«L’augmentation des abonnements de recherche concerne autant les logements en location qu’en propriété», constate Martin Neff dans l’étude «Immobilier Suisse».
Le marché du logement en propriété reste extrêmement solide, même en ces temps agités. Le plus grand effondrement économique depuis la crise pétrolière de 1973 n’a, pour l’instant, guère eu d’impact sur le marché de l’immobilier privé. En Suisse, tant le nombre de transferts immobiliers que les tarifs pratiqués tendent à montrer que l’intérêt ne fléchit pas. Bien au contraire, le fait d’avoir passé plus de temps à la maison en raison de la situation ce printemps semble avoir suscité une prise de conscience par rapport au cadre de son logement. En effet, les principaux portails immobiliers enregistrent une très nette augmentation du nombre d’abonnements de recherche: près de 10% pour les maisons individuelles, et plus de 6% pour la propriété par étages. Cet intérêt accru laisse supposer que les Suisses souhaitent encore améliorer un jardin ou une pièce supplémentaire. «On ne constate néanmoins pas de hausse de la demande de logements en propriété. L’augmentation des abonnements de recherche concerne autant les logements en location qu’en propriété», constate Martin Neff, chef économiste chez Raiffeisen, dans l’étude «Immobilier Suisse». Malgré la perte d’attrait supposée des centres urbains à l’heure du coronavirus, on ne constate pas d’engouement accru pour les logements à la campagne.
Au début de la pandémie, les taux d’intérêt des hypothèques à taux fixe sur le long terme avaient momentanément augmenté en raison de la forte hausse des primes de risque. Les mesures d’aide étatique et les interventions rassurantes de bon nombre de banques centrales ont permis aux taux hypothécaires suisses de se rapprocher à nouveau de leurs niveaux historiquement bas. L’octroi de crédits hypothécaires a, certes, quelque peu diminué durant le confinement partiel. Néanmoins, en raison des conditions de financement qui restent très intéressantes, le volume des crédits continue à croître - pour l’instant à un rythme comparable aux années précédentes avec une augmentation supérieure à 3%.
Grâce aux taux d’intérêt bas, la propriété du logement reste très attractive, également à l’avenir. Une offre déjà restreinte et le nombre fléchissant des demandes de permis de construire permettent de garantir des prix plancher. Toutefois, la probabilité de nouvelles hausses de prix reste limitée en raison du niveau actuel élevé des prix, du calcul strict de la capacité financière et de la baisse escomptée des revenus suite à la crise.
L’impact de la pandémie a été beaucoup plus important sur le marché des logements locatifs que sur celui du logement en propriété. L’offre excédentaire d’appartements est encore renforcée, notamment en raison de la baisse du solde migratoire, même si le nombre de projets immobiliers et de constructions a déjà diminué par rapport à avant la pandémie. A l’avenir, cela se traduira par une hausse du nombre des logements vacants. Raiffeisen s’attend à ce que le taux record des logements vacants de 1,85% enregistré en 1998 soit dépassé au plus tard l’année prochaine. Les nouveaux loyers ont reculé de 0,4% au cours du deuxième trimestre alors que les baux en cours sont en légère augmentation de 0,2%. De ce fait, la pression exercée sur les nouveaux loyers va encore augmenter.
La pandémie a touché fortement les prestataires proposant des locations de courte durée aux touristes ou à la clientèle d’affaires. Dans les cantons urbains tels que Zurich, Genève et Bâle, près de 20% des offres Airbnb ont disparu en un an. Ainsi, on estime le nombre d’appartements initialement Airbnb et à présent intégrés au marché des logements locatifs à long terme, à plus de 500 à Zurich, plus de 400 à Genève, plus de 250 à Bâle. «Ces appartements sont une bouffée d’oxygène bienvenue pour les marchés des villes asséchés, dont le taux de vacance se situe dans l’ordre du pour mille», en conclut Martin Neff.
La crise du coronavirus a impacté moins fortement le marché immobilier des bureaux en Suisse, qui s’en sort relativement bien car il n’a pas été touché de plein fouet par les mesures sanitaires. Toujours est-il que les effets économiques se feront certainement ressentir à moyen terme. La digitalisation accélérée par la crise constitue un enjeu particulier pour les acteurs du marché. Les économistes de Raiffeisen sont convaincus que le télétravail, qui a fait son apparition durant la pandémie, va s’établir durablement. Pour de nombreuses petites et grandes entreprises, aujourd’hui locataires de bureaux classiques, il faut s’attendre à une forte libéralisation des réglementations en matière de télétravail. «La pression risque d’être forte sur les employeurs qui souhaitent rester attractifs, proposer des concepts de home office et des conditions de télétravail souples afin de fidéliser les employés qualifiés et d’en recruter de nouveaux», déclare Martin Neff.
A moyen terme, il est probable que davantage de bureaux soient disponibles sur le marché, entraînant ainsi une hausse de l’offre déjà conséquente en raison de la construction de nouveaux bâtiments. Parallèlement, la demande de bureaux est susceptible de fléchir, surtout dans les zones moins bien situées. Néanmoins, une baisse massive du besoin de bureaux ne semble pas réaliste dans l’immédiat en raison des baux en cours. Avec l’expérience croissante de la «nouvelle normalité», de nouveaux potentiels d’économies émergeront toutefois bientôt. A long terme, la crise COVID-19 est susceptible de modifier durablement l’équilibre entre l’offre et la demande sur ce marché.
Le marché des surfaces commerciales et de vente au détail se trouve confronté à des défis similaires. Raiffeisen n’a encore constaté aucun signe indiquant que le marché serait submergé de surfaces commerciales récemment résiliées suite à la pandémie. C’est probablement dû en partie à l’inertie du marché, notamment dans le segment des locaux commerciaux souvent régis par des baux à longue échéance et de longs délais de résiliation. Ainsi, le marché ne subira pas immédiatement les chocs à court terme. Même si un entrepreneur se voit contraint de cesser son activité en raison du coronavirus, il s’écoulera un certain temps avant que la surface en question ne se retrouve véritablement sur le marché. Les perspectives concernant les surfaces commerciales restent toutefois plutôt sombres malgré la reprise plus ou moins notable sur le marché de détail.
Pour l’instant, il n’y a pas de véritable retour à la normale et le nombre de cas actuels indique que le virus continuera à faire partie de notre quotidien pendant un certain temps encore. De nombreuses entreprises sont toujours confrontées à une forte baisse de la clientèle, essentielle à leur survie. En effet, si des clients font défaut, bien des commerces ne sont plus rentables. En dépit des aides financières étatiques massives, il faut s’attendre à des fermetures. Il ne sera pas possible de sauver toutes les sociétés en péril. Pour les bailleurs de surfaces commerciales, il est donc primordial en des temps difficiles et tout particulièrement à l’heure actuelle, de ne pas perdre leurs locataires de longue date, aux modèles d’affaires éprouvés. La disposition à faire des compromis et la flexibilité envers les locataires fidèles seront de mise pour réussir à surmonter les turbulences encore à venir.
L’étude «Immobilier Suisse» fournit chaque trimestre un état des lieux détaillé du marché de l’immobilier en Suisse. Retrouvez l’étude actuelle et de plus amples informations sur www.raiffeisencasa.ch.