L’aversion aux hedge funds est un mythe

Nicolette de Joncaire

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«Les encours actuels au niveau global sont proches de leur pic historique» affirme Nicolas Nussbaum de BlackRock.

On l’a dit et répété: après avoir été l’enfant prodige de la finance, les hedge funds en seraient devenus les brebis galeuses... Pas si vite affirme Nicolas Nussbaum, responsable des hedge funds pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient (EMEA) chez BlackRock. Les chiffres vont à l’encontre d’affirmations qui tiennent de la contre-vérité. A l’heure actuelle, les encours gérés au niveau global sont de l’ordre de 3’250 milliards de dollars contre 2’000 milliards avant la crise de 2008. L’aversion pour les fonds alternatifs est un mythe, du moins au niveau global.

Pourquoi tant de rumeurs négatives autour des hedge funds?

Par manque de compréhension. Au moment de la crise de 2008, ce type de gestion a souvent déçu de nombreux investisseurs tant par ses performances qu’en raison de problèmes de liquidité et n’a pas su, en règle générale, répondre aux attentes. La réalité est que l’industrie a depuis fait son introspection et tiré les leçons de la crise pour se réinventer. Elle a perdu ses acteurs les plus fragiles, s’est renforcée d’un point de vue règlementaire avec le développement des structures UCITS, plus encadrées et, même si elle en porte encore quelques stigmates, elle se retrouve aujourd’hui plus saine, bien plus mûre qu’avant la crise. L’ensemble des segments composant traditionnellement la clientèle des hedge funds, des Family Offices aux institutionnels en passant par les fonds souverains profitent de l’assainissement de cette industrie.

«Beaucoup de participants ont disparu
mais on compte aussi beaucoup de nouveaux lancements.»
Les encours gérés le démontrent-ils?

Sans le moindre doute. Estimé aux alentours de 2’000 milliards de dollars juste avant la crise de 2008, ils se situent à présent, à 3’250 milliards, un nouveau plafond historique. Ces niveaux se maintiennent depuis 2016, reflétant peut-être l’entrée dans une phase de maturité. Il y a eu une baisse certaine des encours entre 2008 et 2010, mais depuis, l’industrie s’est reprise. Autre chiffre intéressant. Le nombre d’acteurs de l’industrie (stratégies individuelles) a marqué une hausse. Ils sont aujourd’hui plus de 8’200 alors qu’ils n’étaient que 7’600 pré-2008. Le nombre de fonds-de-fonds a par contre diminué de près de 50% globalement. Beaucoup de participants ont disparu mais on compte aussi beaucoup de nouveaux lancements. Ces dernières années ont aussi été d’une manière générale plus favorables en termes de flux aux grosses plateformes ou asset managers globaux qu’aux boutiques.

Les sorties nettes se sont pourtant accusées fin 2018.

Oui car beaucoup de fonds n’ont pas su négocier correctement les fortes rotations du marché au quatrième trimestre et, malgré un début d’année généralement bon, certaines performances sur l’année ont été clairement mauvaises. Toutefois, certains d’entre eux, surtout les fonds profitant des changements abrupts de régime de volatilité ou ceux dont les outils de gestion des risques étaient les plus affutés, ont bien tenu le cap.

«Les stratégies UCITS marchent bien partout même si elles offrent
une performance moins intéressante que les fonds traditionnels offshores.»
Certains pays sont-ils plus ouverts que d’autres?

Pour des raisons réglementaires, le marché est moins ouvert en France ou en Allemagne qu’il ne l’est en Grande-Bretagne, en Suisse, dans les pays nordiques ou au Moyen-Orient qui sont des relais de croissance. Les stratégies UCITS marchent bien partout même si elles offrent une performance moins intéressante que les fonds traditionnels offshores. Notez toutefois que le type d’investisseurs diffère dans chaque pays. 

Comme vous l’évoquiez plus haut, on note désormais une préférence pour les fonds de «gros» Asset Managers. Pourquoi?

On invoque souvent leur robustesse opérationnelle par rapport à certaines «boutiques» et la sérénité qu’ils peuvent apporter aux investisseurs et ce sont effectivement de bonnes raisons. Je pense personnellement (et les résultats le démontrent souvent) que sur certaines stratégies – comme pour l’event driven par exemple – la taille et les ressources qui l’accompagnent offrent un véritable avantage compétitif. Au-delà de la solidité opérationnelle, les grands fonds peuvent offrir des avantages en termes d’accès à l’information ou de ressources déployées qui sont hors de portée des petites structures. C’est également très vrai pour la gestion quantitative. 

«La dispersion des résultats au sein des fonds macro est très importante.»
Il semblerait qu’en 2018, les stratégies macro sont celles qui ont le mieux performé. Est-ce le cas?

Pas vraiment. Certains acteurs spécifiques ont effectivement très bien tiré leur épingle du jeu mais la dispersion des résultats au sein des fonds macro est très importante et l’indice HFRI macro est en baisse sur l’année. Donc quelques beaux succès mais aussi des échecs retentissants. Et puis les faibles taux d’intérêt sont un handicap pour ce type de gestion.

Quelles seront les stratégies les mieux adaptées au moment?

Les stratégies à faible bêta et à faible corrélation. Les long/short equity à faible exposition nette qui sont des vrais «stock pickers» devraient tirer leur épingle du jeu et certaines stratégies event driven profiteront du nombre considérable de fusions et acquisitions aux Etats-Unis (valeurs des transactions de 2’200 milliards de dollars rien que pour le 1er semestre 2019) ainsi que d’une activité très riche sur les IPO. Le retour des stratégies macro sera retardé par de probables nouvelles baisses de taux et des prédictions difficiles sur le contexte géopolitique. 

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