La répression financière reste le principal moteur de l’évolution du marché immobilier en Europe.
L’essoufflement économique s’est poursuivi au cours du premier semestre 2019. L’inflation ne donnant aucun signe d’accélération significative, une baisse substantielle des taux d’intérêt à long terme est intervenue. De l’avis général, les taux directeurs ne seront pas relevés de sitôt. La répression financière reste donc le principal moteur de l’évolution de l’immobilier européen.
Jusqu’à fin 2019, une impulsion budgétaire notable devrait porter le PIB à un niveau proche ou légèrement en-deçà de son potentiel à long terme dans la plupart des pays européens. Cependant, le risque à moyen terme de récession superficielle et temporaire a progressé pour les économies exportatrices. Sans surprise, le moral de l’industrie en Allemagne, Autriche, République tchèque et Suisse s’est détérioré au premier semestre 2019: l’indice des directeurs d’achat du secteur manufacturier y est bien inférieur aux 50 points.
eu un effet immédiat sur l’appétit des investisseurs.
En Europe occidentale, l’Irlande, la Belgique, les Pays-Bas, la Suède et la France semblent moins pâtir de ces vents contraires. La France suit un cycle économique qui lui est propre : la dynamique semble s’être accélérée au deuxième trimestre 2019 avec le transfert de l’Autorité bancaire européenne (ABE) de Londres à Paris, entraînant des délocalisations dans le secteur financier. Les dépenses d’infrastructure en vue des Jeux olympiques de 2024 contribueront elles aussi à la croissance à moyen terme. Par ailleurs, outre les tensions nées de la politique commerciale des États-Unis, les obstacles politiques internes pèsent encore sur le moral des investisseurs et des consommateurs : au Royaume-Uni, le risque extrême d’un Brexit dur s’est accru ce dernier semestre. En Italie, tandis que la coalition antisystème poursuit une politique budgétaire conflictuelle avec Bruxelles, l’économie continue de stagner.
Au vu des chiffres, le ralentissement économique a apparemment eu un effet immédiat sur l’appétit des investisseurs et donc sur le volume des transactions en début d’année. D’après Real Capital Analytics (RCA), il a été de 44,5 milliards d’euros au T1 en Europe, bien moins que la moyenne récente de 71 milliards d’euros. Le nombre de transactions finalisées est lui au plus bas en six ans. Toutefois, le ralentissement de la croissance ne pèse pas sur les chiffres, c’est plutôt sa combinaison avec les prix élevés, la rareté des biens de qualité et l’incertitude politique. Malgré une absence de relèvement prochain, les investisseurs sont plutôt optimistes : l’investissement immobilier conserve un attrait relatif, alimentant le cycle, tandis que les rendements s’essoufflent. La polarisation s’accentue de tous côtés, obligeant les investisseurs à suivre de près les évolutions de chaque marché.
au Royaume-Uni qu’en France et en Allemagne.
Au Royaume-Uni, le rendement total annuel était tombé à 4,4% à la fin de mars 2019, contre 6,0% en 2018. La cause en est le tassement des prix dans la plupart des segments, qui a entraîné une absence généralisée de croissance du capital. Le volume de transactions a pourtant mieux résisté au Royaume-Uni qu’en France et en Allemagne, en dépit du Brexit. L’Allemagne signe à nouveau une performance solide. Le rendement total est de 10,2% en 2018, soit une baisse attendue par rapport à une année 2017 record (10,9%). La France a également connu un recul en 2018, de 8,4% à 7,1%. De tous les principaux marchés, seule la Suisse a vu son rendement total augmenter (de 5,8% à 6,1%), grâce à la forte demande des investisseurs. Qui plus est, la construction résidentielle en Suisse, mais aussi partiellement en Allemagne, reste très élevée, accentuant davantage la polarisation entre zones urbaines et périphériques. Il devient impératif pour les investisseurs de sélectionner avec soin leurs actifs selon les tendances locales et les besoins locatifs, un constat valable pour tous les pays.
La pénurie d’actifs de qualité en Europe, notamment dans le secteur des bureaux, rend difficile la sélection d’actifs. Malgré l’essor des constructions, la demande devrait rester excédentaire, poussant les loyers à la hausse. Avec le ralentissement économique, la pénurie d’offre porte le secteur, et les rendements restent stables. Les investisseurs à la recherche d’actifs de qualité entre 20 et 50 millions d’euros peineront à trouver une opportunité convenable. L’offre stagnant, les biens s’arrachent dès leur arrivée sur le marché, affectant les prix, souvent sans aucune logique. Le cycle se prolongeant depuis un moment, la plupart des actifs ont déjà été transférés et normalement optimisés par le vendeur ou le revendeur. Acquérir des actifs ayant un potentiel d’amélioration est difficile. En outre, les loyers reflètent déjà les atouts.
à terme augmente dans le contexte actuel.
Certains acteurs continuent de tabler, dans leurs analyses et prévisions de croissance, sur la récente solide hausse des loyers, afin de pouvoir acquérir un bien. Une approche rappelant 2006 et 2007. Il n’est pas sûr qu’elle soit judicieuse pour le marché et l’investisseur individuel. L’absence d’alternative fait souvent hésiter les investisseurs institutionnels à vendre des actifs de qualité, et la liquidité diminue. La promotion immobilière serait une option d’accès à des produits de bonne qualité, mais elle ne suffit pas à augmenter l’offre. Avec la rareté des terrains dans les centres-villes, il faut des projets de rénovation ou de démolition/reconstruction. A défaut, promoteurs et investisseurs doivent acheter en banlieue, où la disponibilité est élevée, mais le risque (emplacement et actif) aussi. Malgré tout, l’importance des contrats de financement à terme augmente dans le contexte actuel. Savills note qu’au premier semestre 2019, les projets de développement représentaient 22% des transactions individuelles dans le secteur résidentiel allemand, une donnée potentiellement sous-évaluée.
Depuis dix ans, les ventes en ligne signent une croissance annuelle à deux chiffres qui, si elle commence à fléchir, reste supérieure à celle du CA total du commerce de détail européen, à seulement 1% (JLL). Le commerce électronique en Europe devrait atteindre un volume de 621 milliards d’euros d’ici fin 2019, une hausse de 13,6% par rapport à 2018, affectant le commerce de détail et la logistique. La course à la réduction des délais de livraison et l’augmentation du trafic en ville appellent de nouvelles solutions. Des e-commerçants comme Zalando ouvrent non seulement des bou-tiques, mais envisagent aussi de les utiliser pour créer des plateformes de distribution plus petites et centralisées.
Sur un marché immobilier de plus en plus concurrentiel, les investisseurs cherchent à élargir leurs opportunités. Dans le secteur résidentiel, l’essor de la demande se nourrit de tendances de fond: évolution démographique, réduction de la taille des ménages, urbanisation et boom de la flexibilité. Selon RCA, les appartements occupés sont désormais le second secteur en Europe derrière les bureaux. En Irlande, Norvège, Belgique et au Portugal, les volumes d’investissement signent un record sur les 12 derniers mois. Parallèlement, les placements résidentiels conservent les faveurs en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas et dans les pays nordiques, où ils sont bien établis et très prisés. Les moteurs clés conservant leur dynamisme, le développement devrait se poursuivre et l’intérêt des investisseurs rester élevé. Les décisions politiques seront déterminantes sur ces marchés développés, comme en l’Allemagne, dans les pays nordiques et en Suisse.