Une crise du logement inéluctable se dessine à l’horizon

Communiqué, Raiffeisen

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«Les cantons de Genève, Zurich et Zoug affichent des taux de logements locatifs vacants nettement inférieurs à 1%», indique Martin Neff, chef économiste de Raiffeisen Suisse.

  • Le marché du logement suisse se dirige vers une pénurie de logements.
  • La raréfaction des objets, l’inflation et les taux d’intérêt haussiers conduiront bientôt à une forte augmentation des loyers.
  • Malgré les premiers signes de détente constatés sur le marché de la propriété, la flambée des prix se poursuit.
  • La baisse de la demande pour les objets de rapport exerce une pression sur les prix et les estimations.

Les logements sont de plus en plus rares en Suisse. Les locaux vacants diminuent rapidement, et après les prix des logements en propriété, ce sont à présent les loyers qui augmentent. Dans un environnement de prix des terrains à bâtir extrêmement élevés, avec des règlements de construction et des plans de zones stricts ainsi qu’une population encline à faire opposition, la construction de logements était déjà en recul depuis un certain temps. La population suisse, qui connaît une croissance dynamique et vit dans des espaces toujours plus importants, a donc besoin de beaucoup plus de logements que ce qui est actuellement mis sur le marché. «Les taux en hausse et le renchérissement des coûts de la construction mettent à mal les incitations à bâtir des logements. En même temps, la pénurie de main d’œuvre qualifiée et la guerre en Ukraine renforcent l’immigration déjà importante. Le constat de Martin Neff, chef économiste de Raiffeisen Suisse est sans appel: «Nous nous dirigeons tout droit vers une crise du logement».  

Les locataires vont devoir faire face à une période difficile

Le manque de logements en dehors des localités les plus prisées est un phénomène relativement récent sur le marché locatif. Avec le boom de la construction de logements locatifs de la dernière décennie, le nombre de logements vacants n’a cessé de croître jusqu’à il y a deux ans. La forte réduction de la construction amorcée à la fin des années 2010 se traduit avec un certain décalage, mais de façon d’autant plus nette, par la pénurie d’offre de logements locatifs. Depuis le début de l’année, le taux de logements vacants est passé de 1,54 à 1,31% au niveau national. Cette baisse record concerne principalement les logements locatifs, le taux de vacance étant déjà très bas sur le marché de la propriété. «De nombreux marchés locatifs régionaux connaissent déjà une pénurie de logements, sur certains marchés il s’agit même d’une réelle crise. Pour citer quelques exemples, les cantons de Genève, Zurich et Zoug affichent des taux de logements locatifs vacants nettement inférieurs à 1%», indique Martin Neff.

D’ici 2024, le taux de logements vacants en Suisse devrait passer sous la barre des 1%», estime-t-il. Les locataires qui déménagent seront bientôt confrontés à des loyers initiaux bien plus élevés. Et les loyers des contrats de bail existants vont connaître également une forte augmentation dans un avenir proche. En raison de la forte augmentation des taux hypothécaires moyens, il faut s’attendre à une première augmentation de 1,5% du taux d’intérêt hypothécaire de référence au cours du premier trimestre 2023. Conformément au droit du bail, les loyers indexés sur le taux d’intérêt de référence actuel pourront alors être augmentés de près de 3% par les bailleurs. A cela s’ajoutent la compensation de l’inflation stipulée par la loi et les hausses des frais généraux. Certains locataires pourraient subir des augmentations de loyer atteignant jusqu’à 10% d’ici 2024.

De timides signes de ralentissement

L’attente d’un niveau d’intérêt durablement haussier ne passe pas complètement inaperçue sur le marché de la propriété. Entretemps, les premiers signes de détente se font sentir. Le nombre d’abonnements sur les portails en ligne pour la recherche active d’un logement à acheter a reculé de près de 6% par rapport au trimestre précédent. Les vendeurs et vendeuses semblent également être progressivement plus enclins à faire des compromis sur les prix. Au troisième trimestre 2022, les prix demandés pour les maisons individuelles ont légèrement baissé pour la première fois depuis longtemps (-1,5% par rapport au trimestre précédent). «L’évolution des prix est un premier indice du léger fléchissement de la dynamique des prix. Il est donc tout à fait possible que nous soyons confrontés à une évolution négative des prix des transactions au cours de l’un des prochains trimestres. Cela serait certes une première dans l’histoire récente du marché de la propriété, mais la tendance de l’évolution des prix restera à la hausse à l’avenir», tempère Martin Neff. Pour la simple raison que la propriété du logement reste une denrée rare en Suisse. Bien que certains particuliers profitent du niveau élevé des prix, compte tenu du revirement des taux, pour réaliser des bénéfices en vendant, cela ne devrait pas suffire à inverser la dynamique des prix, car la demande reste importante.

Le début d’une nouvelle ère pour les placements immobiliers

En revanche, le marché des immeubles de rapport s’assombrit. Avec la fin abrupte des taux négatifs, le contexte du marché des placements immobiliers directs a fortement évolué. Cela se concrétise notamment par une correction de valeur spectaculaire des fonds immobiliers suisses. Si la capitalisation boursière de tous les fonds immobiliers cotés se situait encore à 45% au-dessus de sa valeur nette d’inventaire à l’automne 2021, cette différence est tombée à 11% à la fin du mois d’octobre 2022. De nombreux éléments semblent actuellement indiquer un net recul de la demande pour les objets de placement. En raison de l’augmentation des frais de financement, de nombreux investissements financés par l’emprunt ne sont plus rentables. Le modèle buy-to-let, très lucratif pour les particuliers ces dernières années, n’est aujourd’hui plus rentable dans bien des cas.

Mais il faut également s’attendre à une plus grande prudence de la part des investisseurs institutionnels. Les rendements initiaux, à un niveau exceptionnellement bas ces dernières années, devraient être bien moins acceptés par les investisseurs qu’ils ne l’étaient dans un contexte de taux bas, car certains placement alternatifs, tels que les titres à rémunération fixe par exemple, deviennent plus attractifs. «L’euphorie des dernières décennies arrive à son terme sur ce marché. Il faut s’attendre à une pression accrue sur les prix des transactions et de fait sur les évaluations dans les portefeuilles immobiliers», constate Martin Neff. Le marché sera toutefois soutenu par l’évolution prévue des loyers. La hausse des revenus à venir devraient empêcher le marché des immeubles de rapport de s’effondrer.

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