La consolidation des GFI est inévitable

Anne Barrat

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Pour J.-F. Lagassé: «à terme s’effectuera une consolidation des GFI autour des plus grands, gérant au moins un milliard de francs».

La récente conférence du Groupement suisse des conseils de gestion indépendants (GSCGI) a été l’occasion de présenter l’impact des évolutions réglementaires, LEFin et LSFin, sur les acteurs de la gestion de fortune. Dans un contexte de «commoditisation» qui a vu la gestion passive gagner beaucoup de terrain par rapport à la gestion active, la double contrainte de respecter les règles de comportement inscrits dans les articles 7 à 18 de LSFin au 1er janvier 2022 et d’avoir soumis avant le 31 décembre 2022 la demande d'autorisation à la Finma prévue par LEFin, place les GFI dans un scénario propice à leur rapprochement. Explications avec Jean-François Lagassé, associé chez Deloitte.

Coût réglementaire insupportable pour les «petits» GFI

Les GFI subissent de multiples pressions. Les plus récentes sont d’ordre réglementaire, qui sonneront le glas d’une certaine idée de la gestion de fortune indépendante, très exactement de la pure gestion indépendante. Structurellement indépendante. Et ce parce que la facture de l’indépendance est lourde: une étude réalisée par la Finma et l’université de Zurich en Sciences Appliquées (ZHAW) révèle que les frais d’implémentation réglementaires induits par LEFin et LSFin sont quatre fois plus élevés que les frais actuels. Quant aux dépenses annuelles liées à la conformité réglementaire, elles représentent entre 2,4 et 3 fois celles d’aujourd’hui. Une note salée difficile à payer pour la majorité des GFI dont la médiane d’actifs sous gestion est d’environ 150 millions de francs. 

«Les plus petits GFI se rapprocheront, transmettront leurs actifs aux banques dépositaires ou encore se mettront en liquidation.»

Ces boutiques qui vivaient bien jusque récemment avec moins de dix employés, et une grande polyvalence des fonctions, auront la plus grande difficulté à rester rentables dès lors qu’elles auront payé la facture de la séparation des fonctions de risk management, de compliance et de contrôle interne que supposent les nouvelles lois. Une usine à gaz pour les GFI de taille petite et moyenne – 80% gèrent entre 150 et 250 millions de francs –, qui vivaient d’autant mieux qu’ils ne subissaient pas, ou moins, une autre source de pression, celle de la transparence sur les frais de gestion. Autant de facteurs qui feront que «les plus petits GFI se rapprocheront, transmettront leurs actifs aux banques dépositaires ou encore se mettront en liquidation» indique Jean-François Lagassé. 

Impossible d’échapper aux précédents bancaire et européen

Cette tendance inéluctable mettra fin aux parcours radicalement différents qu’ont connu ces dix dernières années les banques privées et les GFI helvétiques. Alors que les premières ont connu une importante phase de consolidation, les seconds ont vu leur nombre augmenter, de quelque 2'000 à plus de 2'500. «Contrairement aux banques, les GFI n'ont pas ou peu connu de mouvement de consolidation ces dernières années, souligne Jean-François Lagassé. Nous avons vu une augmentation du nombre de GFI la dernière décennie pour atteindre 2'500 aujourd’hui. La principale raison tient à ce que, en dehors de la LBA, ils n'ont pas été soumis à de grandes évolutions réglementaires. Une seconde raison est la consolidation au sein des banques actives dans la gestion fortune.» Cette tendance réconciliera en revanche les parcours des GFI en Europe et en Suisse: «ce mouvement de consolidation devrait s’accélérer ces prochains mois et années, poursuit Jean-François Lagassé. On l’a d’ailleurs vu dans d’autres pays européens, les rapprochements entre GFI ont augmenté lorsque la réglementation s’est durcie.» 

«La sur-estimation des vendeurs sur la valeur exacte de leur entreprise représente un frein aux transactions.»
Réglementation plus puissante que les barrières culturelles

Ceux qui survivront sont ceux qui auront su se réinventer. Facile à dire, moins à réaliser. Tant il est vrai que «les principaux freins à la consolidation sont la compatibilité culturelle et l’attachement à l’indépendance. Des facteurs qui jouent aussi bien pour l’acheteur que pour le vendeur, commente Jean-François Lagassé». Des vendeurs bien souvent réticents jusque-là: «la sur-estimation des vendeurs sur la valeur exacte de leur entreprise représente un frein aux transactions, ajoute-t-il. Souvent ceux-ci sous-estiment les facteurs tels que la dépendance envers les actionnaires et le personnel clef et la concentration de clientèle».

Environnement de marché favorable à la consolidation

Fort heureusement, un facteur externe est là qui, indéniablement, offre un terrain d’entente aux acheteurs et aux vendeurs: «le contexte est favorable à des rapprochements de GFI: les niveaux de valorisation sont élevés, résultat de la forte croissance des marchés actions et des plans de relance qui ont alimenté des hausses de revenus et de rentabilité. De plus, les potentiels acheteurs sont prêts à mettre des multiples de bénéfices importants pour acquérir des AuM, des compétences, ou des services complémentaires, conclut Jean-François Lagassé.»

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