La réallocation du cash en tête de la feuille de route pour 2024

Emmanuel Ferry, Union Securities Switzerland SA

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Le thème central de l’allocation d’actifs sera la réallocation du cash accumulé en 2023 vers des thématiques de fin de cycle. L’implémentation comptera davantage que les vues de marché.

Il y a un an, le risque était d’être trop pessimiste et de démarrer l’année en étant sous-investi. Maintenant, le risque est la capitulation et l’excès de complaisance. L’année 2023 s’achève donc sur un contexte inversé à ce qui prévalait il y a un an: une croissance économique revue en hausse aux Etats-Unis en raison de la résilience du consommateur, un pic de la politique monétaire de la Fed, un point bas de la volatilité, une performance supérieure à la moyenne du portefeuille 50/50 (+10,5% début décembre en dollar après -14,6% en 2022), un positionnement des investisseurs institutionnels surpondéré en actions, un régime de marché résolument risk-on.

Les marchés financiers intègrent donc désormais un scénario de no landing et de transition macroéconomique réussie. Un tel schéma semble excessivement optimiste à moyen terme et n’offre pas de marge de sécurité. Le contexte macro-financier est compatible avec un scénario de fin de cycle: mix croissance-inflation atone, effets décalés du resserrement monétaire, durcissement pro-cyclique des conditions de crédit, épuisement des marges de manœuvre contracycliques (épargne, déficits publics), risque de hard landing à ne pas exclure.

Les idées tactiques de valeur relative au sein de marchés actions sont relativement abondantes, mais leur nature contrariante nécessite d’optimiser leur implémentation.

Le thème central de l’allocation d’actifs en 2024 sera la réallocation du cash vers la partie longue de la courbe des taux. Les fins de cycles de resserrement monétaire sont toutes associées à une performance positive des obligations d’Etat. La période intermédiaire entre le dernier relèvement des taux directeurs de la Fed et la première baisse justifie d’être surpondéré Govies/Investment Grade, sous-pondéré High Yield, et neutre actions. La volatilité augmente et les taux de défaut repassent au-dessus de leur moyenne de long terme. Le profil rendement/risque des actions est globalement médiocre, justifiant un biais défensif. La dette émergente ne rémunère pas le risque additionnel par rapport aux Treasuries, d’autant que le portage sur les devises à haut rendement va se dégrader. Au sein des matières premières, l’or performe en général très bien en fin de cycle de hausse des taux, tandis que les fondamentaux demeureront médiocres pour l’énergie et les métaux industriels, au moins au premier semestre 2024. Les matières premières agricoles ont à la fois des bons fondamentaux et présentent le niveau de décorrélation le plus élevé avec les actions et les taux. Le regain de volatilité macro devrait soutenir les stratégies alternatives global macro et de pur alpha.

Les préférences régionales sont guidées par trois axes: convergence des valorisations, regain de préférence pour les thèmes défensifs, correction de l’anomalie des megacaps. Cela implique de réduire l’exposition aux actions US au profit de la Suisse, Japon, UK. Les marchés émergents manquent de catalyseurs, tout comme la zone euro. Les choix directionnels en matière de classes d’actifs et de préférence régionale sont très incertains. C’est la raison pour laquelle le mode d’exposition (convexité, protection) sera essentielle.

Les idées tactiques de valeur relative au sein de marchés actions sont relativement abondantes, mais leur nature contrariante nécessite d’optimiser leur implémentation. Il s’agit de toutes les paires qui présentent une situation extrême en matière de niveaux de prix et de positionnement des investisseurs, l’attente d’une validation fondamentale qui mettra du temps: S&P500 équipondéré vs. S&P500, SmallCaps vs LargeCaps (Europe et US), EM vs DM, Japon vs US, US Value vs US Growth, Défensives vs Cycliques, Europe vs US dans le secteur des REIT. Dans les taux, les spreads attractifs sont sur la courbe des US Treasuries (10 ans – 2 ans) et entre les Etats-Unis et l’Allemagne sur les taux à 10 ans.

Les thèmes stratégiques sont de trois natures. 1/ Les thématiques event driven, comme le pic de la Fed qui induit un changement de leadership vers les secteurs défensifs, le retournement du cycle de crédit (chute des zombies, hausse des défauts), la rotation sectorielle induite par la repentification de la courbe des taux. 2/ Les thématiques de construction de portefeuille: «rester investi» et conserver des expositions indicielles mais convexes, couvrir les grands risques de marché tant que la volatilité est bon marché. 3/ Les thèmes stratégiques cross-asset: le revenu sûr et de bonne qualité, inflation vs. déflation, la hausse des primes de risques et la préférence pour les actifs refuge (Or, US Treasuries, franc suisse), retour de la greenflation au second semestre 2024 (énergie, métaux, capex), le nouvel ordre économique mondial et la révolution technologique autour de l’IA. Les questions politiques et géopolitiques seront bien présentes, avec 77 élections au total, couvrant la moitié de la population mondiale, dont en particulier les Etats-Unis, Taiwan, et l’Inde.

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