La baisse du rating traduit un risque global accru

Emmanuel Garessus

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L’abaissement de la note des Etats-Unis peut être un événement notable pour les actions, selon Arthur Jurus chez ODDO BHF.

L’agence de notation Fitch a abaissé d’un cran la note des Etats-Unis, de AAA à AA+. Le dollar a réagi à la hausse, tandis que les taux d’intérêt se sont très légèrement tendus. L’agence a motivé sa décision entre autres «par les impasses répétées sur le plafond de la dette» et «l’érosion de la confiance dans la gestion budgétaire», selon l’AWP. La décision intervient tandis que les Etats-Unis s’apprêtent à augmenter leurs émissions obligataires. Mercredi, les marchés d’actions étaient pénalisés par l’incertitude liée à cette décision. Arthur Jurus, Head of Investment Office PWM chez ODDO BHF, répond aux questions d’Allnews sur le rating des Etats-Unis:

Pourquoi le dollar est-il en hausse malgré l’abaissement de la notation des Etats-Unis par l’agence Fitch?

La dégradation de la notation des Etats-Unis traduit un risque global accru sur les marchés obligataires. Elle augmente l’aversion au risque des investisseurs, lesquels se tournent vers le dollar.

En théorie, une dégradation du rating devrait pénaliser une monnaie, mais nous parlons ici des Etats-Unis et de la principale monnaie de réserve internationale. Nous avons vu lors de la crise de la dette de la zone euro dès 2010 à quel point la notation pouvait être importante pour les économies européennes.

L’évolution du différentiel de taux n’est-il pas plus important?

Non. La hausse des taux courts sur le dollar est restée modeste jeudi. Elle impacte une monnaie si l’écart de taux anticipé à moyen terme est significativement modifié. Ce qui conditionne le marché des changes dépend surtout des anticipations de taux d’intérêt à un an, donc pour août 2024. Sur ce plan, les attentes sont fonction du comportement des banques centrales. Or le changement de rating des Etats-Unis ne modifie pas les attentes de la politique de la Fed.

«Nous sommes toujours positifs sur le franc suisse à six mois, ainsi que sur l’euro et le yen.»
Comment interprétez-vous la décision de l’agence Fitch et le moment choisi pour cet abaissement?

L’agence ne fait que suivre son calendrier de publication et de mise à jour des notations des émetteurs souverains.

La décision de l’abaissement de la notation n’est peut-être pas indépendante du calendrier politique américain. Un tel geste est probablement plus aisé aujourd’hui qu’en 2024. Elle reflète aussi l’impact de la hausse des taux d’intérêt obligataires cette année. Le rendement des bons du Trésor à 10 ans est supérieur à 4%, ce qui complique le refinancement de la dette publique américaine. L’agence exprime aussi un risque politique: les Etats-Unis sortent de l’épisode de «shutdown» et d’un difficile relèvement du plafond de la dette.

Est-ce que cette décision est l’occasion attendue pour entamer une consolidation des actions à court terme?

Elle peut être un événement notable pour les actions en août. L’histoire révèle qu’une dégradation du rating exerce un impact significatif sur les actions. Les marchés à terme réagissent d’ailleurs négativement.

Les investisseurs pourraient saisir cette occasion pour «réduire un peu les lignes», donc pour prendre une partie des bénéfices sur les titres qui se sont fortement appréciés ces derniers mois.

La Suisse est toujours au bénéfice d’un AAA. Est-ce qu’une dégradation est possible à moyen terme?

La problématique est différente pour la Suisse puisque le franc n’est pas une monnaie de réserve internationale comme l’est le dollar. L’agence Moody’s est très attentive à la santé des finances publiques. La Suisse ne court aucun risque sur ce plan en raison de sa constitution. L’agence S&P regarde surtout les enjeux politiques, lesquels ne devraient guère se détériorer. Pour la Suisse, le risque ne peut survenir que des critères économiques tels qu’une explosion de l’inflation. Mais nous observons plutôt une accalmie des prix. La Suisse ne risque rien. Elle profite de ses aspects défensifs.

Quel est votre scénario sur les monnaies?

Nous sommes toujours positifs sur le franc suisse à six mois, ainsi que sur l’euro et le yen. Nous l’étions aussi sur le dollar, lequel s’est beaucoup apprécié. Nous sommes également haussiers sur l’euro parce que la BCE, à l’inverse de la Fed, devrait encore relever ses taux directeurs. L’euro profite aussi d’un effet de rattrapage par rapport au billet vert.

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