Le private equity n’est plus une classe «alternative»

Nicolette de Joncaire

2 minutes de lecture

«Le capital-investissement n’est pas affaire de macro mais de micro». Entretien avec Marco de Benedetti du groupe Carlyle.

Il y a peu, le groupe Carlyle réorganisait ses activités de capital-investissement en Europe avec la création d’un Comité Exécutif Européen du Private Equity (European Private Equity Executive Committee) dans le but d'encourager ses deux principales stratégies – Carlyle Europe Partners (CEP) et Carlyle Europe Technology Partners (CETP) - à partager leurs ressources et leurs idées. Les deux équipes d'investissement qui gèrent plus de 17,3 milliards d'euros, sont désormais co-dirigées par Marco de Benedetti et Michael Wand. Leader dans le capital-investissement, le groupe devrait en ressortir renforcé en Europe. Entretien avec Marco de Benedetti en marge du Global Investment Forum organisée par Adam Said.

Pourquoi avoir rapproché vos deux principales stratégies?

Elles sont restées indépendantes pendant plus de 20 ans en raison de leur différence de taille mais également de la nature des activités couvertes. En matière de technologie le fonds principal (CEP) dont j’étais responsable, ne s’est guère intéressé qu’aux télécommunications. Or, ce fonds principal cherchait une exposition plus importante au secteur tech et CETP avait toute l’expérience nécessaire à disposition. Par ailleurs, au cours des dernières années, l’activité consacrée à la technologie (CETP) a beaucoup cru et l’échelle respective des deux fonds permet de les rapprocher aujourd’hui. C’est une opportunité de réunir les deux équipes et de créer quelque chose de plus compétitif grâce à une collaboration plus intense. CEP s'appuiera sur l’expertise de CETP en matière de technologie pour renforcer ses capacités dans ce domaine, tandis que le CETP bénéficiera de la compréhension approfondie de CEP de nombreux secteurs verticaux et marchés finaux. Nous nous assurerons ainsi que rien ne passera entre les mailles du filet. Cette collaboration renforcée ne vise en aucun cas une optimisation des coûts mais bien une extension et une amélioration de la couverture tant sur le plan géographique que sur celui de l’expertise, alors que les stratégies d’investissement restent bien entendu indépendantes.

Dans notre métier seul un tiers des rencontres peut avoir lieu «à distance». Une décision est d’abord une question de jugement… et juger nécessite un contact réel.
Comment le private equity a-t-il évolué au cours des dernières années?

Il fut un temps où la seule attente d’un investisseur était de percevoir des cashflows réguliers. C’est devenu de plus en plus difficile. De nos jours, l’investisseur doit comprendre comment fonctionne l’entreprise où il investit et maitriser les compétences pour en améliorer le fonctionnement. Cela ne veut pas dire que l’investisseur se substitue au management mais qu’il doit savoir soutenir l’équipe en place et lui apporter des solutions quand c’est nécessaire. Il y a 10 ans, 100% d’une équipe de private equity exécutait des transactions. De nos jours, au moins la moitié d’une équipe assiste les entreprises sur au moins une initiative particulière.

Quelle est votre vision des évènements actuels et de l’impact sur vos investissements?

Le capital-investissement n’est pas affaire de macro mais de micro. Un bon environnement macro n’est pas nécessairement un bon environnement pour investir. Dans notre métier, tout dépend de la qualité de chaque actif individuellement. Nous adoptons une vision à moyen terme et jouons les tendances séculaires sur cinq ans au moins. J’en citerai trois principales: la santé, la digitalisation et la transition énergétique. L’avenir de la première est dû à l’accélération du vieillissement ainsi qu’à un refus croissant d’accepter la souffrance. Plus de services à la personne, plus de médicaments, le développement de ces activités est décorrélé de la conjoncture macroéconomique. Pour ce qui est de la deuxième, j’aimerais préciser que nous n’investissons pas dans les sociétés de technologie mais dans celles qui sont capables de bénéficier de leur effet de levier. Similairement, pour ce qui est de la transition énergétique, nous (CEP) n’investirons jamais dans les panneaux solaires ou les batteries au lithium mais dans des produits plus niche comme les turbines pour éoliennes de la société Flender ou les interrupteurs pour batteries au lithium de Schaltbau. J’ajouterais pour nuancer mon propos que le contexte macro a une influence sur la valorisation des entreprises et qu’il n’est donc pas indifférent.

Quelques prospects en Suisse?

Nous avons investi dans le groupe medtech Acrotec l’an dernier. D’autres dossiers d’importance sont à l’étude.

Dans quelle mesure les flux entrants s’accroissent-ils dans le private equity?

Les allocations à la classe d’actifs sont en pleine essor. Le private equity n’est plus perçu comme une classe «alternative» mais bien comme un investissement cœur. L’explication évidente à l’appétit pour cette classe sont ses rendements. Cette tendance perdurera pour des raisons structurelles: la pénétration de la classe dans les portefeuilles reste encore faible comparée aux rendements que l’on peut en attendre.

Que vous a appris la période du confinement?

Que le face à face est essentiel. Dans notre métier seul un tiers des rencontres peut avoir lieu «à distance». Une décision est d’abord une question de jugement… et juger nécessite un contact réel.

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