L’inflation est-elle vraiment maîtrisée

Guy Ertz, BNP Paribas Wealth Management

2 minutes de lecture

Malgré des signes de rigidité à la baisse pour le prix des services, les chiffres de janvier ne remettent pas en question la trajectoire de désinflation.

La baisse spectaculaire dans la plupart des économies a été principalement liée à une forte baisse de l’inflation de l’énergie et des biens grâce notamment à la normalisation des chaînes d’approvisionnement. La baisse des prix des engrais a également contribué à ralentir l’inflation des prix alimentaires. Sur la période de juin 2022 à aujourd’hui, les taux d’inflation sont retombés de 9% à 3% approximativement. Le chemin restant vers la cible de 2% devrait toutefois être plus difficile.

En effet, aux Etats-Unis et en Europe, l’inflation des services demeure élevée et reste la principale source d’inquiétude. Aux Etats-Unis, l’inflation a surpris à la hausse principalement sur les composantes «services médicaux et frais de transports». Il convient toutefois de noter que le mois de janvier est souvent influencé par les hausses de prix de début d'année et des ajustements saisonniers. Cela génère une volatilité supplémentaire. L'année dernière, par exemple, les chiffres de l'inflation mesurée par l’indice de prix à la consommation de janvier et février ont connu une forte hausse qui s'est inversée par la suite.

En Suisse, la baisse de l’inflation a été plus rapide qu’attendue.

Nous pensons que les chiffres de janvier peuvent retarder la convergence vers l'objectif d'inflation à moyen terme de 2% mais ne remettent pas en question la trajectoire de désinflation. En Europe, ce sont également les prix des services qui montrent une certaine rigidité à la baisse. Avec un poids de près d’un peu moins de 50%, les composantes liées aux services jouent un rôle important pour la dernière partie de la convergence de l’inflation globale vers les 2%. L’inflation de janvier sera publiée le 1er mars et elle devrait être en baisse. La tendance baissière reste donc intacte à ce stade. En Suisse, la baisse de l’inflation a été plus rapide qu’attendue. Le chiffre de janvier est même retombé à 1,3% et est donc en ligne avec l’objectif de la banque centrale d’une inflation en dessous de 2%. Il est toutefois attendu que la tendance haussière des loyers devrait ramener le taux d’inflation plus proche de 2%. La force du franc suisse a et devrait naturellement limiter la hausse de l’inflation même à plus long-terme. L’inflation semble donc bien maîtrisée à ce stade.

Dans les principaux pays industrialisés, le principal risque haussier pour l’inflation reste la dynamique des salaires. Les indicateurs avancés de la demande de travail montrent une baisse importante ses derniers mois, ce qui devrait limiter les hausses de salaires à l’avenir. En effet, les ouvertures de postes ont connu une baisse notable et l’enquête d’opinion NFIB auprès de petites et moyenne entreprises fait apparaître que moins d’entreprises sont inquiètes quant à trouver des travailleurs. Quant au taux de chômage, il reste faible mais ceci est probablement lié au fait que les entreprises évitent de licencier sachant qu’elles auront beaucoup de mal à trouver des travailleurs qualifiés en cas de reprise économique («labor hoarding»). Au vu de ces évolutions et des anticipations d’inflation assez stables, le risque de spirale prix-salaires reste faible.

Dans un tel environnement, les banques centrales devraient avoir suffisamment d’éléments pour entamer un cycle de baisse de taux. La Fed devrait procéder à une première baisse en juin. D’ici là en effet, on aura la mise à jour des projections économiques de la Fed et des nouvelles données macroéconomiques. Le cycle de baisse des taux devrait être réparti dans le temps et nous prévoyons 100 pb de baisse des taux cette année et 100 pb l'année prochaine. Nous estimons le taux de fin de cycle à environ 2,75%. Ce taux serait atteint en 2026. Côté BCE, les membres veulent être rassurés quant à l'évolution des salaires et des bénéfices des entreprises. Ces informations ne seront disponibles qu’après la réunion d'avril.  Par conséquent, anticipons une première baisse en juin avec 75 pb de baisse cette année. Nous prévoyons une baisse supplémentaire des taux de 75 pb en 2025 avec un taux de dépôt de 2,5% d'ici la fin de l'année 2025. Ce taux serait également le taux de fin de cycle. La banque centrale suisse devrait baisser ses taux en cours d’année avec un objectif de 1,25% fin 2024 et 1% fin 2025.

A lire aussi...