Assujettissement des GFI, point de situation avec l’OSIF

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

Aux deux tiers du parcours, la Finma a reçu moins de 10% des requêtes attendues. Entretien avec Philippe Perles.

Entrées en vigueur au 1er janvier 2020, les lois LEFin et LSFin exigent un assujettissement des gérants de fortune indépendants à la Finma au 31 décembre 2022, au plus tard. A ce jour, la Finma n’a encore reçu qu’un peu plus de 200 requêtes alors qu’elle en attend environ 2'500, entre gérants tiers et trustees. Aux deux tiers du délai fixé par le régulateur, les demandes se montent donc à moins de 10% du total anticipé. Comment interpréter cette situation? Comment se déroulera 2022, dernière année possible pour l’enregistrement? Les réponses de Philippe Perles, Président de l’OSIF (Organisme de Surveillance des Instituts Financiers) en parallèle de celles de Thomas Hirschi, chef de la division Asset Management de la Finma.

Comment interprétez-vous le faible nombre d’établissements qui ont déjà déposé leur requête en autorisation?

A mon sens, il y a 3 raisons principales:

Le délai octroyé à l’assujettissement étant assez long, les établissements financiers semblent préférer une période d’observation du marché et de ses alternatives plutôt que de se précipiter dans les démarches administratives.  

Une grande partie des établissements financiers concernés est constituée de petites structures et de sociétés faisant partie de la première génération de GFI.  Certains d’entre eux sont encore indécis quant au choix de l’assujettissement ou d’alternatives, telles que par exemple rejoindre une plateforme, fusionner avec d’autres entités, remettre leur fonds de commerce, etc.

Enfin, certains réalisent maintenant que l’effort nécessaire pour l’assujettissement représente un coût additionnel (recrutements, spécialistes externes, Organes de Surveillance, Finma), et ils préfèrent différer au maximum ce coût.

Comment qualifiez-vous les dossiers reçus jusqu’à maintenant? Sur quels points pourraient-ils éventuellement être améliorés?

La qualité des dossiers reçus à ce jour est assez variable, mais elle reflète l’hétérogénéité de ce marché et des différents modèles d’affaire.

De manière générale, nous constatons une meilleure qualité des dossiers lorsque l’établissement financier a fait appel à un spécialiste externe qui vient épauler la requête. Les dossiers sont alors souvent mieux ficelés, nécessitent moins d’allers-retours avec l’OSIF et leur traitement en est facilité.
A ce stade, aucun dossier soumis à la Finma via l’OSIF n’a pour l’instant été refusé.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi, l’OSIF avait anticipé l’éventualité d’un afflux tardif de demandes.
Comment avez-vous organisé et formé vos équipes pour traiter les dossiers soumis? Allez-vous renforcer ces équipes en 2022 pour gérer l’éventuel afflux tardif de demandes?

Depuis l’entrée en vigueur de la loi, l’OSIF avait anticipé l’éventualité d’un afflux tardif de demandes et elle s’est donc organisée en conséquence. Elle a ainsi fait le choix d’une organisation scalable évolutive en fonction du nombre de dossiers et éviter ainsi de prendre du retard.

L’OSIF a mis en place un processus rigoureux d’échange avec les établissements financiers et de traitement interne des dossiers, s’assurant tant de la complétude des dossiers et de leurs annexes, que de la qualité et de l’exhaustivité des réponses au questionnaire devant être rempli dans la plateforme EHP de la Finma. Pour aider les futurs assujettis au remplissage du questionnaire, l’OSIF a d’ailleurs mis à disposition sur son site internet des «tutorials».

Provenant de l’ARIF, une partie de l’équipe interne bénéficie déjà d’une parfaite connaissance des métiers des GFI et Trustees. Notre Directeur, Philippe Honhon, est lui-même titulaire d’un CAS Compliance. L’équipe s’appuie également sur nos avocats spécialisés en droit bancaire et des affaires, ainsi que des autres membres du Comité, tous spécialistes du secteur de la gestion indépendante et/ou des trusts.

Quel impact a la catégorisation des risques sur l’organisation à mettre en place pour les gérants au sein d’une société de gestion?

Si une société de gestion ou une «trust company» a un modèle d’affaire à risque accru selon les critères établis par la Finma, il est possible qu'on lui demande d'avoir un compliance officer/risk manager indépendant des activités génératrices de revenus de la société. En outre, dans l'hypothèse où cette société possède un modèle d’affaire à risque accru et un chiffre d'affaires supérieur à 5 millions de francs, ou si elle compte au moins 10 postes à plein temps, la Finma peut lui demander de mettre en place un Conseil d'administration dont la majorité des membres ne font pas partie de l'opérationnel de la société.

Comment répondez-vous aux inquiétudes des petites sociétés, qui constituent l’immense majorités des gestionnaires de fortune?

L’assujettissement est tout à fait faisable! D’ailleurs la loi a pris en compte les spécificités des toutes petites sociétés. Un dirigeant qualifié unique peut tout à fait obtenir sa licence s’il est bien organisé et le dossier rempli avec attention.  

Mais il est certain qu’avant de s’engager dans la requête en autorisation, il convient de faire un diagnostic et d’avoir une réflexion stratégique sur sa structure, ses activités, ses objectifs et son modèle d’affaire. Pour cela, des spécialistes externes (avocats, cabinets conseils, groupement de gérants) peuvent aider.

Une partie des GFI fait partie de la première génération avec des acteurs se rapprochant de l’âge de la retraite.
Pensez-vous que le renforcement de la législation pourrait accélérer le mouvement de consolidation du secteur?

La réponse est à la fois Oui et Non!

Oui, car une partie des GFI fait partie de la première génération avec des acteurs se rapprochant de l’âge de la retraite. A cela s’ajoute un contexte de marché difficile avec une concurrence accrue, un challenge de changement générationnel de leur clientèle, des marges d’exploitation plus faibles, des coûts de structure plus importants, notamment liés au poids de la réglementation.

A mon sens, ces petits ou anciens gérants seront donc plutôt enclins à remettre leur fonds de commerce ou à rejoindre une autre société ou une plateforme.

Non, car la transformation du métier de gestionnaire de fortune se déroule également au niveau des banques et l’on remarque que de nouvelles sociétés de GFI continuent de se créer chaque jour au travers d’équipes de banquiers qui décident de quitter leur établissement pour créer leur propre structure. Actuellement à l’OSIF, nous avons plus de 15% de dossiers d’assujettissement propres à de nouvelles création de GFI!

Dès lors, nous ne nous attendons pas à une réduction drastique du nombre de GFI et Trustees sur le marché mais plutôt une consolidation lente sur la durée.

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