S’exposer à l’or en 2024

Emmanuel Ferry, Union Securities Switzerland SA

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Le risque extrême de débasement monétaire doit être adressé dans les portefeuilles. L’or est l’option à privilégier, dans un contexte d’amorce d’une nouvelle tendance haussière.

La configuration technique est désormais très favorable pour l’or. Après une période de près de trois années de consolidation latérale dans un range de 1650/2030 dollars, l’amorce d’un break-out laisse entrevoir une nouvelle tendance haussière, qui pourrait propulser les cours de l’or vers 2500/2700 dollars à l’horizon 2025-26. Le scénario macro-financier sous-jacent devrait soutenir ce nouveau cycle d’appréciation.

Historiquement, l’or est la meilleure classe d’actifs en fin de cycle, ce qui devrait être validé une fois de plus avec l’alignement favorable des déterminants fondamentaux. La politique monétaire de la Fed va connaitre une inflexion cette année après un resserrement monétaire majeur en 2022-23 (+525 pb à 5,50% pour le taux des Fed Funds, soit un niveau supérieur au pic de 2007). Le mois d’octobre a vu le retournement marqué des anticipations sur la politique monétaire de la Fed, avec jusqu’à plus de six baisses de taux attendues cette année. Cela a permis à l’or de s’apprécier de près de 12% au quatrième trimestre 2023, plus forte variation trimestrielle depuis le T2 2020. Ces attentes de détente monétaire sont sans doute excessives, et toute révision de ces anticipations sera l’occasion d’avoir un point d’entrée sur l’or.

La normalisation des taux réels vers un niveau plus soutenable pour la sphère économique et financière va soutenir la tendance haussière de l’or à moyen terme.

Parallèlement à l’inversion du cycle de la politique monétaire, le repli attendu des taux d’intérêt réels constitue une force de rappel à la hausse pour l’or. Rappelons que le taux d’intérêt réel représente le coût d’opportunité lié à la détention de l’or pour l’investisseur. L’inverse du taux réel est en quelque sorte le proxy d’un P/E théorique pour l’or. La forte remontée des taux d’intérêt réels à 10 ans de -1,1% fin 2021 à 2,5% en octobre 2023 a naturellement pesé sur l’or. La normalisation des taux réels vers un niveau plus soutenable pour la sphère économique et financière va soutenir la tendance haussière de l’or à moyen terme.

L’or répond à des besoins spécifiques de diversification et de couverture pour les investisseurs. D’abord, il s’agit de couvrir le risque baissier sur le dollar. Le dollar est sur un point haut structurel, équivalent au pic de 2000-01. Le taux de change effectif réel du dollar est à 15% de sa moyenne de long terme et à 25% de son bas de cycle structurel. Le risque de dépréciation du dollar n’est pas à exclure, dans un contexte politique unique aux Etats-Unis. L’hypothèse de débasement monétaire est théorique, jusqu’au moment où elle se matérialise brutalement. Le risque de crise d’excès d’endettement public est réel aux Etats-Unis, avec 4 trillions de dollars de refinancement attendu en 2024. Les déficits publics sont les plus élevés jamais connus en temps de paix, et leur refinancement est de plus en plus menacé par le retrait progressif des créanciers souverains historiques. L’Europe est dans une situation encore plus critique.

Le débat sur l’inflation est loin d’être clos. L’inflation va immanquablement revenir en raison d’une combinaison reflationniste agressive dans un contexte électoral et populiste. Il y a un risque élevé que les gouvernements prolongent durablement la réponse reflationniste, ce qui entrerait en conflit avec les forces structurelles désinflationnistes (globalisation, technologie, supply chains). L’or s’apprécie lorsque l’inflation progresse au-delà de 3% et devient le meilleur diversifiant du risque Actions et obligataire. Historiquement, les chocs inflationnistes les plus durables ont pour origine une crise des finances publiques (République de Weimar, Argentine). Ce type d’événement constitue un risque extrême, avec une très faible probabilité d’occurrence. Il combine crise politique, crise monétaire, crise des finances publiques, crise économique, et crise sociale. Il doit être adressé dans un optique de préservation du capital en termes réels.

L’or a été la meilleure classe d’actifs au cours de trois décennies au XXe siècle: +7,6% (rendement annualisé corrigé de l’inflation) sur la décennie 1930-39 vs. +3,9% pour un portefeuille 50/50 (actions et obligations d’Etat), +21,7% vs. -1,4% sur la période 1970-79, +11,5% vs. 0% au cours de la décennie 2000-09. La décennie actuelle pourrait être à nouveau gagnante pour l’or et perdante pour le portefeuille 50/50.

Nous recommandons une allocation en métaux précieux de 12% en 2024 contre un poids neutre de 6% pour un profil Balanced. Nous favorisons des expositions convexes avec une protection en capital car l’or demeure un actif risqué, notamment lors des phases de liquidation forcée des portefeuilles. L’or devrait donc être en mesure de couvrir une large partie du portefeuille en cas de «tail risk event», dont l’origine pourrait être cette fois les Etats.

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