France: réduire les dépenses publiques, vraiment?

Bruno Cavalier, ODDO BHF

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Le gouvernement français n’est pas encore sur le point de faire un big bang budgétaire.

La dernière fois que le budget de la France a frôlé l’équilibre c’était en 1979. Emmanuel Macron avait deux ans. L’équilibre budgétaire – le «Schwarze Null» parfois fétichisé chez nos cousins germains – n’est pas une fin en soi, indépendante des conditions d’activité, mais tout de même, au cours de toutes ces décennies, l’économie française n’a pas connu que des récessions, des chocs énergétiques, des crises financières ou des pandémies. La remontée des taux d’intérêt renchérit le coût de la dette. En préparation du budget de 2024, le message officiel insiste sur les baisses de dépenses. Les aides énergétiques vont disparaître, mais mener une consolidation profonde est une tout autre affaire.

Les déséquilibres ont grossi

En 2005, le gouvernement français avait demandé à une commission d’experts présidée par Michel Pébereau une étude sur les finances publiques. Le rapport qui en avait résulté était intitulé: Rompre avec la facilité de la dette publique. Ce rapport a eu le sort de tant d’autres, il n’a pas été suivi d’effet, la «rupture avec la facilité de la dette» n’a pas eu lieu. La dette représentait alors 67% du PIB nominal, elle est à 112% au deuxième trimestre 2023. Dix-huit années de déficits budgétaires se sont ajoutées aux vingt-cinq qui avaient précédé.

Non seulement la dette publique augmente plus vite que les ressources mais elle couvre de plus en plus des dépenses courantes, et non de l’investissement.

En actualisant le rapport Pébereau, il est patent que les déséquilibres ont grossi, rendant un ajustement d’autant plus difficile. Non seulement la dette publique augmente plus vite que les ressources mais elle couvre de plus en plus des dépenses courantes, et non de l’investissement. Le taux de pression fiscale en France est l’un des plus élevés du monde, mais ce n’est pas assez pour réduire les déficits budgétaires – et surtout les déficits structurels (hors effets du cycle) – tant les dépenses publiques progressent rapidement. A regarder dans le détail, la dérive des dépenses n’est pas tant dû à l’échelon central (l’Etat) qu’aux administrations locales et de sécurité sociale. Dans cette dernière catégorie, la part du lion revient aux dépenses de retraite.

La comparaison avec l’Allemagne est assez éclairante. Selon nos calculs, l’écart des déficits budgétaires entre les deux pays depuis vingt ans s’explique à 80% par l’évolution des charges de retraites (le résidu venant surtout du coût de la dette). Ce seul fait aurait suffi à justifier de réformer le système des retraites, mais, comme on sait, la réforme finalement adoptée au printemps a dû intégrer des compensations catégorielles qui en atténuent l’impact. Selon le dernier rapport du Conseil d’Orientation des Retraites, cette réforme réduirait les dépenses de 0,2 point de PIB d’ici 2030, mais la tendance haussière reprendrait ensuite.

La remontée des taux de refinancement de la dette, la sortie progressive des programmes de quantitative easing, la surveillance renforcée des agences de notation, le rétablissement de certaines règles budgétaires de l’Union européenne l’an prochain, la crainte de voir les marchés exiger une prime de risque plus grande, tout cela a sans doute pesé dans la préparation du budget pour 2024.

Depuis des semaines, le ministre des Finances multiplie les déclarations appelant à la responsabilité budgétaire, non sans un certain flou sur les objectifs et les montants. Pour ramener le déficit public de 4,9% du PIB en 2023 à 4,4% en 2024 (avec une trajectoire menant à moins de 3% en 2027), il est évoqué une baisse des dépenses de 10 à 15 milliards d’euros. Au moins, c’est un début. Pour l’an prochain, l’objectif est facilité par la fin des aides du «bouclier énergétique» (16 milliards d’euros) mais d’autres postes prioritaires doivent simultanément être regarnis (défense, éducation, écologie).

Vu les masses en jeu, les pistes d’économie sont du côté des dépenses sociales, par exemple la santé. La récente évaluation de la qualité des services publics a aussi identifié quelques dispositifs onéreux ou peu efficaces dans les aides au logement ou à l’embauche. Enfin, car c’est la France, la recherche d’économies se transforme assez vite en hausse d’impôts: la réduction prévue des impôts de production sera sans doute décalée; certains dispositifs de la fiscalité énergétique seront revus; peut-être aussi certaines exonérations de charges sur les bas salaires. La France n’est pas encore sur le point de faire un big bang budgétaire.

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