L’autorégulation financière à la Suisse, gage d’efficience

Anne Barrat

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«Notre modèle de surveillance décentralisé participe à l’attractivité de la place helvétique», Guy Châtelain, président de l’ARIF.

L’Association Romande des Intermédiaires Financiers, créée en 1999 comme organisme d'autorégulation (OAR) en application de la LBA, a vu son périmètre augmenter en 2020 avec l'accueil des «conseillers à la clientèle» en application de la Loi sur les Services financiers. Un nouveau défi auquel cet organisme multidisciplinaire romand est d’autant mieux préparé qu’il a développé au cours des deux dernières décennies des compétences pointues pour mener à bien les missions que la Finma lui a déléguées. Faisant là la preuve que le modèle d’autorégulation financière est à la fois efficace et moins coûteux pour l’ensemble des parties prenantes. Explications avec Me Guy Châtelain.

Votre élection à la présidence de l’ARIF coïncide avec son nouveau rôle de Registre des conseillers à la clientèle. Quelle est votre vision de cette mission?

Cette mission, après être passé par le processus de sélection serré de la Finma, constitue une partie passionnante de l’avenir de l’ARIF. Nous sommes très heureux de pouvoir offrir ce nouveau service. Trois autres Organes d'enregistrement ont été agréés.  Nous ne pouvons que nous féliciter que le régulateur des marchés ait joué le jeu de la concurrence. C’est tout à l’honneur de la Suisse de donner le choix de leur Registre aux parties prenantes de l’écosystème financier.

La première question qui se pose est celle de cerner la notion même de conseiller à la clientèle, qui recouvre une grande diversité de situations professionnelles.

Accueillir les conseillers à la clientèle exerçant leurs activités au sein de sociétés prestataires de services financiers, tant en Suisse qu'à l'étranger, représente une activité complémentaire qui a tout son sens pour un OAR. L’ARIF a toutes les cartes en main (personnel qualifié, organisation, outils informatiques) pour remplir ce nouveau rôle.

Quelle stratégie l’ARIF développe-t-elle pour faciliter l’inscription des conseillers?

Après avoir mis en œuvre nos réseaux pour atteindre et orienter les candidats, la première question qui se pose est celle de cerner la notion même de conseiller à la clientèle, qui recouvre une grande diversité de situations professionnelles: distributeurs de placements collectifs de capitaux, distributeurs d'instruments financiers, conseillers en placements, qu'ils soient  basés en Suisse ou à l’étranger dans la mesure où ils œuvrent au profit de clients privés résidents suisses. «Suis-je un distributeur ou pas?» La réponse à cette question apparemment simple peut nécessiter un examen approfondi de chaque cas. C’est ce que nous faisons en déployant des ressources importantes pour répondre aux nombreux appels que nous recevons quotidiennement de personnes qui se pensent potentiellement concernées par la nouvelle réglementation. Nous avons également mis en place un formulaire de réponses aux questions les plus fréquemment posées. Nous nous efforçons ainsi d’apporter une réponse individualisée en fonction du profil qui nous est soumis. L’expérience que nous avons acquise ces vingt dernières années est un atout de taille pour accompagner les conseillers. Nos équipes ont des connaissances pointues, le processus d’enregistrement est informatisé et rapide.

Outre l’information et l'accompagnement, le troisième axe de notre stratégie est la formation, qui a toujours été un point fort de l’ARIF par rapport à ses homologues. Des séminaires spécifiques (et autres modules d'enseignement) sur les règles de comportement LSFin sont d'ores et déjà proposés et seront encore développés (en plusieurs langues) pour permettre aux conseillers de justifier du niveau de connaissances requis par la législation.

Quid des conseillers, étrangers notamment, qui ne connaissent pas cette nouvelle obligation?

Nul n’est censé ignorer la loi, encore faut-il savoir qu'elle existe. Beaucoup de conseillers à la clientèle ne sont pas encore informés de leur obligation de s’inscrire au Registre, outre ceux qui le savent mais hésitent. Les clarifications apportées par la Finma sur certains cas particuliers ont déjà permis de lever des ambiguïtés. Tous n'ont cependant pas encore compris, faute sans doute de temps ou de connaissance. C’est particulièrement le cas des prestataires de services financiers étrangers actifs en Suisse, qui se comptent en centaines sinon en milliers. Les Suisses, plus proches de l’information, ont été plus nombreux à s’inscrire: nous avons déjà enregistré plus de 700 conseillers. Pour relever ce défi, nous mobilisons principalement nos réseaux de membres existants, de connaissances dans les banques, de personnes que nous côtoyons sur la place financière. Nous ferons un bilan à la fin de l’année.

Nous avons anticipé la diminution des revenus en réduisant les charges de manière à assurer sans heurts l’équilibre financier.
La création de l’OSIF vous semble-t-elle donner un avantage pour conserver les intermédiaires financiers, voire en attirer de nouveaux, en Romandie et au-delà?

La création de l’OSIF n’est pas seulement un avantage en termes de synergies, elle était absolument indispensable pour continuer de servir globalement la communauté des intermédiaires financiers non bancaires. Les gérants de fortunes et les trustees émigreront vers l'OSIF d'ici à la fin 2022, les autres intermédiaires resteront à l'ARIF. Le tandem ARIF – OSIF constitue bien évidemment un sérieux atout dans un environnement concurrentiel. Nous avons toujours eu des membres établis en Suisse alémanique et au Tessin, et notre ambition est maintenant de tirer profit de notre double vitrine, et ainsi de notre force de frappe accrue, pour augmenter notre visibilité, aussi bien en Suisse qu'à l'étranger et faire mieux connaître la palette de services que nous sommes en mesure de fournir.

Cette nouvelle activité vous permettra-t-elle de compenser la perte de revenus liée au départ des intermédiaires financiers vers l’OSIF?

Il est aujourd’hui difficile de savoir précisément combien de nouveaux membres rejoindront le Registre, donc de quantifier le poids économique de cette activité. C’est pourquoi nous avons anticipé la diminution des revenus (côté ARIF) en réduisant les charges de manière à assurer sans heurts l’équilibre financier, tant de l'ARIF que de l'OSIF.

Quel regard portez-vous sur le système d’autorégulation dans lequel s’inscrivent LEFin et LSFin?

L’autorégulation est un modèle tout à fait original, mais parfois mal compris à l’étranger, aux antipodes de régulateurs mastodontes, bureaucratiques et onéreux. Reposant sur le sérieux d'acteurs autonomes et responsables, elle permet une décentralisation bénéfique à l’ensemble de l’écosystème financier. Le bilan de vingt ans de ce système autorégulé montre qu’il fonctionne bien et coûte moins cher à tout le monde. Il permet une surveillance effective, sans complaisance, qui offre aux clients et investisseurs un niveau de protection optimal à moindre coût. Il donne satisfaction d’un bout à l’autre de l’échiquier politique suisse, tout en contribuant à renforcer l’attractivité de la place financière helvétique.

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