Une approche de private equity sur les promotions immobilières suisses

Salima Barragan

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La première levée de fonds est prévue pour le mois de juin, annonce le CEO de LakeRock Capital Alexandre Costa.

Partenaire financier des promoteurs immobiliers de l’Arc lémanique, LakeRock vient de lancer un fonds de capital investissement qui permet aux professionnels de la branche d’accélérer le lancement de leurs promotions et de libérer les liquidités nécessaires pour amorcer de nouveaux projets. Le principe est simple: la société financière genevoise leur achète des lots sur plan avec une légère décote qu’elle revendra clés en main aux clients finaux après avoir effectué des plus-values. Le point sur ce modèle avec son CEO Alexandre Costa.

Quelle est votre perception du marché immobilier lémanique?

Dans un marché dynamique comme Genève avec un taux de vacance à 0,4%, ou comme dans certaines communes de l’Arc lémanique, le fait que les taux longs montent à 3% n’aura pas ou peu d’impact sur les biens que nous choisirons. Cela restera plus intéressant pour un foyer d’acheter que de louer. En outre, les nouveaux biens correspondent aux attentes de la demande qui souhaite plus d’espace, des volumes lumineux, des terrasses, de la verdure et d’autres critères de confort. Ce rapport de force n’est pas vrai partout en Suisse où l’offre surpasse parfois la demande. Les quelques grues que nous voyons à Genève concernent principalement de la zone de développement ou du locatif.

Comment l’augmentation des taux d’intérêt en Suisse va-t-elle impacter le marché?

Il faut séparer les taux courts qui n’ont presque pas évolué des taux longs qui ont effectivement fait un bon record ces dernières semaines. A écouter la BNS et son objectif de protéger le franc suisse d’une envolée, nous pensons que les taux courts ne bougeront presque pas. Nous rappelons que le taux d’intérêt est toujours de -0,75%. Même s’il remonte de quelques points de base, cela garantira encore des taux historiquement bas. Pour les taux longs, ils sont encore à un niveau bas, inférieurs au taux théorique de 5% qui sert de base de calcul aux banques pour accorder ou non un crédit.

Rappelez-vous entre 2008 à 2012, malgré des taux à près de 3% et une crise immobilière mondiale, les prix de la PPE à Genève ont atteint des records. L’évolution des taux n’est donc de loin pas le seul influenceur des prix et de la demande. L’arrivée de sociétés internationales, les décisions politiques influençant l’attractivité économique d’un canton, l’épargne et le manque d’offres ont beaucoup plus d’impact selon nous.

En achetant des lots dans des promotions avec permis en force, certes l’investisseur gagne moins, mais le risque est mieux maitrisé et quantifiable.
Quelles sont les spécificités du portefeuille, pour lequel vous levez vos premiers fonds en juin?

Nous entendons lever 50 millions de francs suisses en deux rounds, à fin juin et au premier semestre 2023, ce qui permettra de constituer un portefeuille diversifié de projets de près de 200 millions destinés à la revente. Il s’agit d’un fonds immobilier régulé par la Finma, mais contrairement à la majorité des fonds de ce type sur le marché suisse, sa durée de vie est très brève, 6 ans. Le fonds achètera aux promoteurs immobiliers un nombre important de lots sur plan avec une légère décote et les revendra clés en main à la fin du chantier après avoir effectué des améliorations et des plus-values ciblées. La durée de détention des unités sera donc en principe de 18 à 24 mois seulement. Indépendamment de la santé du marché, nous constatons systématiquement que les appartements ou villas construits se vendent avec un premium de 5 à 10% que les mêmes unités sur plan. Cette stratégie permet de supprimer totalement les risques administratifs et garantir une exposition au marché plus brève, puisque le fonds n’achète que dans des promotions avec permis en force. Le risque de marché sera donc lui aussi réduit, puisque la durée est plus courte. De nombreux acteurs institutionnels aux États-Unis et dans des marchés à forte croissance déploient des stratégies de placement similaires avec succès, et en Suisse, cette approche n’était jusqu’à présent pas présente à un niveau institutionnel.

Comment est venue l’idée de ce modèle?

Notre président et co-fondateur, Leonard Cohen, mène des promotions depuis plusieurs années en Romandie et il a très régulièrement été confronté aux problématiques des promoteurs qui travaillent en quote-part terrain et à qui notre fonds s’adresse principalement. Aussi, il devient de plus en plus difficile et chronophage de trouver des terrains et encore plus d’obtenir des permis de construire du fait des oppositions et des interventions des services de l’état. Du coup, la promotion se transforme en un métier très risqué et où il faut plusieurs générations parfois pour mener un projet de bout en bout et où la pertinence d’un développement n'est plus vraie quelques années après. En achetant des lots dans des promotions avec permis en force, certes l’investisseur gagne moins, mais le risque est mieux maitrisé et quantifiable.

Quelle rentabilité visez-vous?

Nous visons de 10% à 15% de rendements annualisés pour les investisseurs. Aussi nous serons financés comme un acheteur privé, ce qui réduira l’apport en fonds propres par projet. A cela s’ajoutent les privilèges fiscaux associés aux fonds immobiliers suisses régulés par la Finma pour l’investisseur. Sans rentrer dans les détails, l’argent investi sort de la fortune imposable des investisseurs durant la période d’investissement, puis les dividendes sont nets d’impôts si l’investisseur répond à certains critères. Enfin, le fonds vise à offrir une certaine liquidité avec le remboursement du capital et le paiement des dividendes après la fin de chaque projet immobilier. Nous estimons ainsi que les premiers retours arriveront dès 24 mois. Le ticket minimum est de 100'000 francs.