Démocratisation des marchés privés

Salima Barragan

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«L’intérêt de la clientèle privée se renforce», estime Nicolas Nussbaum de BlackRock.

Grace à l’évolution des structures de placement, le «ticket d’entrée» pour accéder au monde des marchés privés a décliné ces dernières années de plusieurs millions dans les véhicules traditionnels à des montants avoisinant 100'000 francs dans certains cas, pour peu que l’investisseur puisse se permettre de laisser cet argent travailler durant un certain nombre d’années. Les investisseurs privés qualifiés ont ainsi de plus en plus accès à des solutions complémentaires aux marchés publics, apportant une dimension à long terme qui permet de capter certaines méga-tendances, comme le souligne Nicolas Nussbaum, responsable de l'investissement alternatif et des hedge funds pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient (EMEA) chez BlackRock. Entretien.

Quel est votre scénario pour cette année, et comment va-t-il impacter l’évolution des marchés privés?

Notre scénario table sur une inflation plus élevée mais contrôlable, ce qui est positif pour les segments qui offrent une protection contre l’augmentation des prix et des taux flottants. En revanche, les hausses des coûts de production et des salaires constituent également un risque, notamment pour la dette privée. Les secteurs industriels pourraient être vulnérables à ces tensions sur les prix, alors que d’autres, comme les acteurs de la santé, ont la capacité de répercuter les majorations des coûts sur leurs clients et s’en sortiront probablement mieux. Notre récente analyse démontre qu’environ deux tiers de nos investissements européens en dette privée ne sont pas impactés par le renchérissement.

D’une manière générale, les marchés privés continueront à être soutenus par la forte croissance économique, des taux d’intérêts encore faibles, et surtout par une abondance de «dry powder»; des capitaux à déployer suite à d’importantes levées de fonds. Les valorisations vont demeurer élevées ce qui nous rend sélectifs. Les capacités et la différenciation du sourcing feront la différence.

L’incapacité du segment mid-market à accéder au financement public et l’attrait de l’exécution plus rapide et flexible des acteurs des marchés privés expliquent ces niveaux de primes.

Nous constatons également une convergence entre les marchés publics et privés. Par exemple, certains acteurs hésitent entre les deux pour leur financement et un nombre croissant de hedge funds n’hésitent pas à investir des deux côtés.  

Parlons de la dynamique des marchés privés. Qu’apporte-t-elle en plus au sein d’un portefeuille traditionnel?

Leurs primes d’illiquidité et de complexité demeurent attrayantes. Ainsi que les primes de risque bien que les multiples de PE aient augmenté ces derniers temps. Ceci est valable sur l’ensemble du spectre, y compris dans l’infrastructure et l’immobilier. A cela s’ajoute un biais positif de sourcing, de souscription et de sélection. Comme évoqué plus tôt, les marchés privés offrent une optique multidimensionnelle, qui s’applique non seulement entre le choix du public ou du privé, mais également multisectorielle pour investir sur différents cycles de vie, styles, ou durées des investissements. Enfin, ces placements sur le long terme sont parmi les actifs les mieux adaptés pour participer aux méga tendances séculaires

Résilience et adaptation sont vos maîtres mots. Pour quelles raisons?

Face à l’évolution incertaine, les marchés privés ont démontré leur capacité à maintenir des performances satisfaisantes quel que soit l’environnement. Cependant, il sera indispensable à l’avenir d’identifier les grandes tendances «persistantes» et faire preuve d’adaptation dans la sélection des investissements.

En règle générale, comment le private equity évolue-t-il vis-à-vis des actions?

Il a montré sa capacité de résilience dans la durée. Sur une base historique, avec des horizons de temps de 5 ou 10 ans, l’alpha annualisé généré par le private equity vis-à-vis des indices actions traditionnels est compris entre 3 et 5%. Il est probable que les chiffres de 2021 confirment cette tendance.

Quelle prime de risque articulez-vous pour la dette privée?

Notre dernière analyse a démontré que la dette privée européenne, que nous octroyons directement à des acteurs de moyenne taille de premier ordre, génère 200 à 300 points de base supplémentaires par rapport au crédit liquide traditionnel. Depuis 2008, les restrictions sur les financements bancaires ont réduit la masse des prêts bancaires auprès des entreprises européennes de 3’000 milliards d’euros (3tn). L’incapacité du segment mid-market à accéder au financement public et l’attrait de l’exécution plus rapide et flexible des acteurs des marchés privés expliquent ces niveaux de primes.

Pour finir, quelles sont vos perspectives sur les actifs réels?

Les évolutions technologiques des industries et les réponses structurelles contre le changement climatique ont porté le marché des infrastructures et de l’immobilier. C’est ce que nous nommons la révolution structurelle des 3D, pour décarbonisation, digitalisation et décentralisation. Le changement des habitudes et la désynchronisation des phases de cycle selon les régions du monde ainsi que les dispersions importantes entre les secteurs d’activité seront des sources d’opportunités à ne pas rater.

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