l'époque ferait un bond. Ils avaient justifié cela par les dépenses excessives du régime du président américain Donald Trump, qui pouvaient entraîner une hausse de la dette nationale et une montée en flèche de l'inflation. Combiné à la volonté du plus grand nombre de s'affranchir des monnaies des banques centrales, le bitcoin serait devenu une alternative privilégiée. La prévision «choc» s’est «plus que réalisée», car le prix du bitcoin a atteint presque 20’000 dollars lors de son apogée en 2017.
Cependant, les circonstances entourant la prévision n'étaient pas correctes. Ce ne sont pas tant les mouvements macroéconomiques de l'ère Trump que la spéculation sur le bitcoin qui ont alimenté son ascension initiale fulgurante. Toutefois, lorsque l'on examine les pics plus récents des cryptomonnaies, en particulier celui du bitcoin en 2021, les justifications exposées dans la prévisions «choc» de 2017 sont restées valables.
En 2015, les SaxoStrats ont écrit que le Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP) remporterait 25% des voix lors des élections législatives britanniques du 7 mai 2015, devenant ainsi de manière sensationnelle le troisième plus grand parti au Parlement. L'UKIP rejoindrait alors les conservateurs de David Cameron dans un gouvernement de coalition et appellerait au référendum prévu sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'UE en 2017. En conséquence, la dette publique britannique subissait une forte hausse des rendements.
Le moment était un peu mal choisi, mais les circonstances qui l'ont entouré étaient assez précises. «Nous avions le sentiment très net que des "votes de protestation" se produiraient à la fois lors des élections américaines et, en fin de compte, lors d'un vote sur le Brexit», a déclaré Steen Jakobsen, CIO de Saxo. Dans une certaine mesure, nous avons parlé à juste titre de la "rupture du contrat social", c'est-à-dire que la société ne bénéficiait plus dans son ensemble de la politique monétaire, ce qui a creusé l'écart en matière d'égalité.
«Cette prévision a été lancée trop tôt, mais le contexte et le raisonnement étaient justes. La scission au sein du parti conservateur ne pouvait pas être guérie et le modus operandi consistant à "parler aux électeurs" était une erreur flagrante, que nous avons utilisée pour cette prévision», a explique Steen Jakobsen.
«Notre prévision à 1’200 dollars, au moment de la rédaction, indiquait une chute d'un tiers du cours», explique Ole Hansen, qui, en 2013, a réalisé la première prévision «choc» correcte.
D’après Ole Hansen, «L'or a corrigé et est même passé sous la barre des 1’200 dollars l'once en 2013, les investisseurs se tournant de plus en plus vers les actions et le dollar. L'un des principaux éléments déclencheurs a été la rupture, en avril 2013, du prix de soutien à 1’525 dollars - un mouvement qui, à notre avis, a augmenté le risque d'un marché baissier entraînant le prix vers 1’100 dollars».