L’Etat italien, principal actionnaire, a souhaité cette décision alors qu’il est en pleines négociations avec la Commission européenne sur le nouveau plan de relance de la banque.
L’histoire tumultueuse de la banque italienne Monte dei Paschi di Siena (BMPS), la plus vieille de la planète, a connu lundi un nouvel épisode tendu avec le limogeage de son CEO par les membres du conseil d’administration.
Après plusieurs jours de spéculations sur le départ imminent de Guido Bastianini, 63 ans, la banque a confirmé lundi sa révocation et son remplacement par Luigi Lovaglio, ancien patron de la banque Creval. La décision a été prise «à l’unanimité».
M. Bastianini a été poussé vers la sortie par l’Etat italien, principal actionnaire de la banque depuis son sauvetage public en 2017 et qui est en pleines négociations avec la Commission européenne sur le nouveau plan de relance de la BMPS.
Selon la presse italienne, le Ministère de l’économie souhaitait ainsi donner «un signal de discontinuité» en direction de Bruxelles, d’autant que la banque n’a pas réussi à atteindre tous les objectifs de son précédent plan de restructuration.
Plusieurs personnalités du monde politique italien étaient intervenues publiquement en faveur de M. Bastianini qui avait été nommé en avril 2020 par le précédent gouvernement dirigé par Giuseppe Conte et passe pour un proche du Mouvement cinq étoiles (M5S, antisystème).
Le nouveau PDG, Luigi Lovaglio, 66 ans, avait dirigé la banque régionale Creval pendant trois ans, jusqu’en juin 2021. Il avait démissionné de son poste après la finalisation de son rachat par le groupe mutualiste français Crédit Agricole.
Auparavant, ce diplômé en économie et commerce de l’université de Bologne avait passé toute sa carrière chez UniCredit, actuellement deuxième banque italienne, qu’il avait rejointe en 1973 et où il a acquis une grande expérience en fusions-acquisitions.
Il pourra directement intégrer le conseil d’administration, grâce à la place laissée vacante par une représentante de l’État qui a démissionné vendredi. Un geste rendu nécessaire dans la mesure où M. Bastianini reste membre du conseil d’administration, ce qui risque d’être une source de tensions.
Les négociations avec Bruxelles avaient repris début décembre et portent sur la recapitalisation de la banque, de nouvelles réductions des coûts et une extension du délai accordé à l’État pour se désengager de la BMPS, qui a expiré à la fin de l’an dernier.
La banque a pris du retard sur son plan de restructuration négocié en 2017 avec la Commission européenne, notamment en matière de suppressions d’emplois et de renforcement de ses capitaux.
Autre revers, la BMPS n’a toujours pas trouvé de repreneur, ce qui aurait permis à l’État italien de se défaire de sa part de 64,2% avant la date butoir fixée par Bruxelles.
Rome et UniCredit avaient échoué en octobre à s’accorder sur un rachat par la deuxième banque italienne d’une participation dans Monte dei Paschi. Ces discussions ont notamment buté sur le montant d’argent public exigé par UniCredit pour reprendre la BMPS.
Faute d’acheteur, la banque a soumis à Bruxelles en décembre un nouveau plan stratégique qui prévoit une augmentation de capital de 2,5 milliards d’euros à réaliser en 2022.
Un plan de départs volontaires, dont l’ampleur n’a pas été chiffré, devrait permettre d’économiser environ 275 millions d’euros par an.
A en croire la presse italienne, Bruxelles aurait jugé insuffisante la réduction des coûts proposée, d’où la recherche d’un successeur.
Considérée comme le maillon faible du système bancaire italien, la BMPS continue ainsi à être un casse-tête pour le gouvernement de Mario Draghi.
Fondée en 1472 à Sienne en Toscane, dont elle est le pilier économique, la BMPS ne s’est jamais remise de l’acquisition désastreuse en 2007 de Banca Antonveneta, au double du prix estimé.
La banque a ensuite été éclaboussée par un scandale impliquant son équipe dirigeante, accusée de fraude et de malversations.
Mise à mal par la crise de la dette de la zone euro en 2008 et ployant sous une montagne de créances douteuses - des prêts risquant de ne jamais être remboursés -, la banque a accumulé de lourdes pertes.
L’Etat avait dû voler à son secours avec un sauvetage public qui a coûté 5,4 milliards d’euros aux contribuables italiens.
La banque de Sienne, qui avait bénéficié d’un sauvetage public de 5,4 milliards d’euros en 2017, avait accusé une perte nette de 1,68 milliard d’euros en 2020.
Le désormais ancien CEO de BMPS, Guido Bastianini, limogé lundi par le conseil d’administration, peut ainsi se targuer d’avoir remis à flot les comptes de Monte dei Paschi di Siena, maillon faible du système bancaire italien, qui avait accumulé de lourdes pertes.
La banque a affiché ainsi un bénéfice opérationnel de 629,2 millions d’euros en 2021, contre une perte de 20,3 millions d’euros un an auparavant.
Les revenus de BMPS ont augmenté de 1,3% à 2,97 milliards d’euros l’an dernier, tirés par les commissions nettes qui ont grimpé de 3,8% à 1,48 milliard d’euros.
Au quatrième trimestre, la banque est cependant repassée dans le rouge, avec une perte nette de 78,6 millions d’euros, contre un résultat négatif de 154,5 millions sur la même période un an auparavant.
Son ratio de fonds propres CET1 en pleine application («fully loaded»), indice très suivi par les analystes car il mesure la solidité financière de la banque, a augmenté à 11% fin décembre, contre 9,9% un an auparavant.
Signe de sa fragilité persistante, BMPS avait fini dernière des cinquante banques européennes soumises à des tests de résistance, dont les résultats ont été publiés fin juillet par l’Autorité bancaire européenne.
La Banque centrale européenne lui a demandé début février de renforcer davantage ses fonds propres.
La BMPS avait annoncé en décembre son intention de lancer une augmentation de capital de 2,5 milliards d’euros en 2022 afin de renforcer ses fonds propres, dans le cadre de son nouveau plan stratégique approuvé par son conseil d’administration.
Cette annonce survenait après l’échec des négociations fin octobre entre le gouvernement italien et UniCredit en vue du rachat par la deuxième banque du pays d’une participation dans Monte dei Paschi.
Rome avait ainsi cherché en vain à se défaire avant la fin de l’année 2021 de la part de 64,2% que l’État italien détient dans BMPS, conformément aux exigences de la Commission européenne.